Taxe sur les transactions financières : un accord de façade sur une taxe qui pourrait être repoussée à 2018 ?

Les ambitions de la France étaient clairement affichées : les pays souhaitant instaurer une taxe européenne sur les transactions financières (TTF) devaient aboutir à un accord sur l’assiette – les produits financiers taxés –  de cette taxe entre hier et aujourd’hui afin que cette taxe soit mise en œuvre à compter du 1er janvier 2017. Ceci devait permettre à la France d’annoncer l’utilisation d’une grande partie de ses recettes au profit de la solidarité internationale, notamment la lutte contre le changement climatique, ainsi que la santé mondiale [1].

A la place, dix pays [2], emmenés par la France, sont parvenus à un simple accord politique de façade indiquant que la taxe s’appliquerait aux actions et aux produits dérivés et demandant à la Commission européenne de proposer une nouvelle directive. Toutefois, le flou demeure sur de nombreuses questions et le diable pourrait se cacher dans les détails.

Surtout, les Etats ont repoussé l’accord final à juin 2016, ce qui risque encore une fois de repousser la collecte effective d’une telle taxe. A ce rythme, la TTF risque de ne pas voir le jour avant 2018 et de laisser François Hollande sur un nouvel engagement de campagne non tenu.  

Enfin, le projet présenté aujourd’hui ne fait aucune mention de l’affectation du produit de la taxe. François Hollande s’était pourtant engagé à plusieurs reprises à convaincre ses homologues européens d’en consacrer une grande partie aux enjeux de solidarité internationale, notamment à la lutte contre le changement climatique.

Selon Alexandre Naulot, d’Oxfam France :

« Cet accord devait être une étape cruciale sur les principaux éléments de la taxe : il ressemble plutôt à un accord de façade et demeure très flou ! Par exemple, on nous rassure en nous disant que la taxe s’appliquera à la base la plus large possible, mais on ne dit pas quels produits dérivés seront concernés. Or les activités les plus spéculatives, et leur taxation pourrait rapporter jusqu’à 21 milliards d’euros ! »

« Par ailleurs, on nous parle d’une étape franchie, mais l’accord final est repoussé à juin 2016. A ce rythme, la TTF européenne risque de ne pas générer les fonds significatifs additionnels attendus urgemment pour financer l’adaptation au changement climatique. »

Suite à cet accord a minima, le Président François Hollande doit désormais affirmer son leadership. S’il veut une taxe ambitieuse et solidaire sous son mandat (en 2017), il doit non seulement passer la vitesse supérieure, mais aussi acter d’une méthode claire d’ici la fin de la COP. « Il est essentiel que François Hollande rebondisse sur cet accord et montre son ambition en délivrant un plan d’action pour la TTF. Nous attendons qu’il confirme que la taxe verra le jour en janvier 2017, quels produits financiers seront taxés, combien elle doit rapporter. Mais surtout, le président doit montrer la voie auprès de ses homologues européens pour affecter cette taxe à la solidarité internationale. Rien qu'un quart de la TTF pourrait tripler les financements de l'adaptation au changement climatique estimés à 5 milliards de dollars par an.  »  conclut Alexandre Naulot.

Contact

Caroline Prak – 06 27 15 80 99 / cprak@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

[1] Discours du Président de la République, François Hollande, aux assemblées générales des Nations Unies, septembre 2015 : «  Puisque nous avons voulu, nous, la France et une partie de la zone euro, créer une taxe sur les transactions financières, cette taxe sera sans doute, nous faisons tout pour qu'il en soit ainsi, introduite en début 2017. Et bien une partie de cette taxe sera affectée à la lutte contre les inégalités, à la lutte contre le réchauffement climatique et les grandes pandémies. C’est un engagement que je prends ici devant vous ». Disponible sur  http://www.elysee.fr/.

[2] L’Estonie, en désaccord avec la direction donnée, a décidé de quitter les négociations.

Les 10 pays associés à la coopération renforcée ont décidé de taxer les actions et les produits dérivés. Certains points positifs doivent être accueillis favorablement comme une taxe appliquée aux transactions intra-journalières, incluant donc le trading à haute fréquence.Toutefois, de nombreux points restent flous. Entre autres, l'accord:

·         Ne précise pas si les actions étrangères achetées et vendues par les banques européennes seront-elles taxées. En exemptant ces transactions, la France perdrait 1,2 milliards d’euros ;

·         Ne précise pas quels seront précisément les produits dérivés taxés alors que ces derniers représentent la majorité des transactions financières européennes et que leur taxation pourrait dégager au moins 21 milliards d’euros.

·         Laisse une porte ouverte aux pays souhaitant exempter certains produits dérivés très spéculatifs.

·         Remet à plus tard les questions suivantes : les taux appliqués aux produits financiers mentionnés, ainsi le niveau de recettes que doit dégager une telle taxe.