Les ministres du G7 et du G5 Sahel se sont réunis aujourd’hui à Paris pour discuter des enjeux de développement au Sahel alors que la région souffre toujours à grande échelle de la pauvreté, de la faim, et de la violence. Malgré l’ambition, et les efforts de la France, de mobiliser largement sur le Sahel, la réunion de Paris se termine par un échec avec une absence de mesures concrètes de la part du G7 pour répondre aux défis du Sahel, réagit Oxfam France.

Pour Robin Guittard, porte-parole d’Oxfam France : « Une nouvelle fois on sort d’une réunion internationale consacrée au Sahel avec quelques belles paroles mais rien de concret. Face aux crises que vit la région, le Sahel ne peut plus attendre un autre sommet, une autre conférence, sans que soit radicalement modifié le logiciel mis en œuvre depuis des années. Est-ce que le G7 sera vraiment capable de faire mieux à Biarritz ? »

Alors que les inégalités sont au cœur des défis actuels au Sahel, en alimentant tensions entre communautés et méfiance envers les autorités, le G7 avait l’opportunité d’enclencher une mobilisation générale contre les inégalités dans la région, et alors que la France a fait de la lutte contre les inégalités mondiales l’enjeu numéro 1 du G7 2019 qu’elle préside.

« Au G7 de se poser réellement les bonnes questions. Ces dernières années les exonérations fiscales se multiplient au Sahel, et souvent aux bénéfices de multinationales étrangères. Quand Orano (ex-Areva) a renégocié avec le Niger pour réduire sa facture fiscale de 15 millions d’euros par an, c’est un manque à gagner considérable pour le pays le plus pauvre du monde. Au total, les exonérations accordées par le Niger entre 2013 et 2016 ont représenté plus de 457 millions d’euros. Autant d’argent qui aurait pu permettre d’équiper 25.000 salles de classe. De telles pratiques contribuent in fine à l’accroissement des inégalités que le G7 prétend combattre, » conclut Robin Guittard.

Hier Oxfam publiait un nouveau rapport « Sahel : lutter contre les inégalités pour répondre aux défis du développement et de la sécurité »  faisant un état des lieux des inégalités dans la région et appelant à une refonte des politiques fiscales pour mieux répartir les richesses et réinvestir dans la construction de services publics d’éducation et de santé de qualité et inclusifs, notamment pour les femmes. La gouvernance est également au cœur des enjeux alors que mouvements citoyens se multiplient pour plus de justice, de droits, de transparence et de redevabilité.

Lien vers le rapport : https://www.oxfamfrance.org/rapports/sahel-lutter-contre-les-inegalites/

Informations complémentaires

Le Sahel, qui couvre notamment le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad, compte parmi les régions les plus pauvres au monde et est profondément inégalitaire à plus d’un titre. Inégalités en termes de revenus : au Sénégal et au Tchad, les 10 % de la population la plus riche possèdent deux fois plus de revenus que les 40 % les plus pauvres. Inégalités de genre : dans nombre de pays, alors qu’elles représentent 40 % de la main d’œuvre agricole, les femmes ne possèdent que 10 % des terres agricoles. Inégalités d’accès aux droits fondamentaux : au Mali à peine 3 à 4% des enfants de pasteurs nomades sont scolarisés.

Pour Oxfam, la lutte contre les inégalités doit commencer par la mise en œuvre de politiques fiscales justes et progressives, cela alors qu’actuellement les Etats sahéliens donnent la priorité aux taxes les plus régressives sur la consommation, notamment la TVA, qui représente 60% des recettes fiscales.

Les pays du Sahel doivent également revoir leurs politiques d’exonérations fiscales pour les entreprises, notamment étrangères, qui se sont multipliées ces dernières années. Au Mali par exemple, l’ensemble de ces exonérations a atteint 203,45 milliards de FCFA en 2015 (309 millions d’euros) soit 3,5 fois le budget de l’éducation.

Ces politiques économiques et fiscales, outre le fait d’aggraver les inégalités, ont pour corollaire de moindres ressources pour assurer un plein développement des populations, et restreignent l’investissement dans des services publics d’éducation et de santé de qualité et accessibles à tous. Car si des progrès considérables ont été atteint au Sahel (en 30 ans la scolarisation des filles a triplé au Niger, au Burkina Faso la mortalité maternelle a baissé de moitié depuis les années 1990), les disparités d’accès à ces services demeurent extrêmement marquées, en particulier entre femmes et hommes, urbains et ruraux, et entre riches et pauvres.