RD Congo Nouvelle enquête d’Oxfam International : augmentation des viols, des travaux forcés, des représailles et des actes de torture à l’est du pays

Selon une nouvelle enquête menée auprès de presque 600 villageois par Oxfam International, les cas de viols, de travaux forcés, les attaques de représailles et les actes de torture à l’encontre des civils ne cessent d’augmenter dans l’est du Congo en raison de la récente offensive militaire soutenue par l’ONU.

Cette enquête, réalisée à partir des témoignages de 569 civils vivant dans 20 communautés touchées par le conflit au Sud et au Nord Kivu, souligne que les opérations militaires menées par le gouvernement congolais pour contrer les forces de libération démocratique du Rwanda (FDLR) ne font qu’augmenter l’insécurité des populations civiles victimes des attaques des deux parties. Oxfam indique que de nombreux membres de l’armée congolaise sont coupables d’abus, mais que les FDLR ont également intensifié leurs représailles à l’encontre des civils.

D’après l’ONU, quelques 800 000 personnes ont été déplacées dans le Nord et le Sud Kivu depuis le début de l’offensive en janvier 2009.

Marcel Stoessel, directeur d’Oxfam Grande-Bretagne en République démocratique du Congo, a déclaré :

« La guerre est loin d’être terminée pour les civils. Plus de 80% des personnes interrogées ont souligné que l’insécurité avait augmenté par rapport à l’année dernière. L’offensive contre les FDLR était censée apporter la paix à l’Est du Congo, mais notre enquête montre que les populations vivent toujours dans la crainte des attaques violentes. Cette souffrance n’est pas inévitable. Elle est le fruit des décisions des grands dirigeants de ce monde qui ont estimé que de tels dommages collatéraux constituent un prix qu’il est acceptable de payer afin d’éliminer les FDLR. Mais ce prix est beaucoup trop élevé, comme en témoignent les personnes que nous avons rencontrées.  »

La moitié des communautés interrogées ont déclaré que le nombre de cas de violences sexuelles a augmenté de façon spectaculaire depuis le début de l’offensive en janvier, tandis que cette pratique demeure endémique dans toutes les communautés interrogées. Les femmes sont les plus menacées par ce type de violences, mais des viols d’enfants, parfois âgés de quatre ans, ont également été rapportés dans plus de la moitié des communautés interrogées. Dans trois des vingt communautés, les personnes interrogées ont signalé des cas de viols d’hommes, notamment 8 cas dans une communauté du Sud Kivu.

Des cas de torture sont mentionnés dans une communauté sur quatre. Il a été signalé que certaines personnes ont été enterrées jusqu’au cou par les FDLR jusqu’à ce qu’elles acceptent de payer une « amende » afin d’être libérées. Quelques communautés ont mentionné l’existence de caches souterraines où des personnes seraient battues puis plongées dans des tonneaux d’eaux salées. Enfin, les témoins ont souligné que d’autres milices pratiquaient la torture, mais aussi des pillages et recrutaient des enfants soldats dans les rangs de leurs armées.

Des abus commis par d’importantes sections de l’armée congolaise ont également été signalés par l’ensemble des personnes interrogées. Dans la moitié des communautés, des témoignages ont fait état de la pratique des « travaux forcés », beaucoup d’hommes et d’adolescents ayant été forcés de participer au transport de marchandises pour le compte de l’armée. Certains témoins du Nord-Kivu ont souligné que des agressions avaient été menées par de nouvelles unités intégrées composées d’ex-soldats rebelles de groupes dissous comme les Maï-Maï ou le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Leurs soldats, qui n’ont pas encore reçu leurs salaires, justifient ces extorsions de fonds en expliquant qu’il s’agit d’une manière de « contribuer » à leur survie. Au Nord Kivu, il a été établi que la majorité des violences sexuelles a été perpétrée par l’armée congolaise.

