17 euros pour lutter contre la mortalité maternelle

En Mauritanie, une femme a 34 fois plus de risques de mourir suite à son accouchement qu’en Europe. Pour améliorer la santé maternelle, le gouvernement mauritanien a mis en place, avec l’aide de la France, un forfait obstétrical qui rend plus accessibles certains soins durant la grossesse.

Pour un montant d’environ 17 euros payable en une ou deux fois, ce « forfait obstétrical », donne accès à des prestations à tarif réduit : consultations prénatales, échographie ou encore transfert en ambulance vers une maternité. Sur 100 grossesses, on considère que sept femmes vont avoir des complications. D’après l’Agence française de développement. Le forfait obstétrical permet de payer les frais de ces grossesses à risque grâce aux cotisations des 93 autres adhérentes qui n’auront pas présenté de complications. Ce forfait est donc basé sur le partage des risques et offre aux femmes enceintes adhérentes toute une gamme de soins auxquels elles n’auraient pas accès sans ce dispositif. En Mauritanie, le salaire mensuel moyen est de 121 euros et un accouchement dans un hôpital coûte environ 104 euros, contre 5 euros avec le forfait. Le forfait obstétrical offre aux femmes enceintes la possibilité d’accoucher dans de bonnes conditions sanitaires, limitant ainsi les accidents et décès liés aux complications.

Succès local

Lancé en 2002 à Nouakchott, la capitale, ce forfait a obtenu des résultats encourageants et a ensuite été mis en place dans d’autres régions. Selon l’Agence française de développement (AFD) le taux de mortalité a baissé de 50% dans les zones où le forfait est implanté. Cependant, à l’échelle nationale, le nombre de décès maternels enregistrés depuis la création du forfait n’a pas assez diminué et reste encore l’un des plus élevés de la sous-région. L’Objectif du Millénaire pour Développement n°5, de réduction de la mortalité maternelle, ne sera certainement pas atteint en 2015. L’objectif de l’OMD est 232 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2015. En 2002, ce ratio était de 747 en Mauritanie. Il est aujourd’hui de 550 selon l’ONU. C’est pourquoi le gouvernement mauritanien veut aujourd’hui en faire une politique d’ampleur nationale. Pourtant, si les résultats et les progrès engrangés par le forfait sont indéniables, le système de pré-paiement, c’est-à-dire le fait d’avancer une somme d’argent directement pour une offre de soins, reste une barrière financière qui empêche les femmes dont les revenus sont limités de cotiser au forfait.

Une première étape vers une accès universel aux soins de santé maternelle ?

Plusieurs pays voisins de la Mauritanie ont mis en place des politiques de gratuité partielle, notamment concernant les soins maternels. Le Burkina Faso, par exemple, permet aux femmes enceintes aux revenus limités de ne payer directement leurs soins grâce à un fonds « d’indigence » géré par l’Etat. Le forfait obstétrical pourrait donc être pour la Mauritanie une première étape vers l’accès universel aux soins de santé maternelle, si les décideurs politiques mauritaniens choisissent d’aller plus loin encore en mettant en place une politique volontariste de gratuité. En effet, le coût du forfait a été calculé pour financer deux objectifs : l’approvisionnement en médicaments et les primes pour inciter le personnel médical à prendre en charge davantage de femmes. Mais il ne prend pas en compte les coûts de fonctionnement comme par exemple l’entretien des équipements, de plus en plus utilisés, puisque, grâce au forfait, de plus en plus de femmes accouchent à l’hôpital.

L’indispensable engagement public

Pour toutes ces raisons, la réussite du forfait ne doit pas être considérée comme acquise. Selon une sage-femme mauritanienne, « ce n’est pas aux femmes de payer tout l’hôpital !« . En effet, l’argent des forfaits ne peut pas financer tout un système de santé, seul l’Etat peut le faire. Pourtant le budget consacré à la santé en Mauritanie diminue. En 2011, il ne représentait que 3,3 % du budget total du pays. Pour Oxfam, l’Etat ne doit surtout pas se désengager du financement des soins maternels au motif que cette initiative s’auto-finance : seule une politique publique d’envergure nationale assurerait le niveau nécessaire de financement des coûts de fonctionnement et donc une véritable continuité des soins. Selon les mots de Philippe Vinard, économiste de la santé, qui a travaillé sur ce forfait : « pour une couverture universelle, le financement public est indispensable« .

Aller plus loin

Découvrir notamment notre campagne « Non-assistance à mères en danger » (2010)