Réduction des émissions de CO2 : le manque d’ambition pourrait coûter cher aux pays en développement

Les pays en développement doivent déjà faire face au coût économique du changement climatique. Faute d’engagements de réduction des émissions plus ambitieux, ils devront débourser d’ici à 2050 près de 800 milliards de dollars par an pour financer l’adaptation, mais subiront également des pertes économiques annuelles de prés de 1 700 milliards de dollars, soit plus du double. 

Dans la note d’information Accord de Paris sur le climat : ce qui peut changer la donne, publié en amont de la COP21, Oxfam révèle que si le réchauffement de la planète devait atteindre 3 °C au lieu des 2 °C espérés, les efforts d’adaptation coûteraient chaque année aux pays en développement 270 milliards de dollars de plus. Autrement dit, les besoins financiers des pays en développement pour se protéger du changement climatique augmenteraient de plus de 50 % [1] par rapport au scénario à 2 °C, objectif visé par les chefs d’État et de gouvernement qui s’apprêtent à se réunir à Paris pour la conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

« En l’état, les engagements de réduction des émissions annoncés par plus de 150 pays [2], même s’ils sont tenus, ne nous permettront pas d’éviter une trajectoire de 3 °C de réchauffement. Cela malgré l’objectif de 2 °C que s’est fixé l’ONU, sans parler du seuil de 1,5 °C préconisé par plus de 100 pays en développement et soutenu par Oxfam », déclare Romain Benicchio, porte-parole d’Oxfam France.

 « Les chefs d’État et de gouvernement doivent passer à la vitesse supérieure. L’accord de Paris doit permettre de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre et de mobiliser des financements supplémentaires pour permettre aux communautés vulnérables, déjà confrontées à des inondations et des sécheresses imprévisibles, ainsi qu’à la faim, de s’adapter et de survivre. Le coût humain du changement climatique devra être au cœur des débats à Paris, si nous voulons obtenir un accord sur le climat qui réponde véritablement aux besoins des populations les plus pauvres. »

Si l’ensemble du financement public de l’adaptation actuellement versé était réparti entre les 1,5 milliard d’agriculteurs paysans et familiaux des pays en développement, ces hommes et ces femmes recevraient environ 2,8 euros chacun par an pour se protéger des inondations, des fortes sécheresses et autres phénomènes extrêmes – le prix d’un café dans de nombreux pays riches.

Davantage de fonds sont nécessaires pour honorer la promesse faite il y a six ans, à Copenhague, de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Une plus grande part de ces fonds doit en outre être destinée aux efforts d’adaptation, qui demeurent terriblement sous-financés. Selon les estimations d’Oxfam, le financement public de la lutte contre le changement climatique se situait à environ 20 milliards de dollars en moyenne en 2013-2014, alors que seulement 3 à 5 milliards étaient consacrés à l’adaptation.

Il est important en outre de rappeler que les engagements actuels en matière de financement de la lutte contre le changement climatique pour aider les pays pauvres à s’adapter et à poursuivre un développement sobre en carbone expireront dès 2020. Or les négociations n’ont guère progressé sur les engagements qui seront pris après cette date. Cette question devra être réglée en priorité à Paris.

La note souligne également les améliorations qu’il sera encore possible d’apporter, lors du sommet de Paris, pour parvenir à un accord qui réponde mieux aux besoins des populations les plus pauvres, notamment :

–       Répondre au déficit du financement de l’adaptation, soit en décidant qu’au moins la moitié des financements publics à venir sera destinée à l’adaptation, soit en fixant un objectif spécifique d’au moins 35 milliards de dollars d’ici à 2020 et d’au moins 50 milliards à l’horizon 2025.

–       Intervention de nouveaux contributeurs au financement de la lutte contre le changement climatique, outre les traditionnels pays riches, notamment la Russie, la République de Corée, le Mexique, l’Arabie saoudite et Singapour.

–       Adoption d’un mécanisme de révision qui engage les États à accroître le niveau global d’ambition en matière de réduction des émissions à partir de 2020, puis tous les cinq ans, afin d’éviter l’emballement du changement climatique.

–       Adoption d’un objectif à long terme de sortie des énergies fossiles, qui soit d’abord mis en œuvre dans les pays riches.

–       Amélioration de la prévisibilité d’un financement climat croissant, afin que les pays en développement puissent planifier leurs efforts d’adaptation et de développement en sachant sur quel soutien financier ils pourront compter.

–       Annonce de nouvelles sources de financement climat, telles que l’affectation d’une partie des revenus du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, afin de mettre fin au détournement de l’aide au développement vers la lutte contre le changement climatique.

–       Dispositions relatives aux pertes et dommages, garantissant que les populations pauvres reçoivent le soutien nécessaire lorsque les possibilités d’adaptation sont dépassées.

« L’accord de Paris doit être une base solide pour l’action internationale contre le changement climatique à l’avenir, insiste Romain Benicchio. Plus les besoins des populations pauvres y occuperont une place centrale, plus il sera solide. »

Contact

Sarah Roussel
Chargée de communication et des relations médias climat/COP21
+33 (0)6 51 15 54 38 / sroussel@oxfamfrance.org
@Sarah_Roussel

Notes aux rédactions

Le rapport est disponible en ligne : http://oxf.am/ZeJo

Oxfam a commandé cette étude à Climate Analytics. Les résultats du modèle AD-RICE ont été ajustés à la valeur du dollar en 2012. Pour obtenir les projections, différentes hypothèses ont été intégrées au modèle, par exemple : nombre de secteurs, possibilités d’adaptation, fonction de dommage (représentation mathématique des pertes financières selon les futurs niveaux de réchauffement induit par le changement climatique) et taux d’actualisation (pour déterminer la valeur actuelle des futurs flux monétaires). Les projections du modèle sont sensibles à tout changement de paramètre. Les résultats doivent donc être considérés comme un ordre de grandeur, par opposition à une estimation précise. C’est pourquoi les chiffres cités sont arrondis à la dizaine de milliards la plus proche. Voici les chiffres exacts ressortis du modèle : en 2050, les pays en développement pourraient faire face à un coût de l’adaptation d’environ 794 milliards de dollars par an, soit 274 milliards de plus par rapport à un scénario à 2 °C (environ 520 milliards de dollars par an). Les résultats du modèle doivent être considérés comme modérés en raison de la nature « top-down » du modèle AD-RICE et du niveau élevé d’agrégation des données. Tant les pertes économiques que le coût de l’adaptation pourraient être considérablement plus élevés que ces projections. Pour consulter le détail du calibrage du modèle et des résultats de l’étude (en anglais), cliquez ici.

[1] En 2050, les pays en développement pourraient devoir supporter des coûts d’adaptation d’environ 794 milliards de dollars par an, soit 274 milliards de plus que dans un scénario à 2 °C, où les besoins d’adaptation sont estimés à environ 520 milliards de dollars par an. Cette dernière estimation correspond à la fourchette haute du rapport de 2014 du PNUE sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière d’adaptation, lequel situe les coûts d’adaptation pour les pays en développement dans un scénario à environ 2 °C entre 280 milliards et 500 milliards de dollars d’ici 2050.

[2] Les Parties avaient jusqu'au 1er octobre pour annoncer leurs engagements plus connus sous le terme de « contributions prévues déterminées au niveau national » (INDC). Une synthèse de ces contributions a été publiée le 30 octobre dernier par le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) pour présenter les conséquences des contributions agrégées sur la hausse des températures. Le bilan de cette synthèse est clair : cette série de promesses nous permet uniquement d’éviter le désastre d’un réchauffement de 4°C mais pas d’une catastrophe à 3°C.