RD Congo : le prix payé par la population civile pour l’opération militaire est inacceptable

Congo Advocacy Coalition

{{Il faut renforcer de toute urgence la protection des populations civiles durement touchées}}

L’opération militaire Kimia II menée par le gouvernement congolais dans l’Est du Congo, appuyée par les soldats du maintien de la paix des Nations Unies et visant à contrer les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, milices hutues rwandaises), a entraîné un coût inacceptable pour la population civile, ont déclaré aujourd’hui 84 groupes d’aide humanitaire et de défense des droits humains constituant la Congo Advocacy Coalition.

La coalition a exhorté les diplomates et représentants de l’ONU, qui doivent se rencontrer à Washington cette semaine pour discuter de la situation dans l’est du Congo et dans toute la région, à prendre des mesures immédiates pour renforcer la protection des civils.

« Les conséquences de l’opération militaire actuelle sur le plan humanitaire et des droits humains sont tout simplement désastreuses », a indiqué Marcel Stoessel, directeur d’Oxfam Grande-Bretagne en RDC. « Les soldats du maintien de la paix de l’ONU, qui ont un mandat de protection des civils, doivent de toute urgence travailler avec les forces gouvernementales pour garantir que les civils obtiennent la protection dont ils ont besoin faute de quoi ils doivent cesser leur soutien. »

Depuis le début des opérations militaires contre les milices FDLR en janvier 2009, plus de 1 000 civils ont été tués, 7 000 femmes et filles ont été violées et plus de 6 000 logements ont été détruits par le feu dans les provinces orientales du Nord Kivu et du Sud Kivu. Près de 900 000 personnes ont été forcées d’abandonner leurs maisons et vivent dans des conditions désespérées avec des familles d’accueil, dans des zones forestières ou dans des camps sordides pour personnes déplacées avec un accès limité à la nourriture et aux médicaments.

Les images satellites recueillies par l’American Association for the Advancement of Science (AAAS) apportent la confirmation visuelle des destructions généralisées de maisons et de villages. A Busurungi, l’une des principales villes dans la région de Walualoanda (Nord Kivu) et dans un rayon de cent kilomètres carrés, l’AAAS estime que 1 494 maisons et structures ont été détruites, dont certaines pas plus tard qu’au mois de septembre, portant à environ 80% le taux de destruction. (Pour consulter une sélection d’images, voir ttp://www.hrw.org/en/node/8603.)

Nombre des meurtres ont été commis par les milices FDLR qui ont délibérément pris les civils pour cible en représailles pour la décision prise par leur gouvernement de déclencher des opérations militaires contre leur groupe. Les soldats du gouvernement congolais ont également pris des civils pour cible en commettant des meurtres ainsi que des viols, des pillages, du travail forcé et des arrestations arbitraires de façon systématique.

Selon de froids calculs établis par la coalition, pour chaque combattant rebelle désarmé au cours de l’opération, un civil a été tué, sept femmes et filles ont été violées, six maisons ont été réduites en cendres, et 900 personnes ont été forcées d’abandonner leurs maisons (oir le tablea)

Les violences sexuelles ont été encore plus brutales dans les zones touchées par l’opération Kimia II. « Nous constatons davantage de cas de mutilation, d’extrême violence et de torture dans les violences sexuelles commises contre les femmes et les filles, et un bien plus grand nombre des victimes sont des enfants », a déclaré Immaculée Birhaheka de Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF).

Des personnes qui étaient auparavant déplacées dans les Kivus sont retournées chez elles dans des zones devenues relativement sûres. Mais les opérations militaires en cours ont causé de nouveaux déplacements de civils dans les territoires de Masisi, Rutshuru, Lubero, Walikale, Kabare, Kalehe, Walungu, Shabunda et Uvira, dans le Nord Kivu et le Sud Kivu, de même que dans la province de Maniema au sud et du Katanga au nord. De nombreux civils qui ont récemment quitté des camps pour personnes déplacées aux environs de Goma et ailleurs ont continué vers des sites de déplacement secondaires car ils ont peur de rentrer chez eux.

La MONUC, mission de maintien de la paix de l’ONU au Congo, a appuyé l’armée congolaise dans l’opération Kimia II depuis le mois de mars, à la suite d’une opération militaire conjointe rwandaise et congolaise contre les milices FDLR, dont certains des dirigeants ont participé au génocide au Rwanda en 1994. Selon les statistiques de l’ONU, 1 071 combattants des FDLR ont déposé les armes et ont été rapatriés au Rwanda depuis janvier. Les forces du groupe avant que ne commencent les opérations militaires étaient estimées entre 6 000 à 7 000 combattants. De nombreux témoignages signalent que les FDLR ont recruté de nouveaux combattants pour remplacer certains de ceux qui ont été rapatriés.

