Sommet de Deauville : la double comptabilité des engagements du G8

En affirmant, dans le rapport de « redevabilité » 2011 présenté aujourd'hui aux ONG par Henri de Raincourt, avoir dépensé près de 49 milliards de dollars sur les 50 milliards promis en 2005 à Gleneagles, le G8 se livre à un étonnant exercice de manipulation des chiffres dénonce Oxfam France.

En effet, cette augmentation spectaculaire de l'aide affichée dans ce document, rendu public aujourd'hui, ne s'explique malheureusement pas par une soudaine générosité des membres du G8 mais bien par un calcul d'un genre nouveau, en décidant d'ignorer purement et simplement l'inflation. Au lieu d'utiliser des chiffres de l'aide au développement (APD) en dollars de 2004, ce qui donnerait une image plus proche de la réalité, le G8 a choisi de présenter leurs engagements d'aide aux prix de 2010.

L'OCDE, en charge de calculer les chiffres officiels de l'APD et qu'on ne peut soupçonner de malveillance à l'égard des membres du G8, estime, elle, que ce dernier n'a déboursé que 31 milliards de dollars ; et seulement 11 milliards sur les 25 milliards promis à l'Afrique.

«  Plutôt que de tenir ses promesses, le G8 mise sur un calcul plus que douteux pour sortir de son chapeau 18 milliards de dollars, sans qu'un centime de ces sommes ait été réellement dépensé en faveur des populations les plus vulnérables. Pourtant, les sommes manquantes ne représentent que 7 jours des dépenses militaires des pays du G8« , déclare Sébastien Fourmy, d'Oxfam France.
« On ne peut pas appeler ce document un rapport de ‘redevabilité', mais plutôt une opération de camouflage bien embarrassante pour le G8 et insultante pour les populations les plus pauvres « .

L'Italie est la plus à blâmer, consacrant seulement 2,3 milliards de dollars en 2010 à l'aide au développement, soit 0,15% de son revenu national, le taux le plus bas de tous les pays du G8 et loin de l'objectif de 0,7%.

Selon les chiffres publiés par l'OCDE en avril dernier, l'aide publique au développement française frôle elle, en 2010, les 0,50% de son RNB et a donc presque atteint en 2010 l'engagement européen d'atteindre les 0,51%. Mais cette hausse, qui tombe à pic lors d'une année de sommets en France, n'est malheureusement qu'n mirage sur l'état actuel de l'aide français. En réalité, les chiffres de l'APD française tels que présentés dans le budget triennal adopté en décembre dernier montrent une baisse attendue en 2011 – 2012 de l'APD qui passera à nouveau sous la barre des 0,50%.

L'Allemagne et le Japon sont eux nettement en retard, tandis que le Royaume-Uni est en bonne voie pour atteindre son engagement de 0,7% en 2013. Le Canada a à peu près respecté ses engagements et les États-Unis ont atteint les leurs, mais ces deux résultats 'corrects » s'expliquent avant tout par la faiblesse des sommes promises à l'origine.

Au delà des chiffres de l'aide publique au développement, le rapport de « redevabilité » porte également cette année sur les questions d'agriculture et de santé. Mais le manque d'informations précises sur l'investissement effectif des pays du G8 en matière d'APD dans ces secteurs empêche toute analyse à la fois qualitative et quantitative.

Il y a deux ans, en pleine crise des prix alimentaires, le G8 s'était engagé à investir 22 milliards de dollars en faveur de l'aide à l'agriculture et de la sécurité alimentaire, avec un appui particulier aux petits producteurs et à l'agriculture durable, notamment aux agricultrices, ainsi que la mise en œuvre de plans agricoles nationaux et régionaux.
Aujourd'hui, le rapport de « redevabilité » montre que seule la moitié, environ, de l'aide promise à L'Aquila a été programmée. ace à la « méthodologie rigoureuse » vantée par le Ministre français de la Coopératio, Oxfam souligne que peu, voire aucune information n'est disponible sur la destination de cette aide, son soutien aux plans agricoles nationaux et régionaux et dans quelle mesure elle a pu répondre aux besoins des petits exploitants.

Par exemple, sur les 1,3 milliard d'euros officiellement « mis en œuvre » par la France, moins d'un tiers correspond à de réelles dépenses. Certaines lignes augmentées sans explication renforcent la conviction que les engagements et dépenses officiels de la France ne correspondent pas aux promesses faites à L'Aquila.

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Magali Rubino rubino@oxfamfrance.or / 01 56 98 24 45 – 06 30 46 66 04

Une équipe d'Oxfam France ainsi que des porte-paroles d'Oxfam Allemagne et d'Oxfam en Afrique de l'Ouest seront présents au G8 de Deauville les 26 et 27 mai et disponibles pour des interviews.

[Le rapport de 'redevabilité' est téléchargeable en anglais sur le site du G8/G20->http://www.g20-g8.com/g8-g20/root/bank_objects/Rapport_G8_GB.pdf]

[Voir la page d'Oxfam France consacrée au G8->https://www.oxfamfrance.org/G8-2011-assez-de-promesses,1074]

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