Un nouveau rapport d’Oxfam tire la sonnette d’alarme sur les risques auxquels sont confrontés les mineurs réfugiés en Europe au moment du passage à l’âge adulte. De nombreux pays européens ne réussissent pas à apporter un soutien adéquat aux jeunes réfugiés lors de leur passage à l’âge adulte, ce qui les pousse dans des situations d’extrême vulnérabilité et ce qui rend difficile leur intégration dans les sociétés qui les accueillent.

Le rapport part d’une analyse de la situation. La France comptait à la fin 2019 environ 31 000 mineurs non accompagnés pris en charge par l’Etat, 10% avec moins de 14 ans, 40% si tous ceux qui ont 15 ans ou moins sont pris en compte, à 95% des garçons. Leur origine est bien sûr divers, mais 3 nationalités ont pu être identifiés comme celles qui concentrent à elles seules le 61% des mineurs : Guinée, Mali et Côte d’Ivoire.

Il met également en évidence les différences et les incohérences qui existent entre les cadres de protection des différents pays européens examinés (France, Grèce, Italie, Pays-Bas et Irlande). Oxfam présente une série de propositions et exige un cadre juridique commun qui devrait être complété par des directives communes de la Commission européenne. Le rapport donne aussi des exemples de bonnes pratiques pour empêcher les jeunes réfugiés de se voir livrés à eux-mêmes, de passer à travers les failles des systèmes, ou de se retrouver sans abris, en danger ou exploités.

Jon Cerezo, responsable de campagne migrations chez Oxfam France déclare : « Avec ce rapport, nous voulons attirer l’attention sur le passage à l’âge adulte, soudain et souvent traumatisant, des mineurs non accompagnés en France et en Europe. Un jour enfants en sécurité, avec un toit sur la tête et un accès à l’éducation, le lendemain soudainement dépouillés de tous ces droits. La vie que ces jeunes ont construite en Europe est soudainement bouleversée. »

A., jeune de 19 ans installée en France : « Je ne l’oublierai jamais. Le lendemain de mon arrivée au centre d’accueil, le coordinateur du centre m’a demandé de prendre mes affaires et de quitter les lieux. Apparemment un acte de naissance n’était pas suffisant pour justifier que j’étais adolescente, même si c’était le seul document que je portais. »

Principaux enjeux pour les mineurs lors du passage à l’âge adulte

Les enjeux principaux pour les jeunes réfugiés sont : la demande de titre de séjour et le processus long et complexe qui l’accompagne, mais également la recherche de logement et l’accès difficile à un travail ou à une formation. Lors de ce difficile passage à l’âge adulte, il existe un risque très sérieux pour ces jeunes réfugiés de se retrouver sans abri, exploités ou sans ressources.

Demande de séjour : Même après avoir reçu l’asile en tant qu’enfants, les jeunes réfugiés doivent effectuer une demande pour pouvoir rester en Europe au-delà de 18 ans, au risque de devoir retourner dans leurs pays, ce qui les remettrait dans des situations dangereuses et ce qui les arracherait des sociétés dans lesquelles ils ont grandi. Ce processus de demande de titre de séjour est compliqué et les informations nécessaires pour l’établir sont souvent manquantes ou indisponibles dans la langue comprise par le demandeur.

Logement : Pendant la demande de séjour ou après, les jeunes réfugiés sont habituellement invités à quitter le système d’hébergement à 18 ans et poussés à trouver leur propre logement. Une responsabilisation souvent trop forte et choquante qui présente aussi un gros risque d’exploitation de la part des propriétaires, mais aussi une possibilité pour ces jeunes de se retrouver soudainement sans abri.

Emploi ou formation : L’accès à un emploi ou à des formations représente aussi un grand enjeu. En France et en Italie, il existe des règles confuses et compliquées qui peuvent empêcher de nombreux jeunes de suivre une formation professionnelle. Lors d’un entretien, un membre du personnel de première ligne français a décrit la bureaucratie comme étant « très singulière et difficile ». Les refus de permis de séjour sont émis même dans les situations où les jeunes réfugiés ont réussi à passer d’un CDD à un CDI.

K. 21 ans installé en France et originaire du Mali « Avec l’aide de mon tuteur, j’ai rapidement commencé une formation pour devenir fabricant de portes et fenêtres. Ce n’était pas facile mais lors de mon stage, mon employeur m’a félicité pour mon travail. Quand il m’a proposé de m’embaucher à la fin de l’apprentissage, j’ai senti que je pouvais m’en sortir. »

Trois « bonnes pratiques » pour combler le fossé entre l’enfance et l’âge adulte.

Le foyer de jeunes travailleurs. C’est un programme en France qui facilite l’installation de jeunes entre 16 et 25, parfois plus et les aide à se remettre sur pied et à gagner en autonomie en leur offrant un logement temporaire partagé

Formation spécialisée des professionnels qui entrent en contact avec les jeunes réfugiés. Plusieurs existent en France, ce qui améliore la compréhension des situations, des sytèemes et arrive à mettre en contact des travailleurs de différents secteurs en lien avec l’accueil de mineurs non accompagnés, c’est le cas de l’institut IRFASE et de l’association marseillaise ADAPP13.

Offrir aux jeunes le soutien d’un tuteur comme point de référence tout au long de la période de transition. Un système alternatif consistant à créer des jumelages entre locaux et jeunes réfugiés peut également être une solution. Malheureusement ce type de gestion du problème n’est pas toujours idéal car il est confié le plus souvent soit à des ONG qui dépendent de financements externes, soit à des institutions débordées.

Le rapport d’Oxfam appelle l’UE et les États membres à faire tomber les obstacles auxquels sont confrontés les jeunes réfugiés, c’est-à-dire à simplifier les processus d’obtention de titres de séjour, à améliorer et élargir l’offre de tuteurs, à garantir l’accès à des formations professionnelles adaptées au marché du travail et non limitées à un petit secteur de métiers (cuisine, agriculture…), à mettre à disposition des logements sociaux de transition, ou encore à créer et coordonner, aux niveaux local et national, un espace d’échange entre professionnels et jeunes réfugiés.

Contact presse :
Jon Cerezo, Responsable campagne migrations, 06 51 15 54 38

Notes aux rédactions :
● Le rapport « Teach us for what is coming: the transition into adulthood of unaccompanied minors in Europe » (« Montrez-nous ce qui vient : le passage à l’âge adulte des mineurs non accompagnés en Europe »), un brief du rapport sont disponibles.
● Les jeunes réfugiés dans ce communiqué de presse font référence aux mineurs non accompagnés, c’est à dire des personnes de moins de dix-huit ans qui arrive dans l’UE sans l’adulte responsable d’eux par la loi ou par la pratique de l’État membre de l’UE concerné.
● Oxfam et ses partenaires ont mené des enquêtes à travers des entretiens avec des réfugiés, du personnel de première ligne et des chercheurs en France, en Grèce, aux Pays-Bas, en Irlande et en Italie.
● Le rapport signale que l’utilisation de tests osseux pour évaluer l’âge des jeunes est déconseillée, dû à sa marge d’erreur de jusqu’à 18 mois. Bien qu’il existe le droit de faire appel à ces évaluations, le processus reste trop long et laisse les jeunes, dans plusieurs pays, sans droit au logement.
● Oxfam Europe organisera un événement présentant les conclusions du rapport le 29 et 30 juin.