Traité sur le commerce des armes : la France attendue au tournant après la levée de l’embargo européen sur la Syrie

Lundi 3 juin, à l’occasion d’une cérémonie officielle à New-York, en présence de Ban Ki Moon, les Etats vont enfin pouvoir formellement signer le premier traité de l’histoire visant à réguler le commerce international des armes classiques, qui représente plus de 70 milliards de dollars par an. La France a affirmé son intention de signer le texte, mais le doute plane toujours sur le déplacement de Laurent Fabius.

« Dans un monde où la violence armée fait 500 000 morts chaque année, ce traité fixe de nouvelles règles internationales afin de mettre les droits humains et le droit international humanitaire au cœur de chaque décision relative aux transferts d’armes. Ces règles affecteront les Etats signataires et auront également des effets pour des Etats non signataires impliqués dans les transferts d’armes internationaux, comme la Chine et la Russie », souligne Nicolas Vercken d’Oxfam France.

Plusieurs des principaux exportateurs d’armes comme, outre la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, signeront le traité dès ce lundi, ainsi que des exportateurs émergents tels que le Brésil, le Mexique ou l’Afrique du Sud. De nombreux pays frappés par les conflits armés, dont la République démocratique du Congo ou le Soudan du Sud, vont également souscrire au Traité. Les Etats-Unis devraient également signer ce traité plus tard cette année.

Oxfam France déplore cependant le manque apparent de l’intérêt français concernant cette signature. En effet, malgré des demandes d’ONG françaises, l’agenda du Ministre n’indique toujours pas un éventuel déplacement à New York. De nombreux autres Ministres des Affaires étrangères, dont l’homologue allemand de Laurent Fabius reçu à Paris il y a une semaine, ont pourtant déjà confirmé leur présence à cet événement historique.

« La France ne manque pas une occasion de clamer formellement son soutien à ce traité : mais quel signal politique plus fort que la signature du traité de la main même du Ministre des Affaires étrangères ? », regrette Nicolas Vercken.

Au-delà de la présence du Ministre, l’ONG attend de la France qu’elle montre l’exemple en intégrant le Traité en droit interne dans les meilleurs délais : « La signature de ce traité ne doit pas constituer un aboutissement, mais bien le début d’un processus vertueux. La France à cet égard doit être exemplaire et adopter rapidement une loi ambitieuse pour garantir le respect du traité », rappelle Nicolas Vercken.

Oxfam appelle ainsi le gouvernement à déposer rapidement un projet de loi intégrant les dispositions clés du traité et d’autres engagements pertinents en matière de contrôle des transferts d’armes, notamment la Position Commune de l’Union européenne, en optant chaque fois pour la norme la plus élevée, qu’il s’agisse des types d’armes et de transferts couverts, des critères d’évaluation du risque ou des modalités de transparence.

Le traité crée des obligations juridiquement contraignantes pour les Etats, qui devront évaluer tous les transferts d’armes afin de s’assurer que celles-ci ne contribueront pas à des violations des droits humains ou du droit international humanitaire. Il exige des Etats qu’ils refusent tout transfert d’armes dès lors qu’il existe un risque qu’elles soient utilisées pour violer les droits humains ou commettre des crimes de guerre.

Pour Oxfam, la récente décision de lever l’embargo sur les armes à destination de la Syrie, un des trois Etats ayant justement voté contre le Traité, va à l’encontre de ce principe. Compte-tenu de la nature divisée des groupes d’opposition, de la quasi impossibilité de contrôler in situ si les armes transférées seront utilisées pour commettre des violations, des rapports et témoignages sur les exactions commises par l’ensemble des protagonistes et les détournement des armes et munitions, il y a de graves risques que les armes soient utilisées pour commettre des violations des droits humains, avec probablement de nouvelles conséquences humanitaires désastreuses. La France pourrait alors se retrouver en totale violation de ses engagements au regard de la Position Commune de l’Union européenne sur les exportations d’armements, qui continue de s’imposer aux Etats membres malgré la levée de l’embargo.

Le Traité permettra également d’apporter plus de transparence et de redevabilité vis-à-vis des français-es et de leurs représentant-es, sur un commerce jusqu’à présent marqué du sceau du secret et du triste record de « commerce le plus corrompu au monde » : le coût de la corruption dans l’industrie de la défense est estimé à 20 milliards de dollars par an et le département américain du Commerce estime que la corruption dans le commerce des armes représente près de la moitié de l’ensemble des transactions liées à la corruption dans le monde, alors que la valeur totale des armes commercialisées ne pèse pas plus de 1% du commerce mondial.

Notes aux rédactions :

• Le texte du Traité est disponible c.
• Le Traité entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du 50ème instrument de ratification

• En signant le Traité, les Etats s’engagent notamment à :
– Contrôler tous les transferts d’armes classiques, de munitions ou de pièces détachées et composants
– Interdire l’exportation d’armes classiques, de munitions ou de pièces et composants dès lors qu’on a connaissance que ces armes seraient utilisées pour commettre des crimes de guerre ou de génocide, des attaques à l’encontre des civils, ou d’autres graves violations des conventions de Genève
– Procéder à une évaluation détaillée du risque que chaque transfert contribue ou porte atteinte à la paix et la sécurité, ou facilite des graves violations des droits humains ou du droit international humanitaire, le terrorisme, le crime organisé, la violence sexiste ou la violence à l’encontre des femmes ou des enfants
– Prendre en compte le risque que les armes transférées soient détournées du destinataire initial au profit d’un autre utilisateur
– Soumettre des rapports annuels sur leurs transferts internationaux et sur leurs activités relatives à la mise en œuvre du Traité aux autres Etats parties, améliorant ainsi la transparence du commerce mondial des armes

• Quand la campagne en faveur du TCA a été lance par la coalition Control Arms il y a plus de dix ans, seuls trois pays, le Mali, le Costa Rica et le Cambodge, soutenaient alors le Traité. Il a fallu dix ans d’intenses pressions et de forte mobilisation de la société civile internationale pour convaincre plus de 150 Etats d’adopter un accord juridiquement contraignant portant sur les biens les plus dangereux au monde.

• Le Traité sur le Commerce des Armes a été adopté par un vote à la majorité au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies le 3 avril dernier. Seuls 3 Etats s’étaient prononcés contre, l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord, tandis que 156 Etats avaient voté « pour » et 22 s’étaient abstenus.

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