A quatre jours de la présentation du plan de relance en Conseil des ministres (mardi 25 août), Oxfam France appelle le gouvernement à ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’après la crise de 2008 et lui demande d’imposer des conditions sociales et environnementales aux aides versées.

Pour Quentin Parrinello, responsable de plaidoyer Justice fiscale et inégalités à Oxfam France : « L’ensemble des 40 milliards d’euros d’aides à l’économie ne semblent pas être conditionnés à des objectifs sociaux et environnementaux, à l’image de la baisse annoncée des impôts de production qui devrait bénéficier uniquement aux grandes entreprises, y compris dans les secteurs polluants.  Il faut tirer les leçons de 2008 où nous avons relancé sans imposer aucune conditionnalité. Résultat, au cours des 10 dernières années, les grandes entreprises ont perdu de vue la vision de long terme et ont fait des choix stratégiques qui ont aggravé les inégalités en leur sein et creusé le déficit climatique ». 

C’est le constat dressé par Oxfam dans un rapport récent [1] : en 2008, les politiques publiques visant à relancer l’économie ont permis aux grandes entreprises de dégager des marges mais celles-ci ont davantage servi à rémunérer les actionnaires, plutôt que d’être affectées à des investissements et à des revalorisations de salaires. Entre 2009 et 2018, les entreprises du CAC 40 ont augmenté de 70 % la rémunération de leurs actionnaires et de 60 % la rémunération des PDG. Dans le même temps, les écarts de salaires ont explosé : en 2018, l’écart moyen entre la rémunération des PDG du CAC 40 et le salaire moyen était de 110, en augmentation de 30% depuis 2009

Pour Quentin Parrinello : « Aujourd’hui, nous avons le choix de relancer la croissance aveuglément ou d’orienter notre modèle économique pour qu’il soit plus juste, plus durable, plus résilient. Pour cela il est nécessaire de mettre des conditions sociales et environnementales aux aides versées dans le cadre du plan de relance : pas un seul euro d’aide publique ne doit être utilisé pour rémunérer des actionnaires ou payer des bonus aux PDG des grandes entreprises et il faut exiger des entreprises aidées la publication d’une stratégie d’alignement avec l’Accord de Paris » [2].

 « Sans conditions, les aides risquent de renforcer encore davantage la mainmise des actionnaires sur les choix stratégiques des entreprises, accroître la déconnexion avec l’économie réelle et retarder la transition écologique. Quand on sait que plusieurs entreprises du CAC 40 versent des dividendes même lorsqu’elles sont en déficit, on perçoit la nécessité de poser des règles de bonne gestion ! C’est juste du bon sens visant à protéger les entreprises elles-mêmes ! ».

Oxfam rappelle que sur l’ensemble de la période 2009-2018, un quart des entreprises du CAC 40 ont versé plus de dividendes à leurs actionnaires qu’elles n’ont fait de bénéfices.

Au-delà de la relance, il faudra engager une transformation profonde de toutes nos entreprises, à défaut de quoi nous risquons de fragiliser encore notre économie. Investir dans la transition écologique, mieux partager les richesses et les pouvoirs, réduire les écarts vertigineux de salaires, sont des conditions sine qua non pour permettre à nos entreprises de résister aux prochaines crises et pour répondre aux deux grands défis qui sont déjà devant nous : celui des inégalités et celui du climat. Le gouvernement est à la croisée des chemins.

Oxfam France est aussi très vigilante sur la question du financement de la relance : « Cette relance aura un coût. Afin de ne pas aggraver les inégalités il sera nécessaire de ne pas faire porter ce coût par les plus vulnérables et mettre, au contraire, à contribution celles et ceux qui ont le moins pâti de cette crise, alors que le patrimoine cumulé des 500 plus grandes fortunes de France a progressé de 3% sur un an, battant ainsi un nouveau record malgré la crise. ».

Cécile Duflot, Directrice générale d’Oxfam France, sera aux Universités d’été du MEDEF (la REF2020) le 27 août, et aux Universités d’été pour l’Economie de demain (les UEED2020) le 28 août, pour porter les recommandations d’Oxfam France auprès des membres du gouvernement qui seront présents.

Contact presse

Pauline Leclère – 07 69 17 49 63 – pleclere@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions :

[1] Oxfam France appelle le gouvernement et les parlementaires à conditionner l’octroi de l’ensemble des crédits du plan de relance à la mise en place d’objectifs socio-écologiques pour les grandes entreprises :

  • Adopter un plan de transformation de l’entreprise comprenant la publication de l’empreinte carbone directe et indirecte, une trajectoire de réduction de cette empreinte carbone alignée avec les objectifs de l’Accord de Paris et un plan d’investissement permettant de mettre en œuvre la réduction de l’empreinte carbone.
  • Interdire le versement de dividendes et de bonus PDG pour le prochain exercice budgétaire (2021). Dans le cas d’une aide pluriannuelle (au-delà de l’exercice 2021), encadrer par loi le versement de dividendes au-delà de l’exercice 2021 jusqu’à la fin de l’aide.
  • Cibler la baisse des impôts de production pour qu’elle ne bénéficie pas aux entreprises polluantes.
  • Adopter un bonus-malus écologique et social pour réorienter les financements vers des objectifs sociaux, environnementaux et climatiques.

[2] « CAC40 : des profits sans lendemain ? », Oxfam France – Le Basic, juin 2020. https://www.oxfamfrance.org/rapports/cac-40-des-profits-sans-lendemain/