Alors que les Etats-Unis avaient proposé il y a un mois un taux minimum effectif de 21%, les pays du G7 ont adopté ce samedi 5 juin un compromis au rabais en s’accordant sur un taux de seulement 15%. Face au manque de soutien actif de plusieurs pays européens, dont la France, et la pression des paradis fiscaux, l’ambition a donc été largement écornée.

Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France :

« Il était plus que temps que les plus grandes économies mondiales s’accordent sur un taux minimum d’impôt effectif pour les multinationales. Mais le taux de retenu de 15% est tout simplement trop bas. Comment peut-on penser qu’on va s’attaquer aux paradis fiscaux en établissant un taux à peine plus haut que celui de paradis fiscaux notoires comme la Suisse ou Singapour ? »

« La première proposition américaine d’un taux minimum effectif à 21% constituait une première base de discussion qui pouvait être améliorée. Mais face à la pression des paradis fiscaux, et le manque d’ambition de certains pays européens comme la France, cette proposition a été abaissée à 15% et pourrait l’être encore d’avantage. »

« Le manque de soutien actif de la France à la première proposition de Joe Biden est un très mauvais calcul politique : la France serait l’une des plus grandes perdantes d’un passage de taux de 21% à 15% avec des recettes fiscales attendues de 4,3 milliards d’euros, contre 16 milliards pour la proposition américaine. Au moment où le gouvernement s’interroge sur comment payer la facture du coronavirus, il vient de laisser filer l’opportunité de reprendre des dizaines de milliards d’euros délocalisés dans les paradis fiscaux ».

« Dans le contexte de crise économique et sanitaire mondiale que nous vivons, les pays du G7 préfèrent protéger l’intérêt des multinationales et des paradis fiscaux, alors même alors que les besoins de financement pour répondre à l’urgence sont énormes et que de nombreuses multinationales ont réalisé des bénéfices exceptionnels durant la crise. »

« Le deuxième problème de cet accord c’est qu’il devrait essentiellement servir les intérêts des pays riches puisque les recettes taxées iraient dans les pays où les entreprises ont leur siège social, alors que ce sont les pays en développement qui sont les principales victimes des montages d’évasion fiscale. Les pays du G7 ne peuvent pas s’attendre à ce que la majorité des autres pays se contentent des miettes de leur accord ».

Contact presse :

Pauline Leclère pleclere@oxfamfrance.org 07 69 17 49 63

Notes aux rédactions :

Les pays en développement sont privés chaque année d’au moins 100 milliards de dollars du fait de l’évasion fiscale des multinationales.

L’ICRICT, une commission composée d’experts indépendants, de chercheurs et de représentants de la société civile, appelle à un taux minimum effectif mondial sur les multinationales de 25%.

En mai 2019, le Cadre Inclusif de l’OCDE travaillant sur le plan BEPS (Base Erosion Profit Shfiting) a lancé, sous l’égide du G20, un nouveau round de négociation sur la réforme de la fiscalité des multinationales à l’ère du numérique. Près de 140 pays participent aux négociations. Ce round de négociation comprend deux trains de réforme organisées autour de deux piliers : le premier pilier traite de la distribution des droits à taxer (et notamment de la possibilité de taxer les entreprises du numérique) et le second pilier de la mise en place d’un taux minimum effectif pour les multinationales. Le G20 doit trouver un accord politique sur les deux piliers d’ici juillet 2021.

Les pays en développement, dont les recettes fiscales sont largement plus dépendantes de l’impôt sur les sociétés, ont présenté plusieurs propositions dans le cadre des négociations pour assurer un accord tenant compte de leurs intérêts. Il y a quelques semaines, le Forum des administrations fiscales africaines (ATAF), représentant 38 Etats africains, soumettait une nouvelle proposition sur la distribution des droits à taxer. Le G24, représentant des dizaines de pays en développement, a également soumis plusieurs propositions de réformes pour un système fiscal plus juste.