Un pas en avant contre l’évasion fiscale, mais les multinationales tirent encore sur la corde

Si le Parlement européen a voté aujourd’hui en faveur du reporting pays par pays public, une mesure clé de transparence pour la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, le texte présente encore des failles, qui permettront aux entreprises de se soustraire à cette obligation.

C’est avec un tir à la corde opposant multinationales d’un côté et citoyen-nes de l’autre, que les militants d’Oxfam, deTransparency International et du CCFD-Terre Solidaire ont accueilli les eurodéputé-e-s ce matin en les enjoignant à choisir le camp de l’intérêt général.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France :

« Le Parlement européen a marqué aujourd’hui un pas en avant dans la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales. Mais en incluant une clause d’exemption, la directive comporte une faille importante qui sera exploitée par les entreprises pour continuer à cacher leurs stratagèmes fiscaux. Impossible de savoir si les entreprises paient réellement leur juste part d’impôts sans une photographie complète de leurs activités et impôts payés !

Malgré les scandales d’évasion fiscale tels que le Luxleaks et les Panama Papers, de nombreux eurodéputé-e-s semblent encore vouloir protéger les intérêts des multinationales au détriment de ceux des citoyens et des PME. Des centaines de milliers de citoyen-ne-s européens veulent pourtant que leurs gouvernements imposent plus de transparence aux multinationales afin de savoir si elles paient leurs impôts là où elles ont une activité réelle.

Il appartient désormais aux États membres de ne pas mettre davantage des bâtons dans les roues de la transparence fiscale, sinon le système fiscal continuera de servir le profit des multinationales »

Retrouvez toutes les photos de l’action devant le Parlement européen ici

Contact

Eleonora Trementozzi – 01 85 34 17 66 – 07 69 17 49 63 – etrementozzi@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

– La mesure votée aujourd’hui par le Parlement européen – connue sous le nom de reporting pays par pays public – oblige les entreprises multinationales à rendre publiques les informations sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans chacun des pays où elles ont une activité. Cependant, la directive inclut une clause de sauvegarde permettant aux entreprises multinationales de ne pas publier certaines informations, si elles déclarent que leur publication pourrait nuire à leurs affaires.

– Ce vote représente la position du Parlement européen sur une proposition de directive initiée par la Commission européenne en avril 2016. Le Conseil de l’UE évalue actuellement sa position sur cette mesure et un trialogue devrait ensuite commencer, une fois que les deux institutions auront formalisé leur position.

– En 2016, la France avait été le premier pays à adopter, avec la loi Sapin 2, un reporting public pour les entreprises multinationales. Bien que perfectible sur de nombreux points, ce reporting représentait un premier pas important pour dissuader les multinationales d’échapper à l’impôt. En novembre 2016, le Conseil constitutionnel a porté un coup d’arrêt à cette dynamique positive, en censurant cette mesure sur des arguments très contestables juridiquement. Retrouvez ici la réaction d’Oxfam publiée à cette occasion : https://www.oxfamfrance.org/communique-presse/justice-fiscale/lutte-contre-levasion-fiscale-coup-darret-porte-par-conseil

– En mars 2017 Oxfam a publié le rapport « Banques en Exil », analysant pour la première fois les données issues du reporting pays par pays public des banques européennes, seul secteur pour lequel le reporting par pays public est en vigueur. Ce rapport révélait que certaines parmi les plus grandes banques européennes déclarent des profits dans les paradis fiscaux qui sont en réalité bien supérieurs au niveau de leur activité économique dans ces pays.

– L’évasion fiscale prive chaque année les pays du monde entier, et notamment les pays en développement, de ressources essentielles pour garantir à tous l’accès à des services essentiels tels que la santé et l’éducation, ainsi que pour lutter contre les inégalités et la pauvreté. En France, les pertes fiscales liées à l’évasion fiscale sont estimées entre 60 et 80 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Pour cette raison, Oxfam mène depuis des années un combat contre l’évasion fiscale et se bat pour que des mesures de transparence fiscale soient approuvées à l’échelle nationale, européenne et internationale.