Toutes les communautés en contact avec des FDLR ont signalé une augmentation des attaques des FDLR à l’encontre des populations civiles en réponse aux récentes opérations militaires menées par le gouvernement. Un groupe a même expliqué qu’en menant ce type d’opérations, c’était comme si le gouvernement avait « réveillé le démon qui sommeillait». Dans la région de Mwenga, dans le Sud Kivu, les populations qui avaient déjà participé à une autre enquête en mars 2009 ont souligné que les violences des FDLR avaient d’abord diminué. Pourtant, seulement deux mois plus tard, ils ont signalé des niveaux élevés de menaces de mort, de violences sexuelles et de pillages. Des personnes auraient été tuées car elles avaient affirmé que les forces rebelles devaient retourner au Rwanda. Beaucoup de ces villages ont depuis été abandonnés.

L’ensemble des communautés craint les représailles et les pillages ainsi que les pratiques d’extorsion de fonds qui sont devenues monnaie courante. Il a également été souligné qu’aussi bien les FDLR qu’une bonne partie de l’armée congolaise avaient forcé des civils à leur remettre de l’argent ou leurs biens. Ainsi, lorsqu’une des parties en conflit arrivait dans un nouveau lieu, les civils y étaient perçus comme des « collaborateurs » et avaient dû faire face à de nouvelles attaques.

Toutes les communautés interrogées ont demandé une meilleure protection de la part de l’armée congolaise et des membres des forces de maintien de la paix. Il a été demandé que les patrouilles terrestres de la MONUC soient renforcées, en particulier dans les champs et sur les petites routes, là où le danger guette. La plupart des personnes interrogées se sont prononcées en faveur du dialogue et d’un rapatriement pacifique des groupes armés étrangers. Dans quatre communautés, les personnes interrogées sont même allées jusqu’à se prononcer en faveur d’un arrêt des opérations militaires menées à l’encontre des FDLR. Seules deux communautés se sont prononcées en faveur du désarmement forcé.

Au sein de cinq communautés seulement, les populations ont souligné qu’elles se sentaient en sécurité grâce à l’armée congolaise. Beaucoup de personnes interrogées ont souligné qu’elles avaient autant peur des FDLR que de l’armée congolaise.

« Les résultats de cette enquête devraient permettre de tirer la sonnette d’alarme et de faire prendre conscience aux membres du conseil de sécurité de l’ONU de l’impact négatif de cette opération militaire. Les Congolais ont besoin d’une armée qui les protège, pas qui les menace. La France, membre permanent du Conseil de Sécurité qui y porte le dossier congolais, doit ôter ses œillères et prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires pour que les civils ne soient plus les premières victimes de ces opérations soutenues par la communauté internationale » a déclaré Nicolas Vercken, d’Oxfam France.

Oxfam salue la dernière annonce du gouvernement congolais par laquelle ce dernier a souligné qu’il ne tolérerait aucun abus de l’armée, et l’encourage très vivement à respecter cet engagement.

La force de maintien de la paix devrait suspendre son soutien à l’opération si ces abus perdurent ou restent impunis, et elle devrait faire pression pour faire en sorte que les personnes connues pour violer les droits de l’homme ne prennent plus part aux opérations.

Notes

L’offensive de l’armée congolaise contre les FDLR est soutenue logistiquement par les forces de maintien de la paix onusiennes, la MONUC, et dispose également du soutien politique du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Oxfam international a dû étendre sa présence sur le terrain ainsi que ses programmes en raison de cette offensive, apportant ainsi une assistance vitale à 130 000 personnes supplémentaires. Oxfam international contribue au soutien de plus de 800 000 personnes victimes du conflit en RDC.

La poussée des violences qui ont marqué la fin de l’année 2008, lorsque le RD Congo faisait la une des journaux, a entraîné le déplacement de 250 000 personnes.

Contact

Contact presse :

Magali Rubino, + 33 (0)1 56 98 24 45 / + 33 (0)6 30 46 66 04

Notes aux rédactions