130 pays du cadre inclusif de l’OCDE se sont accordés aujourd’hui sur les grandes lignes de la réforme visant à réformer la fiscalité des multinationales. Si l’accord met sous pression le modèle des paradis fiscaux les plus agressifs, il devrait essentiellement profiter aux pays riches, au détriment des pays en développement. De nombreuses failles demeurent et pourraient permettre aux multinationales de continuer à utiliser des paradis fiscaux pour pratiquer l’évasion fiscale à grande échelle.

Le premier pilier de la réforme consiste à redistribuer une petite partie des droits à taxer des multinationales vers les pays où les multinationales ont leurs activités de vente. Le second pilier vise à imposer un impôt minimum mondial pour combattre les paradis fiscaux.

Pour Quentin Parrinello, porte-parole de l’ONG Oxfam France :

« Non seulement l’accord laisse encore des failles aux multinationales pour pratiquer l’évasion fiscale mais il devrait accentuer les inégalités entre pays riches et pays pauvres. Un accord juste aurait permis une meilleure redistribution des droits à taxer. Mais 60% des recettes de l’impôt minimum seront captées par les pays du G7. Les pays en développement, qui représentent plus d’un tiers de la population mondiale, ne devraient percevoir que 3% des recettes. »

« Ce n’est pas encore la fin de la concurrence fiscale déloyale et des paradis fiscaux. Un taux d’au moins 15% comme proposé initialement par les pays du G7 pourrait permettre à de nombreux pays de continuer à baisser leurs impôts. Au Danemark et en Australie, certains souhaitent s’en servir pour justifier une baisse d’impôt. Pour la France, un impôt minimum à 15% représente un manque à gagner de 12 milliards d’euros par an comparé à un taux à 21% selon les calculs de l’Observatoire européen des politiques fiscales. Plusieurs dizaines de pays en développement ont appelé à un taux supérieur à 20%. Le panel de l’ONU sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales a appelé à un taux entre 20 et 30%.»

« Au-delà du taux, l’accord ouvre la voie à de multiples exceptions dont pourraient bénéficier les multinationales. A force de percer des trous dans ce taux plancher, on risque de se retrouver avec un gruyère où les multinationales payeront des taux largement en deçà des 15%. »

« La redistribution des droits à taxer prévue par l’accord est elle aussi largement limitée. Elle devrait concerner une fraction minime des bénéfices des 100 entreprises les plus rentables au monde. Les entreprises financières en seront exclues, Amazon pourrait également l’être. »

« Alors que de nombreux pays réfléchissent à la manière de régler la facture de la crise du coronavirus, l’accord proposé aujourd’hui ne suffira pas à y répondre : il reste encore éloigné de l’ambition nécessaire pour mettre fin à l’ère des paradis fiscaux, de la concurrence fiscale déloyale et de permettre une redistribution plus équitable des droits à taxer entre les pays ».

Contact presse :

Pauline Leclère – 07 69 17 49 63 – pleclere@oxfamfrance.org

Notes aux éditeurs :

130 des 139 pays membres du Cadre inclusif de l’OCDE ont apporté leur soutien à cet accord.

Les ministres des finances et les gouverneurs des Banques centrales des pays du G20 se réuniront à Venise les 9 et 10 juillet prochains pour endosser cet accord. La date limite prévue par l’accord pour la finalisation des détails techniques est prévue en octobre 2021, en amont du sommet du G20 à Rome.

L’accord sur la redistribution des droits à taxer prévoit que les entreprises avec un chiffre d’affaire global supérieur à 20 milliards de dollars et un taux de marge supérieur à 10% devraient redistribuer entre 20 et 30% de ces bénéfices exceptionnels aux pays de marchés – essentiellement des pays riches et des pays émergents – pour être taxés à au moins 15%.

L’accord sur le taux d’impôt minimum prévoit que les pays de siège des entreprises – essentiellement des pays riches, appliquent en priorité une surtaxe sur les bénéfices des entreprises opérant dans un pays avec un taux d’impôt inférieur au taux minimum (au moins 15%).

Le taux minimum d’au moins 15% proposé par le G7 est largement en deçà des demandes du panel l’ONU sur la responsabilité, la transparence et l’intégrité financières internationales appelant à un taux minimum d’imposition des bénéfices des multinationales compris entre 20 et 30%. L’ICRICT, une commission d’économistes et d’experts composée notamment de Joseph Stiglitz et Thomas Piketty appelait à un taux de 25%.

Comparé à un taux à 15 %, un taux minimum à 25% permettrait de récolter 17 milliards de dollars supplémentaires pour les 38 pays les plus pauvres (pour lesquels les données sont disponibles). Ces pays représentent 38,6% de la population mondiale.