Le rapport 2022 de la FAO sur « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde » indique que 828 millions de personnes ont souffert de la faim en 2021, soit une augmentation de 150 millions depuis l’apparition de la pandémie de COVID-19.

Outre le dramatique « cocktail des 3C » (les conflits locaux, les effets de la pandémie de COVID et ceux du changement climatique), aggravé par la guerre en Ukraine, ce constat alarmant est le résultat d’un système alimentaire structurellement défaillant.

Guillaume Compain, chargé de campagne agriculture et sécurité alimentaire chez Oxfam France, déclare : « On constate avec beaucoup d’inquiétude que le niveau de la faim sur la planète a augmenté en flèche depuis 2019, menant à des conditions dramatiques d’insécurité alimentaire et même de famine. Le plus choquant dans cette situation est que la principale cause n’est pas tant un déficit global de production qu’un système alimentaire mondial profondément inégal et déséquilibré, qui rend l’accès aux denrées alimentaires très difficile voire impossible pour les populations les plus vulnérables ».

« Il est facile de mettre la crise alimentaire mondiale sur le dos de la guerre en Ukraine mais la situation actuelle n’est que le point d’orgue d’un échec historique à régler les failles de nos systèmes alimentaires globalisés. Nous devons enfin concevoir des modèles plus justes et durables qui soient au service des citoyens et de l’environnement plutôt que d’une poignée de multinationales de l’agroalimentaire ».

Il est urgent de prendre les mesures nécessaires

Si nous voulons sauver des vies maintenant, les gouvernements des pays donateurs doivent honorer leurs promesses. À ce jour, moins de 20 % de l’appel de 3,8 milliards de dollars lancé par les Nations unies pour le Sahel central et le bassin du lac Tchad ont été financés, tandis que presque 30 millions de personnes se trouvent déjà dans une situation de crise alimentaire aigüe en Afrique de l’Ouest.

La région de l’Afrique de l’Est, qui vit la pire sécheresse de l’histoire contemporaine et où des milliers de personnes connaissent en ce moment une famine terrible, a reçu moins de 15 % de l’appel à financements de près de 7 milliards de dollars lancé par les Nations unies.

Selon Guillaume Compain : « Les Etats doivent cesser de faire des promesses en l’air et de renforcer les problèmes existants. Ils doivent au contraire soutenir davantage les petits producteurs, en particulier les femmes, et les travailleurs pauvres de l’agro-alimentaire. Ils doivent s’engager dans une agriculture verte et résiliente, en encourageant l’agro-écologie et l’adaptation au changement climatique ».

« Les pays les plus riches doivent se donner les moyens – notamment en taxant les principaux bénéficiaires du système actuel : les entreprises de l’agro-alimentaire et les milliardaires – de soutenir des modes de production alimentaire durables, diversifiés et locaux partout dans le monde afin d’aider les plus vulnérables à obtenir une réelle autonomie alimentaire ».

Notes aux rédactions :

  • Oxfam a publié une analyse des conséquences de la guerre en Ukraine sur les crises alimentaires mondiales. Nous appelons notamment les gouvernements à répondre aux appels du Programme Alimentaire Mondial, à ne pas redirige l’aide promise, à éviter les restrictions aux exportations, à mettre en œuvre de nouvelles régulations pour empêcher la spéculation, à soutenir l’autonomie alimentaire des pays vulnérables (agriculture paysanne, agroécologie…), à promouvoir des politiques commerciales plus équitables ou encore à développer une protection sociale universelle.
  • Les chiffres sur la richesse des milliardaires de l’agro-alimentaire proviennent du rapport d’Oxfam « Quand la souffrance rapport gros » publié le 23 mai 2022. La demande de taxation des surprofits des principaux gagnants de la crise a été émise par Oxfam à l’occasion du G7 d’Elmau fin juin, un sommet qui s’est avéré décevant selon l’association.
  • L’Afrique de l’Ouest est actuellement confrontée à sa pire crise alimentaire de la décennie, avec 27 millions de personnes souffrant de faim aigue. Ce chiffre pourrait passer à 38 millions – un niveau sans précédent – si des mesures urgentes ne sont pas prises.
  • Au 4 juillet 2022, seuls 17 % de l’appel total des Nations unies pour le Sahel central (Niger, Mali, Burkina Faso) et le bassin du lac Tchad (Niger, Nigeria, Tchad, Cameroun) ont été financés. (Source : Plans de réponse humanitaire (PRH) 2022 des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre).
  • En Afrique de l’Est, on estime qu’une personne meurt de faim toutes les 48 secondes en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, pays ravagés par la sécheresse, car les actions sont restées trop lentes et trop limitées pour empêcher la crise de la faim de s’aggraver. Le déficit pluviométrique de la dernière saison dans ces trois pays a été le plus grave depuis au moins 70 ans.
  • A ce jour, seulement 979 millions de dollars sur les 6,96 milliards de dollars de l’appel des Nations Unies pour la Somalie, le Kenya, l’Ethiopie et le Soudan du Sud (PRH + aide alimentaire) ont été financés. Cela représente un retard de 86% (Source : Appels et plans de réponse 2022 de l’agence des Nations Unies OCHA | Financial Tracking Service).
  • Selon le rapport Ceres2030 : Sustainable Solutions to End Hunger, qui présente un plan décennal pour éradiquer la faim, 330 milliards de dollars supplémentaires seraient nécessaires sur 10 ans pour atteindre cet objectif. Le déficit de financement des pays donateurs sur cette période est quant à lui évalué à 140 milliards de dollars, soit 14 milliards de dollars par an.
  • L’an passé, Oxfam International avait partagé son analyse sur les facteurs de la faim dans le monde, mettant en avant le concept des « 3C » : conflits, crise du Covid et changement climatique.

Contact presse :

Guillaume Compain
Chargé de campagne agriculture et sécurité alimentaire | Oxfam France
gcompain@oxfamfrance.org | Tel: +33 (0)6 85 26 01 08