L’enquête OpenLux montre comment grandes entreprises et milliardaires du monde entier font affaire avec le Luxembourg, paradis fiscal cœur de l’Union européenne, pour échapper à l’impôt via des sociétés écrans. En pleine crise du Covid-19, pendant laquelle les milliardaires les plus riches de la planète se sont enrichis [1], ce nouveau scandale remet au cœur du débat la lutte contre l’évasion fiscale et la taxation des plus riches.

 

Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France : « Cette enquête, fruit d’un travail d’investigation extraordinaire, est une nouvelle preuve édifiante de la manière dont les milliardaires et les grandes entreprises usent des failles de notre modèle économique pour échapper à l’impôt. L’évasion fiscale est un scandale encore plus insupportable alors que nous vivons une des pires crises économiques depuis un siècle avec le risque d’une aggravation sans précédent des inégalités comme nous le rappelons dans notre dernier rapport fin janvier. En pleine pandémie, alors qu’on a vu à quel point nos services de santé manquent de moyens, c’est extrêmement choquant de voir les plus riches et les grandes multinationales tout faire pour éviter de payer des impôts ».

Les paradis fiscaux font perdre des ressources considérables pour des services publics vitaux : pour les pays aux revenus les plus faibles, cela représente plus de la moitié de leur budget santé. En France, l’évasion fiscale des particuliers et des entreprises, coûte entre 80 et 100 milliards par an, soit plus que le budget de l’Education Nationale (52 milliards d’euros) ou de l’hôpital public.

 

« Le vrai scandale est que cela se passe en Europe. Le Luxembourg est à nouveau au cœur d’une énorme affaire d’évasion fiscale et au lieu de lui demander des comptes, l’Union européenne refuse toujours de l’inscrire sur sa liste noire des paradis fiscaux. Et il en est de même pour les autres paradis fiscaux européens ! Dans le contexte actuel, les gouvernements des Etats membres ne peuvent plus se dérober et doivent faire preuve de courage politique.

 

Alors que l’Union européenne doit mettre à jour sa liste noire des paradis fiscaux lors d’une réunion de l’Ecofin le 16 février, Oxfam appelle les Etats membres à renforcer les critères de la liste noire des paradis fiscaux notamment pour inclure les pays où le taux d’imposition des sociétés est nul. L’enquête montre l’importance de la transparence, or plusieurs outils de lutte contre l’évasion fiscale sont actuellement bloqués au niveau du Conseil de l’UE [2].

Mais la responsabilité se joue aussi au niveau des Etats et dans la manière dont ils mettent à contribution les plus riches. Pour Quentin Parrinello : « Il faut aussi mettre un terme à l’infernal nivellement vers le bas des impôts des plus riches et des multinationales auquel s’adonnent la majorité des pays dans le monde, à commencer par la France qui a supprimé l’ISF et continué à baisser l’impôt sur les sociétés.  Alors que les inégalités s’accroissent en France et dans le monde, il est urgent et nécessaire de mieux collecter l’impôt, et de façon plus juste. Il faut taxer ceux qui se sont enrichis pendant la crise et rétablir à long terme une fiscalité plus juste en taxant davantage les hauts revenus, les grandes fortunes et les transmissions d’héritage des multimillionnaires ».  

 

La France s’illustre dans cette enquête. Elle tient la première place en nombre de sociétés offshore (17 000) parmi les 157 nationalités recensées. On retrouve aussi 37 des 50 familles françaises les plus fortunées, telles les Mulliez, les Guerrand-Hermès ou Bernard Arnault. En janvier dernier, Oxfam a révélé que les milliardaires français se sont enrichis depuis le début de la crise en gagnant 175 milliards depuis mars 2020, alors que dans le même temps tous les signaux de la pauvreté explosent en France. Oxfam révélait aussi que Bernard Arnault, qui est cité dans les révélations des OpenLux, a vu sa fortune augmenter de 41% entre janvier et décembre 2020.

Contact presse

: Pauline Leclère – pleclere@oxfamfrance.org 07 69 17 49 63

Notes aux rédactions

[1] Rapport Oxfam « Le virus des inégalités », 25 janvier 2020.

[2] Les trois demandes d’Oxfam adressées à l’Union européenne et aux États membres pour lutter contre les paradis fiscaux :

Renforcer la liste des paradis fiscaux de l’UE et la définition de l’UE des pratiques fiscales dommageables. Le groupe du Code de conduite, l’organe du Conseil chargé de statuer et de surveiller le processus de la liste noire de l’UE, est actuellement en cours de révision. S’il veut que sa liste noire soit crédible, il doit renforcer les critères de pratiques fiscales dommageables pour inclure de véritables paradis fiscaux. L’Union européenne doit cesser d’être hypocrite et s’attaquer aux paradis fiscaux de l’UE avant de lister les pays tiers. Les ministres des Finances de l’UE se réuniront le 16 février pour annoncer leur examen de la liste des paradis fiscaux de l’UE. La liste se concentre uniquement sur les pays non membres de l’UE tandis que les États membres de l’UE sont examinés selon une procédure différente et plus souple. La dernière analyse d’Oxfam identifie cinq États membres de l’UE – Chypre, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas – agissant comme des paradis fiscaux.

Accroître la transparence des entreprises. Le reporting public pays par pays (pCBCR) et la transparence des bénéficiaires effectifs sont essentiels pour décourager les entreprises et les particuliers qui utilisent encore des failles pour échapper à l’impôt. Les États membres ont la possibilité d’aller de l’avant et de mettre fin à l’opacité concernant les lieux où les entreprises déclarent leurs bénéfices ou paient leurs impôts avec le fichier pCBCR lors de la réunion du Conseil de la concurrence (COMPET) le 25 février – un dossier qui a été bloqué au niveau du Conseil depuis 2016. L’échange mondial d’informations sur les bénéficiaires effectifs a été proposé comme nouveau critère pour la liste des paradis fiscaux de l’UE, mais un accord devrait être accéléré. Une histoire comme les OpenLux n’aurait jamais été possible sans un premier pas vers la transparence à travers les registres publics. Ce nouveau scandale prouve simplement que les règles doivent être renforcées pour mettre fin à l’évasion fiscale et à la transparence.

Revoir les politiques fiscales sur le patrimoine. Un récent rapport d’Oxfam montre comment les 305 milliardaires européens ont vu leur fortune augmenter de près de 500 milliards d’euros depuis mars 2020. Pour combler cet écart, Oxfam appelle à une augmentation de l’impôt sur la fortune et sur les plus-values. Le capital est actuellement sous-imposé par rapport aux autres sources de revenus, de travail et de consommation.