Dans son nouveau rapport  « Un Maroc égalitaire, une taxation juste » présenté à la veille des Assises de la fiscalité qui auront lieu les 3 et 4 mai, Oxfam au Maroc dresse un état des lieux sur les inégalités au Maroc, et formule des recommandations pour faire de la fiscalité un instrument de réduction des inégalités.

Le fossé entre les plus riches et les plus pauvres continue de se creuser au niveau mondial et le Maroc n’échappe pas à cette tendance. Le Maroc est un des pays les plus inégalitaires de la région et dans la moitié la plus inégalitaire de la planète.

En 2018, les trois milliardaires marocains les plus riches détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, tandis qu’à l’extrême opposé, 1,6 million de personnes sont en situation de pauvreté, et un·e Marocain·e sur huit est en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire susceptible de basculer dans la pauvreté à tout moment.

Le rapport d’Oxfam révèle notamment qu’il faudrait 154 ans à une personne salariée au SMIG pour gagner ce que reçoit en 12 mois l’un des milliardaires du Maroc.

Derrière les inégalités, il y a des choix politiques et économiques que le débat sur le modèle de développement au Maroc, lancé par le roi en octobre 2018, doit prendre en considération. Oxfam au Maroc saisit cette opportunité pour contribuer au débat public à ce sujet. Des solutions existent pour mettre fin aux injustices et cela implique que les décideurs publics adoptent des mesures ambitieuses pour changer la donne. C’est dans ce but qu’Oxfam au Maroc lance sa campagne « Un Maroc égalitaire, une taxation juste ». Avec ses partenaires de la société civile, l’ONG invite les citoyen·ne·s à se mobiliser pour demander à ce que la lutte contre les inégalités soit une priorité des politiques au Maroc.

Pour Abdeljalil Laroussi, Responsable plaidoyer et campagnes d’Oxfam au Maroc : « Les inégalités dans le Royaume ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont le résultat de politiques publiques inadaptées et encouragées par les institutions internationales. Depuis l’indépendance, le Maroc a adopté des modèles de croissance qui sont en train de creuser les inégalités et qui mettent une grande partie de la population en situation d’extrême vulnérabilité ».

Il poursuit : « Parce que les inégalités freinent la lutte contre la pauvreté, nuisent à la croissance et exacerbent les tensions sociales, il est urgent que les responsables politiques et les entreprises prennent le problème à bras le corps. Les citoyen·ne·s peuvent aussi agir pour inverser la tendance en interpellant les décideurs publics ! ».

Services publics défaillants et sous-financés, chômage et précarité au travail, discriminations envers les femmes, système fiscal injuste, le rapport d’Oxfam met en lumière la panne de l’ascenseur social qui sévit au Maroc et creuse le fossé entre les plus riches et les plus pauvres :

82% des recettes de l’impôt sur les sociétés proviennent de seulement 2% des sociétés.
Le montant des pertes fiscales subies par le Maroc chaque année du fait des pratiques fiscales des multinationales s’élève à 2,45 milliards de dollars.

  • Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) urbains est de 42,8%.
  • La durée moyenne de scolarisation au Maroc est de 4,4 années.
  • Le Maroc ne compte que 6,2 médecins pour 10 000 habitants, contre 12 en Algérie et en Tunisie et 37,1 en Espagne. Et 51% des dépenses de santé sont financées par les ménages, contre 21% dans les pays de l’OCDE.
  • Près de la moitié (46%) de la population active ne bénéficie pas d’une couverture médicale et les pensions de retraites des femmes sont inférieures de 70% à celles des hommes.
  • Dans les zones rurales, seulement 64% des habitants sont branchés à un réseau d’eau potable.
  • Les femmes marocaines consacrent en moyenne cinq heures par jour au travail domestique, contre 43 minutes pour les hommes.

Ce rapport montre que : « le fils d’un cadre supérieur dispose de 456 fois plus de chances d’appartenir à la même catégorie socioprofessionnelle que son père, par rapport à un fils d’ouvrier, on comprend que le modèle de développement actuel ne répond plus aux attentes de la plus grande partie de la population, les jeunes et les femmes en particulier. Ce modèle économique qui concentre d’immenses richesses dans les mains d’une minorité alors que des millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté est injuste et défaillant ».

Selon Asmae Bouslamti, Responsable du programme gouvernance d’Oxfam au Maroc: « La justice fiscale est un excellent moyen de cohésion sociale. Elle permet de corriger les inégalités en redistribuant les richesses lorsqu’elles sont mal réparties initialement, et de prélever les ressources nécessaires pour le financement d’infrastructures et de services publics qui profitent à toute la collectivité. L’article 39 de la constitution marocaine de 2011 garantit l’égalité des citoyen·ne·s devant l’impôt, qui doit être versé en fonction des capacités contributives. La troisième édition des assises de la fiscalité représente une opportunité de prise de conscience et d’actions concrètes concernant les inégalités ».

Pour répondre à la crise des inégalités et au sentiment d’injustice fiscale, Oxfam au Maroc demande au gouvernement et aux institutions concernées d’adopter des mesures concrètes et ambitieuses.

La lutte contre les inégalités et la pauvreté doit être au cœur de l’ensemble des actions de politiques publiques au Maroc et mener le gouvernement à un plan d’action urgent :

1. Développer un plan national contre les inégalités

  • Adopter un objectif ambitieux et quantifié de réduction des inégalités à l’horizon 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable.
  • Produire des données statistiques mises à jour régulièrement et disponibles publiquement sur la disparité des revenus et la concentration de la richesse.
  • Prendre des mesures urgentes et concrètes pour corriger les disparités régionales, les inégalités de genre et améliorer la gouvernance à tous les niveaux.
  • Lancer un plan de formalisation de l’activité économique

2. Adopter une fiscalité juste qui contribue à réduire les inégalités :

  • Améliorer la progressivité du système fiscal dans son ensemble :
    – Pour les impôts sur le revenu, introduire de nouvelles tranches sur les niveaux de revenus les plus élevés au bénéfice des tranches les plus faibles.
    – Introduire une fiscalité progressive du patrimoine détenu et transmis.
    – Introduire une analyse genrée de l’ensemble des impôts pour contribuer à réduire les inégalités entre femmes et hommes.
  • Élargir l’assiette fiscale pour rendre plus juste la contribution de l’ensemble des acteurs économiques du pays.
  • Faire de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale une priorité.

Lire le rapport d’Oxfam au Maroc « Un Maroc égalitaire, une taxation juste »

Notes aux rédactions

Le rapport, la méthodologie expliquant la méthode de calcul d’Oxfam au Maroc ainsi que l’ensemble de données sont disponibles sur demande.
Les calculs d’Oxfam au Maroc sont basés sur les données les plus complètes et les plus actuelles disponibles.

Contacts presse :

En France : Pauline LECLERE – 07 69 17 49 63 pleclere@oxfamfrance.org
Au Maroc : Mohamed Amine DANI – (+212) 618 28 74 39 Email : mohamed.dani@oxfam.org