Les Assemblées annuelles de printemps du FMI et de la Banque Mondiale (« Spring Meetings ») s’ouvrent à Washington ce lundi, à deux mois du Sommet de Paris pour un Nouveau Pacte Financier Global au cours duquel le Président Macron entend repenser le financement du développement et de l’action climatique, alors que la planète traverse sa pire crise humanitaire depuis 1945, en particulier au Sahel et dans la Corne de l’Afrique. Une nouvelle analyse d’Oxfam révèle l’ampleur des besoins 

Selon l’analyse d’Oxfam, 27 000 milliards de dollars (environ 3 900 milliards par an jusqu’en 2030) sont nécessaires aux pays à revenu faible et intermédiaire pour faire face aux pertes et dommages liés au climat, aux mesures d’adaptation et d’atténuation, ainsi qu’à leurs besoins en matière de santé, d’éducation et de protection sociale. 

Malgré leur ampleur, tous ces investissements sont essentiels pour lutter contre les inégalités économiques et de genre. Avec suffisamment de volonté politique, atteindre une telle somme est possible 

Oxfam demande aux pays riches d’emprunter 11 500 milliards de dollars pour financer un « échange de dette climatique » sans précédent avec les pays plus pauvres, en plus d’honorer enfin leurs engagements en matière d’aide, pour lesquels ils ont des arriérés de 6 500 milliards de dollars. 

Des impôts progressifs sur la fortune et des droits de tirage spéciaux (DTS) suffiraient à financer ces politiques de bon sens et bien plus encore, et il resterait suffisamment d’argent pour que les pays riches puissent réaliser des investissements visant à réduire les inégalités dans leur propre pays. Une seule mesure – un impôt progressif sur la fortune nette allant jusqu’à 5 % – pourrait ajouter environ 1100 milliards de dollars aux budgets des pays donateurs (Comité d’Aide au Développement de l’OCDE) chaque année.  

« À tous ceux qui jugeraient radical un échange de dette climatique de 11 500 milliards de dollars, il faut rappeler que les pays riches ont mobilisé Presque 3 fois plus dans le cadre de leur réponse au Covid en 2020’’ a déclaré Louis-Nicolas JANDEAUX, porte-parole d’Oxfam France sur les enjeux de financement du développement.  

Malgré la terrible réalité de l’austérité et du changement climatique qui frappe le plus durement les populations les plus pauvres, les femmes et les groupes marginalisés, les pays riches réunis lors des réunions de printemps de la Banque mondiale à Washington (du 10 au 16 avril) discutent de réformes susceptibles de ne débloquer qu’une infime partie des financements nécessaires. En effet, les pays riches donnent la priorité à des options qui ne leur coûtent pas un centime. Par exemple, la réforme du CAF n’est pas une solution miracle – elle n’apportera qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui est réellement nécessaire et risque de détourner l’attention des engagements en matière d’aide.  

« Le FMI doit revoir radicalement son approche des inégalités. Il doit cesser d’encourager les politiques d’austérité qui frappent le plus durement les plus pauvres et creusent le fossé entre les riches et les autres« . 

« Pour la première fois en 25 ans, l’extrême richesse et l’extrême pauvreté ont augmenté en même temps. 71 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans la pauvreté en l’espace de quatre mois l’année dernière en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants« , a déclaré Louis-Nicolas Jandeaux. « En réponse, le FMI lance des politiques d’austérité sur les économies des pays pauvres qui se noient, les frappant non pas comme des bouées de sauvetage mais comme des poids de plomb« , a ajouté Louis-Nicolas Jandeaux 

D’autres initiatives sont sur la table des réunions de Printemps et du “Sommet de Paris sur un Nouveau Pacte Financier” – telles que la suspension des remboursements de la dette si un pays subit une catastrophe naturelle comme un ouragan ou un tremblement de terre, ou les « obligations vertes » pour encourager les projets environnementaux – qui pourraient être les bienvenues, mais elles sont également loin d’être suffisantes pour répondre aux besoins alors même que les pays riches n’ont toujours pas honoré la promesse faite en 2009 de fournir au moins 100 milliards de dollars annuels aux pays en développement pour leurs financements climat, alors même que les besoins sont bien plus importants. Et la France, dont les financements climat se font essentiellement sous forme de prêts à rembourser, devrait augmenter largement le montant de ses dons  

« Si les pays riches voulaient vraiment investir pour les populations les plus vulnérables et la planète, ils iraient au-delà de tours de passe-passe financiers. Il est temps que les gouvernements retrouvent leur éthique et taxent les plus riches, afin que nous puissions éviter la catastrophe climatique et sortir tout le monde de la pauvreté » 

‘’Le sommet organisé par la France au mois de Juin afin d’atterrir sur un nouveau pacte financier avec les pays en développement constitue par conséquent un rendez-vous à ne pas manquer pour Emmanuel Macron et oblige à l’exemplarité des financements français pour le climat, le développement et en réponse aux crises humanitaires’’ ajoute Louis-Nicolas Jandeaux.

> L’analyse complète d’Oxfam est disponible ici.

Contact

Louis-Nicolas JANDEAUX
lnjandeaux@oxfamfrance.org
06.49.15.58.60 

Notes aux rédactions 

Au Sahel central (Mali, Niger, Burkina Faso) 7,6 millions de personnes auront besoin d’assistance alimentaire en 2023 (https://westafrica.oxfam.org/fr/latest/policy-paper/des-mesures-urgentes-sont-n%C3%A9cessaires-pour-sauver-76-millions-de-personnes-dans) . Dans le même temps dans la Corne de l’Afrique, on estime qu’une personne toutes les 36 secondes meurt de faim en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, pays ravagés par la sécheresse. 

Les réformes du « cadre d’adéquation des fonds propres » (CAF) permettraient aux banques multilatérales de développement d’augmenter le volume de leurs prêts sans que les actionnaires gouvernementaux n’aient à débourser plus d’argent. Selon Oxfam, bien qu’il s’agisse d’une bonne idée qui devrait être mise en œuvre rapidement, elle est loin d’être une solution miracle. 

Même les réformes les plus ambitieuses de la CAF ne débloqueraient que 1 000 milliards de dollars, ce qui est loin des 27 400 milliards de dollars nécessaires.  

Toutefois, une réforme moins ambitieuse – et bien plus probable – sur la table ne permettrait de réunir que 0,1 % des besoins annuels en matière de dépenses climatiques et sociales des pays à revenu faible et intermédiaire d’ici à 2030. Oxfam craint que les pays riches ne se servent de cette réforme du CAF comme d’une excuse pour ne pas respecter leurs engagements en matière d’aide, alors que les nations les plus pauvres en ont besoin de toute urgence.