Rapport Oxfam : l’aide internationale ne doit pas servir à des fins politiques et militaires

Dans un rapport publié le 10 février, Oxfam démontre que les pays donateurs consacrent de plus en plus d'aide aux pays qu'ils considèrent stratégiques politiquement et militairement, et négligent d'autres crises tout aussi graves et d'autres pays où les besoins sont importants.

Dans le rapport "À qui doit profiter l'aide ?", Oxfam constate que depuis 2001, des milliards de dollars d'aide internationale sont utilisés pour gagner 'les cœurs et les esprits' dans les conflits et soutenir les politiques étrangères ainsi que les objectifs de sécurité à court terme des pays donateurs.

Pour atteindre leurs engagements internationaux, les pays donateurs ont certes augmenté leur aide entre 2001 et 2008. Mais plus de 40% de cette augmentation a concerné seulement deux pays, l'Afghanistan et l'Irak, 60% pour 150 autres pays. L'ONG souligne que l'aide ainsi politisée est souvent mal conçue et inefficace. En brouillant dangereusement la ligne de démarcation entre les activités civiles et militaires, elle fait dans certains cas des populations bénéficiaires et des travailleurs humanitaires la cible d'attaques.

"Depuis 2001, la population de la République démocratique du Congo a reçu au mieux 10 dollars par an et par habitant d'aide humanitaire, tandis qu'en Irak, un pays beaucoup plus riche, la population a reçu certaines années jusqu'à douze fois ce montant", indique Nicolas Vercken d'Oxfam France. "En France, l'aide a longtemps été orientée vers les pays francophones d'Afrique, et affectée en fonction d'un mélange d'intérêts stratégiques et de liens historiques. Bien qu'ils soient maintenant également déterminés en fonction des besoins, les pays bénéficiaires de l'aide française sont encore explicitement choisis en fonction de certains 'critères d'intérêt', incluant leur importance pour la sécurité nationale française et les priorités de lutte contre le terrorisme ", ajoute-t-il.

Pour Oxfam, une nouvelle approche fondée sur des objectifs à long terme est nécessaire pour maximiser l'impact de l'aide. "Pour être efficace, l'aide doit être séparée de l'effort militaire et avoir pour objectif de réduire la pauvreté et la souffrance plutôt que de s'attaquer aux problèmes de sécurité à court terme des gouvernements donateurs" souligne Nicolas Vercken.

En Afghanistan, les États-Unis et d'autres pays de l'OTAN ont dépensé des milliards de dollars sur des projets à 'impact rapide', en réalité coûteux et non durables. De plus, de nombreux Afghans souhaitent se distancier de tels projets qu'ils perçoivent comme plus dangereux car davantage susceptibles d'être pris pour cible par les Talibans. Dans le cadre de la formation qu'elle dispense en Afghanistan, l'OTAN a continué de diffuser une approche utilisant l'aide humanitaire pour 'récompenser' ceux fournissant des renseignements, même après que l'OTAN a elle-même officiellement renoncé à cette pratique en 2004 et a convenu des règles interdisant une telle approche.

Si Oxfam reconnaît que les militaires peuvent jouer un rôle crucial dans les jours qui suivent une crise humanitaire, en particulier à travers la fourniture de transports et l'établissement d'un environnement sûr, l'ONG note toutefois que les organisations humanitaires sont les mieux placées pour fournir directement nourriture, soins médicaux et soutien aux moyens de subsistance aux victimes de catastrophes.

Contact

Magali Rubino / mrubino@oxfamfrance.org / 01 56 98 24 45 / 06 30 46 66 04

Notes aux rédactions

Depuis deux ans, Oxfam France publie le baromètre qui compare des conflits via différents critères, notamment les déplacements de population, les taux de mortalité, la vulnérabilité des populations, les violences, l'aide internationale, la présence militaire internationale, la diplomatie française et internationale, ainsi que la couverture médiatique.

Depuis 2009, le Canada s'est engagé à dépenser 80% de son aide bilatérale sur 20 « pays visés », désignés en partie sur la base de « leur alignement avec les priorités canadiennes en matière de politique étrangère. » Ces pays comprennent l'Afghanistan, où les troupes canadiennes sont au combat, et la Colombie, un pays avec une économie à revenu intermédiaire, avec qui le Canada venait de signer un accord de libre-échange, alors que sept pays à faible revenu en Afrique subsaharienne ont été abandonnés.

Entre 2007 et 2009, plus de la moitié de l'aide australienne en Afghanistan a été acheminée par le ministère de la Défense, qui n'est pas tenu de se présenter ou d'évaluer l'impact de ses projets d'aide.

Sur une note plus positive, en 2010 environ 17% des 2 milliards de dollars d'aide humanitaire d'ECHO a été consacrée à douze « crises oubliées » qui n'étaient plus d'actualité dans les médias et sur la scène politique, depuis les milliers de personnes déplacées par les combats en République centrafricaine jusqu'aux réfugiés sahraouis en Algérie.