Risques d’intensification des exactions commises par les forces afghanes : la coalition doit intensifier la formation et le contrôle

Dans un rapport publié le 10 mai, Oxfam et d'autres ONG montrent que les membres de la coalition internationale ne se mobilisent pas suffisamment pour prévenir les exactions perpétrées par les forces afghanes. Les pays de l'OTAN, avant de passer de relais de la sécurité aux forces afghanes, ont trop tardé à aborder question. Les exactions risquent de se multiplier à mesure que celles-ci se retrouvent de plus en plus seules et directement sur la ligne de front. La communauté internationale, qui finance, arme et soutient les forces afghanes, a une obligation claire d'éviter de telles dérives. Il faut intensifier d'urgence les formations et mettre en place davantage de mesures de contrôle.

Actes de torture, meurtres, recrutement et abus sexuels sur des enfants… Le rapport recense un certain nombre d'exactions commises par les forces afghanes et restées impunies. Pour les auteurs du rapport, le dispositif de contrôle actuellement en vigueur ne fonctionne pas efficacement. C'est un problème qui doit impérativement être résolu avant que n'ait lieu le transfert de responsabilité. Les ONG expliquent qu'en cas de pertes civiles accidentelles ou lorsque des populations civiles sont prises entre deux feux, les forces afghanes sont mal équipées pour répondre de façon appropriée. Leurs capacités d'investigation sont faibles, elles ne disposent d'aucun mécanisme de suivi des pertes civiles et ne sont pas non plus en mesure de dédommager la population en cas de dégâts involontaires.

« Le peuple afghan place beaucoup d'espoirs en ses forces de sécurité. La population a besoin de savoir que celles-ci les protégeront, mais aussi qu'elles pourront être traduites en justice en cas de fautes ou d'abus. Sans quoi, le gouvernement pourrait perdre la confiance de la population« , explique l'auteur du rapport Oxfam, Rebecca Barber.

« Des milliards de dollars ont été dépensés en Afghanistan et des milliers de vies ont été perdues. Ces sacrifices ne doivent pas rester vains. En quittant le pays, la communauté internationale se doit de laisser derrière elle une armée entrainée et des forces de police en mesure de répondre de leurs actes devant la population. C'est essentiel pour rétablir la sécurité durablement en Afghanistan. Il n'y a plus de temps à perdre« .

Le rapport signale également l'absence de mécanismes efficaces permettant à la population civile de porter plainte contre les forces de sécurité nationales en cas de besoin. A cela s'ajoute le manque de ressources dont souffre la Commission afghane indépendante des Droits de l'Homme (AIHCR / Afghan Independent Human Rights Commission), qui enregistre et enquête sur les plaintes, toujours en attente de financements du gouvernement. En 2010, l'AIHCR a ainsi été incapable de payer ses employés pendant plusieurs mois.

Le système judiciaire militaire fonctionne relativement bien lorsqu'il s'agit d'officiers de rang inférieur, mais pas dans le cas d'officiers de rang supérieur ou ayant des connexions politiques. Pour l'heure, près de 40 000 policiers n'ont toujours pas reçu de formation, explique le rapport qui critique vivement les pays de l'OTAN et leur approche quantitative plutôt que qualitative du transfert de responsabilité. En effet, depuis 2009, moment où l'effort international de professionnalisation des forces de sécurité afghanes a débuté, la question de l'augmentation rapide du nombre de troupes semble primer sur le reste. Résultat : de nombreux individus au passé plutôt douteux en termes de respect des droits humains ont pu intégrer les forces armées afghanes. Dans le même temps, la maigre formation dispensée au personnel de police a été réduite de huit à six semaines, avec un fort accent sur l'enseignement du maniement des armes à feu, plutôt que sur l'enseignement du droit.

Les ONG expriment une inquiétude toute particulière concernant les activités de la Police Locale Afghane (ALP), dont on pense qu'elle soutient des milices locales pour combattre les insurgés. En outre, des membres de l'ALP auraient été impliqués dans nombre d'enlèvements, de passages à tabac et autres actes criminels.

Le rapport demande à la communauté internationale d'aider le gouvernement afghan à améliorer la sélection, la formation, et la surveillance des forces de sécurité :
_ Pour cela, les forces de la coalition doivent :
– Allonger et améliorer la formation des forces de police, en mettant davantage l'accent sur l'interaction avec la population et la notion d'Etat de droit.
– Veiller à ce que les organismes qui enquêtent déjà sur les plaintes aient suffisamment de ressources et de capacités pour mener leur travail à bien, et que ceux qui abusent de leur autorité soient poursuivis en justice.
– Veiller à ce que tout incident survenu pendant les combats et à l'origine de dégâts civils accidentels fasse l'objet d'enquêtes. Les victimes doivent être dédommagées.
– Suspendre tout plan d'augmentation des effectifs de la Police Locale Afghane

En outre, les ONG demandent à ce que davantage de femmes soient recrutées au sein des forces de sécurité. En effet, on compte seulement 1000 femmes en leur sein, soit moins de 0,5% du total, dans un pays où il est culturellement problématique qu'une femme soit interrogée, et a fortiori fouillée, par un homme dans le cadre d'une affaire criminelle.

Contact presse

Mathilde Magnier : +33 1 77 35 76 00 / magnier@oxfamfrance.or

Notes aux rédactions

Le rapport a été rédigé par Oxfam et publié conjointement par Oxfam, CIVIC, Peace Training and Research Organisation (PTRO), Research and Advocacy Consortium (HRRAC) et est disponible uniquement en anglais.

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