Le « nouveau » Pacte prolonge les politiques migratoires européennes ayant eu comme résultat le camp de Moria à Lesbos. Dans le nouveau camp, 1 personne sur 5 a tenté de se suicider.

Les conditions à Mavrovouni, le nouveau « Moria 2.0 » mis en place suite à l’incendie du premier camp, sont inférieures aux normes humanitaires minimales, mais l’Europe veut reproduire les politiques qui en sont la cause. C’est ce que révèle le dernier rapport « Tipping the Scales: the role of responsibility and solidarity sharing in the situation on the Greek island » (« Une balance déséquilibrée : le rôle du partage de responsabilité et solidarité dans la situation dans les îles grecques») et le bulletin Lesbos, publiés en collaboration avec le Greek Council for Refugees – GCR.

Le rapport analyse le refus des pays de l’UE de relocaliser les demandeurs d’asile des îles grecques. Les Etats membres continuent de faire preuve de manque de solidarité entre eux, en ne respectant pas leurs engagements de relocalisation des personnes. Ce manque d’accords continue d’avoir un fort impact sur des milliers de personnes en besoin d’assistance et protection. Les pays de l’UE ont constamment essayé d’échapper à leurs responsabilités légales, en mettant en place des barrières allant jusqu’à l’entrave aux réunifications familiales.

Même si des améliorations des conditions de vie dans le camp ont eu lieu ces derniers mois, ces conditions restent dramatiques, particulièrement leurs impacts sur la santé et les droits des femmes, plus vulnérables et souvent plus exposées aux abus au cours de leurs voyages.

Barlin *, actuellement en détention administrative prolongée à l’île de Kos, a déclaré pour Oxfam en Grèce :
«Nous n’avons même pas nos droits fondamentaux en tant que réfugiés. Nous ne sommes pas libres et nous ne savons pas combien de temps [nous resterons détenus]. Ils remplacent nos noms par des chiffres, nous traitant comme si nous étions en prison, nous appelant par nos numéros. Nous dépendons de leur humeur quant au moment où nous pouvons voir un médecin. Ils ne se soucient pas des personnes vulnérables. »

Le rapport examine également les nouvelles lois d’asile proposées par l’UE. En particulier, il se concentre sur les propositions de partage des responsabilités et de mécanismes de solidarité. Il constate que, malgré certaines promesses, les politiques sur la table ne parviennent pas à corriger les défauts qui ont conduit aux conditions de surpeuplement et d’inhospitalité en Grèce.

Pour Jon Cerezo, responsable de campagne migrations chez Oxfam France :

«L’UE a reconnu l’échec de ses anciennes politiques. Alors que le nouveau pacte migratoire vise à équilibrer le partage des responsabilités à travers l’UE, il copie bon nombre des anciennes politiques défaillantes. Certains États membres remettent déjà en question son objectif. Les politiques remaniées et l’inaction des États laissent les gens au mieux dans l’incertitude, au pire les renvoient aux dangers auxquels ils tentent d’échapper.

La pandémie a mis la vie des gens en pause. Elle a empêché les familles de se réunir et ralenti les processus de demande d’asile en raison des horaires d’ouverture restreints des services d’asile grecs associés au verrouillage dans les camps. L’accès à l’aide juridique a été de même sévèrement limité. Ces retards ont conduit les gens à vivre dans l’incertitude et à se demander quand leur vie pourra reprendre. »

La Grèce a durci sa position en matière d’asile. Les réformes de la loi grecque, le recours fréquent à la détention et les barrières à l’accès à la protection internationale ne sont que quelques-unes des mesures prises. Pendant ce temps, le coût humain augmente: une personne sur cinq a tenté de se suicider; des personnes, notamment des survivants de violences sexuelles et des personnes âgées, sont détenues sans raison; les risques d’agression sexuelle augmentent et les enfants ne reçoivent aucune éducation. Les femmes sont particulièrement touchées, les restrictions de mouvement les empêchant d’avoir accès à la protection.

Depuis l’accord UE – Turquie, qui fêtera en mars ses 5 ans, les États membres ont tenté à tout prix d’externaliser leur responsabilité de protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile. En Grèce, l’accord a vu des lois plus sévères s’imposer, des camps se surpeupler et un système d’accueil commun en faillite. L’Europe doit réviser sa législation sur l’asile pour protéger les droits de ceux qui recherchent la sécurité, tout en respectant le principe de solidarité entre les États membres.

* Les noms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité

Contact Presse :
Jon Cerezo, Responsable campagne migrations, 06 51 15 54 38

Notes aux rédactions :

• Des porte-paroles sont disponibles à Athènes et Lesbos (anglais, grec).
• Voici le « bulletin de Lesbos », il détaille comment la situation ne répond pas aux normes Sphère – un ensemble de principes établissant les normes minimales dans les contextes humanitaires en ce qui concerne l’accès à l’eau, l’assainissement, la promotion de l’hygiène, la nourriture, la sécurité et la nutrition.
• Sur ce lien le rapport « Tipping the Scales: the role of responsibility and solidarity sharing in the situation on the Greek island » (« Une balance déséquilibrée : le rôle du partage de responsabilité et solidarité dans la situation dans les îles grecques») Il détaille comment l’échec des politiques de l’UE et le détournement de responsabilités ont abouti à la situation épouvantable en Grèce, et comment les propositions actuelles se reproduisent.
• Une étude de l’International Rescue Committee, The Cruelty of Confinement: The Mental Health Toll of the EU’s Hotspot Approach on the Greek Islands, a révélé qu’un demandeur d’asile sur trois fait état de pensées suicidaires et un sur cinq a déjà tenté de se suicider en raison de l’impact d’un confinement prolongé en 2018-2020.
• Un tiers seulement des 160 000 délocalisations convenues ont eu lieu depuis l’engagement de 2015-2017. Suite à l’incendie de Moria, les pays européens ont promis la relocalisation de 5100 personnes. Par contre seulement 2050 délocalisations ont eu lieu. Cela était en partie dû aux restrictions de vol liées au COVID-19, et en partie à la lourdeur des procédures, à la lenteur de la mise en œuvre et aux pratiques certains États.