Selon le rapport « Les coûts de la guerre », qui présente les résultats d’enquêtes de terrain menées auprès de 704 Afghans à travers tout le pays, 70% des Afghans citent en premier lieu la pauvreté et le chômage comme principales causes du conflit qui touche leur pays.
Le sombre constat de cette étude est à l’image d’un pays à genoux après 30 ans de conflits :
– un Afghan sur six pense à quitter le pays
– un Afghan sur cinq a été victime de torture depuis le début de la guerre en 1979, dont un tiers de femmes
– trois Afghans sur quatre ont été contraints de quitter leur foyer depuis cette date
– seul 1% affirme avoir reçu des compensations pour les préjudices subis.
« Depuis 30 ans, les Afghans endurent d’énormes souffrances et la société afghane est dévastée. Des millions de personnes ont été tuées et plus encore forcées de fuir leurs foyers mais les responsables des pires abus vivent en toute impunité. Tous ces dommages sociaux, psychologiques et économiques ne pourront être réparés du jour au lendemain » souligne Nicolas Vercken, d’Oxfam France.
3 750 soldats français sont actuellement déployés en Afghanistan au sein de la coalition internationale, c’est de loin la plus grande opération extérieure française actuellement en cours. Cette priorité militaire s’accompagne d’un engagement diplomatique fort sur ce dossier, tant de Nicolas Sarkozy que de Bernard Kouchner.
« Les populations civiles afghanes nous adressent aujourd’hui un message clair : la résolution à long terme du conflit passe d’abord par la lutte contre la pauvreté et la corruption. Les Afghans ont besoin de bien plus que de solutions militaires et beaucoup estiment que l’aide internationale ne parvient pas à ceux qui en ont le plus besoin. La France doit donc peser encore davantage au sein de l’OTAN, des Nations unies et de l’Union européenne, pour que ces préoccupations des Afghans deviennent effectivement les priorités de la communauté internationale » ajoute Nicolas Vercken.
Un homme originaire de Nangarhar a expliqué au cours de l’enquête : « Quelles sont selon vous les conséquences de deux millions d’Afghans martyrisés, de la destruction de 70% du pays et d’une économie en ruine ? La moitié de notre peuple perd la tête. Un homme de 30 ou 40 ans en paraît 70. Nous vivons constamment dans la peur, nous ne sommes nulle part en sécurité en Afghanistan. »
Oxfam France demande à Bernard Kouchner, qui se rendra vraisemblablement en Afghanistan cette semaine pour assister à l’investiture d’Hamid Karzaï, de prendre en compte les souhaits des Afghans et de s’assurer que les projets d’aides soient mieux coordonnés et répondent davantage aux besoins des civils.
« En accueillant à Paris une conférence internationale en juin 2008, la France a donné un signe fort de son engagement en faveur de la reconstruction et du développement de l’Afghanistan. Tout en poursuivant ses efforts d’assistance, elle doit veiller à une meilleure coordination de l’aide internationale et contribuer à faire pression sur le gouvernement afghan pour qu’il lutte contre la corruption » rappelle Nicolas Vercken.
Notes
1. Le rapport «Les coûts de la guerr » est disponible en PDF en français et en anglais.
2. Cette étude a été conçue et / ou menée par les organisations suivantes : Afghan Civil Society Forum (ACSF), Afghan Peace and Democracy Act (APDA), Association for the Defence of Women’s Rights (ADWR), Cooperation Centre for Afghanistan (CCA), Education Training Center for Poor Women and Girls of Afghanistan (ECW), Oxfam Grande-Bretagne, Organization for Human Welfare (OHW), Sanayee Development Organization (SDO) et The Liaison Office (TLO).
3. Cette étude a été menée dans 14 provinces d’Afghanistan entre janvier et avril 2009 auprès de 704 hommes et femmes choisis au hasard. Des entretiens structurés et des discussions collectives ont été menés. Les régions ont été choisies dans tout le pays : quatre au Nord, trois dans l’Est, deux au Sud, une dans l’Ouest et quatre dans le centre. La plupart des sites n’étaient pas en conflit au moment de l’étude mais cela a depuis changé à cause de la rapide détérioration de la sécurité sur place.
4. Dans la mesure du possible, la majorité des enquêteurs étaient des Afghans originaires de la même région que les personnes interrogées.
5. 48% des personnes étaient des femmes, 52% des hommes, de 12 à 87 ans, l’âge moyen étant de 33,5 ans.
6. Les noms des personnes citées dans l’étude ont été modifiés pour des raisons de sécurité.
7. Interrogés sur les causes du conflit :
– 70% des personnes évoquent la pauvreté et le chômage
– 48% la corruption et l’inefficacité du gouvernement afghan
– 36% les Talibans
– 25% les autres pays, en particulier les voisins pakistanais et iranien.
8. En juin 2008, la France avait accueilli la précédente conférence internationale de soutien à l’Afghanistan. Celle-ci avait permis de lancer la stratégie nationale de développement de l'Afghanistan et de collecter des promesses de dons à hauteur de 20 milliards de dollars. Un accord avait été conclu sur la nécessité du renforcement du rôle de coordination des Nations unies afin d’améliorer la qualité de l’aide. Divers engagements y avaient été pris, dont ceux de renforcer les infrastructures agricoles, d’améliorer la fourniture de services aux Afghans et de lutter contre la corruption.