Dans la plus grande indifférence, la France accueille cette semaine, et Emmanuel Macron préside un événement multilatéral majeur : vingt-six ans après la conférence de Pékin de 1995, qui avait permis l’adoption de la déclaration de Pékin marquant une avancée majeure dans la reconnaissance des droits des femmes à l’international, le Forum génération égalité (FGE) est le sommet des Nations Unies de la décennie pour les droits des femmes.

Ce forum, initialement prévu l’année dernière, s’inscrit dans un contexte particulier : celui de l’aggravation des inégalités entre les femmes et les hommes partout dans le monde. Il doit donc être un moment de remobilisation générale de l’ensemble de la communauté internationale pour éviter tout recul en matière des droits des femmes, et au contraire une occasion pour les Etats de s’engager sur des mesures concrètes et des financements pour accélérer les efforts en matière d’égalité. Et pourtant, seul.e.s 3% des Français.es savent en réalité ce qu’est cette grande réunion internationale*. Entre les résultats des régionales, l’Euro de foot et les derniers préparatifs avant les grandes vacances, cette actualité semble être reléguée au second plan… Et pourtant…

La pandémie du Covid19 a déjà coûté la vie à plus de 4 millions de personnes à l’échelle de la planète et dévasté des communautés. En quelques mois, elle a frappé l’humanité entière et mis à l’arrêt l’économie mondiale. Pour la première fois dans l’histoire, les inégalités se sont aggravées simultanément dans tous les pays du monde. Face à cette pandémie, les femmes sont les grandes perdantes. En premières lignes face au virus, elles sont également les plus impactées par la crise économique et sociale.

Les inégalités entre les femmes et les hommes sont les inégalités les plus structurantes et universelles de nos sociétés. Avant même l’apparition du Covid19, malgré des avancées notables, l’égalité entre les femmes et les hommes n’était pas une réalité à l’échelle de la planète. Aucun pays du monde n’avait atteint l’égalité. Les femmes devaient attendre un siècle avant de connaître un monde égalitaire. Les femmes sont pénalisées par un système économique injuste et sexiste où les richesses et les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’une poignée d’individus, en grande majorité des hommes, alors qu’elles sont surreprésentées en bas de l’échelle. La crise a frappé dans un monde où les femmes gagnent et épargnent moins, occupent de manière disproportionnée les emplois les plus précaires, sont éloignées de l’éducation et de la santé, s’occupent inégalement des tâches au sein des foyers et sont davantage victimes de violences sexistes et sexuelles.

En exacerbant les inégalités préexistantes, la pandémie a fait perdre 36 ans à l’égalité femmes-hommes. En quelques mois, les femmes ont davantage perdu leur emploi que les hommes, représentant 36 millions d’emplois perdus à l’échelle mondiale. Les pertes de revenus des femmes représenteraient au moins 800 milliards de dollars en 2020, soit plus que le PIB de 98 pays combinés. Alors que les pays du monde entier s’étaient accordés sur une feuille de route vers l’éradication de l’extrême pauvreté d’ici 2030, la pauvreté risque d’augmenter impactant principalement des femmes. 47 millions de femmes ont basculé sous le seuil de l’extrême pauvreté l’année dernière du fait de la pandémie. Selon les Nations Unies, les femmes représenteront toujours la majorité des pauvres d’ici 2030. Enfin, nous avons également assisté à une explosion du travail domestique non rémunéré sur le dos des femmes et une explosion des violences conjugales.

Partout dans le monde, les droits des femmes sont menacés. Sans mesures de rattrapage urgentes et ambitieuses, les inégalités entre les femmes et les hommes risquent de durablement s’aggraver. Pourtant, celles-ci ont été les grandes absentes des réponses à la crise du Covid19. Selon les Nations Unies, au premier mois de la crise seul un pays sur huit à travers le monde, soit 25 pays, a mis en place des mesures visant à atténuer l’impact économique et social de la crise sur les femmes et les filles. Concernant la France, la Fondation des femmes a démontré que sur les 35 milliards des plans de relance sectoriels de juin 2020 seulement 7 milliards étaient dédiés à des emplois occupés par des femmes, pourtant première impactées par la crise. Les Glorieuses avaient justement souligné que le mot « femme » était absent des documents de présentation du premier plan de relance de la France. Pourtant des pays ont montré la voie. C’est le cas du Canada qui a annoncé en juin 2021 faire des droits des femmes une priorité de son plan de relance.

Regarder et rendre compte fidèlement de cette situation dramatique est un préalable indispensable pour mobiliser l’opinion publique et la volonté politique nécessaire à mettre en œuvre un réel plan de relance féministe. Selon nous, un tel plan devrait avoir des priorités claires : décharger les femmes du travail domestique non rémunéré, corriger les inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail, augmenter significativement les financements pour les droits des femmes à l’international et la lutte contre les violences et enfin appliquer la budgétisation féministe aux plans de relance. Seulement alors Emmanuel Macron aura tenu sa promesse de faire des droits des femmes la grande cause de son quinquennat.

Les signataires de la tribune :

  • Alice Apostoly, présidente de l’Institut du Genre en Géopolitique.
  • Fawzia Baba-Aissa, co-fondatrice et membre du Conseil d’Administration du Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed).
  • Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France.
  • Rana Hamra, fondatrice et directrice exécutive d’Humanity Diaspo
  • Ramata Kapo, présidente d’Excision parlons-en !
  • Maé Kurkjian, directrice France de ONE.
  • Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
  • Véronique Moreira, présidente de Wecf France.
  • Carine Rolland, présidente de Médecins du monde
  • Eva Sadoun, co-fondatrice & Présidente – LITA.co x RIFT  et co-présidente Mouvement Impact France.
  • Claire Tran, co-fondatrice de Parents et Féministes.