Les soldats du maintien de la paix de l’ONU fournissent un appui significatif à l’opération Kimia II, à savoir une expertise stratégique, un soutien en matière de transport et d’aviation, ainsi que des rations alimentaires, du carburant et une aide médicale aux soldats de l’armée congolaise, pour un coût évalué à bien plus de 6 millions de dollars américains. En dépit de ce soutien, les soldats du maintien de la paix de l’ONU n’ont pas usé de leur influence pour inciter le gouvernement à empêcher les commandants connus pour leur passé d’atteintes aux droits humains de participer aux opérations.

« Avec un pareil investissement, l’ONU a de l’influence et ne devrait pas garder le silence quand des violations sont commises », a insisté Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior à Human Rights Watch. « L’ONU doit affirmer clairement que si le gouvernement congolais souhaite continuer à compter sur le soutien militaire des Casques bleus, l’armée congolaise devra retirer ses soldats ayant commis des exactions de leurs postes de commandement, et mettre fin aux attaques perpétrées par ses soldats contre des civils. »

Les attaques en représailles contre des populations non armées commises par les milices FDLR ont rendu la tâche de protection des civils encore plus complexe pour le gouvernement congolais et les soldats du maintien de la paix de l’ONU. Néanmoins, les 3 000 soldats supplémentaires du maintien de la paix de l’ONU autorisés par le Conseil de sécurité de l’ONU en novembre 2008 commencent à peine à arriver dans l’est du Congo, et les hélicoptères ainsi que le soutien en matière de renseignement demandés par les fonctionnaires de l’ONU ne se sont toujours pas concrétisés.

La coalition a indiqué que le désarmement des milices FDLR devait rester une priorité impérative pour le gouvernement congolais et les soldats du maintien de la paix de l’ONU, mais qu’ils devaient agir de toute urgence pour améliorer la protection des civils. La coalition a exhorté les diplomates et représentants de l’ONU lors de leur prochaine rencontre à Washington, DC, au Groupe de contact des Grands Lacs, à :

– Insister pour une approche globale, multi facettes, en vue du désarmement des milices FDLR qui mette en avant la protection des civils. Cette approche devrait inclure l’arrestation et l’ouverture de procédures judiciaires contre les individus recherchés pour génocide et autres crimes graves plus récents, y compris les dirigeants des FDLR basés en Europe et ailleurs, et la réforme du programme de désarmement et démobilisation, entre autres mesures.

– Insister sur le devoir de rendre des comptes afin de garantir que les auteurs d’atteintes graves aux droits humains, notamment les violences sexuelles, sont traduits en justice quel que soit leur rang. Exhorter l’ONU à faire dépendre son soutien d’une action efficace des autorités militaires pour mettre un frein aux exactions contre les civils.

– Faire pression sur le gouvernement congolais pour qu’il élabore et mette en pratique un plan d’action afin d’empêcher et de faire cesser le recrutement d’enfants dans l’armée congolaise et dans d’autres groupes armés, et insister pour que les commandants coopèrent avec les spécialistes de la protection de l’enfant qui contrôlent les troupes afin d’identifier les enfants se trouvant dans leurs rangs.

– Soutenir des réformes militaires globales menées par le gouvernement congolais, avec des contrôles stricts sur l’utilisation des fonds des donateurs.

– Garantir que les soldats du maintien de la paix de l’ONU disposent des ressources nécessaires de toute urgence pour mener à bien leur mandat de protection des civils.

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter :

A Paris, pour Oxfam France, Nicolas Vercken, + 33 1 56 98 24 40
A Kinshasa, pour Oxfam International, Marcel Stoessel (anglais, français): +243-(0)81-700-7135, +243- (0)99-332-8250 ; ou +44-1865-472530, +44-7769-887139
A New York, pour Human Rights Watch, Anneke Van Woudenberg (anglais, français): +44-77-1166-4960 (portable), +44-20-7713-2781 ou par email à woudena@hrw.org
A Goma, pour le Norwegian Refugee Council, Ulrika Blom Mondlane (anglais): +243-(0)81- 086-9030
A Bukavu, pour Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix (ICJP), Raphael Wakenge (français, swahili): +243-99-771-6878
A Goma, pour Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF), Immaculée Birhaheka (français, swahili) : +243-99-773-5060

La Congo Advocacy Coalition, constituée d’organisations non gouvernementales congolaises et internationales, a été créée en juillet 2008 pour plaider pour une plus grande protection des civils et le respect des droits humains dans le processus de paix dans l’est du Congo. Les membres du comité d’organisation de la coalition sont : ActionAid, ENOUGH Project, Human Rights Watch, Norwegian Refugee Council (NRC), Oxfam International, War Child Holland, Conseil Régional des Organisations Non Gouvernementales de Développement (CRONGD) – Nord Kivu, Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF) – Nord Kivu, Institut Congolais pour la Justice et la Paix (ICJP) – Sud Kivu, et Association des Femmes Juristes du Congo (AFEJUCO) – Sud Kivu.

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