Quels enjeux pour le financement du développement ?

Du 13 au 16 juillet, chefs d’État et de gouvernement, ministres et autres représentantes et représentants gouvernementaux se réunissent sous l’égide de l’ONU à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour la troisième Conférence sur le financement du développement. Quels sont les enjeux de cette conférence ?

Cette conférence ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. En effet, l'enjeu est de mettre en place les systèmes et mécanismes par lesquels la communauté internationale financera l’éradication de la pauvreté et le développement durable – qu’il s’agisse d’aide publique au développement (APD), d’allègement de la dette, d’investissements privés ou d’autres financements  innovants. La conférence est une étape particulièrement importante car elle établira la façon dont la communauté internationale mobilisera les fonds nécessaires pour financer les Objectifs de développement durable (ODD), une série d’objectifs à vocation universelle devant être adoptés à New York, au mois de septembre prochain, pour venir éradiquer la pauvreté et protéger la planète.

L’enjeu est énorme. La conférence d’Addis-Abeba pourrait permettre de dégager des milliards de dollars afin de bâtir un monde plus juste, plus prospère et plus sûr pour toute l’humanité. Elle constituera une première étape et mettra également en place les prérequis pour une réussite du sommet sur les Objectifs de développement durable et la Conférence sur le climat à Paris (COP 21), en décembre prochain.

Les enjeux ne sauraient être plus importants. Un milliard de personnes, soit un habitant de la planète sur sept, vit dans la pauvreté[i]. Les inégalités extrêmes prennent des proportions vertigineuses à l’échelle nationale, mais aussi et surtout entre les pays développés et les pays en développement. Au cours des quinze années qui ont précédé 2010 (pour lesquelles nous disposons des chiffres les plus récents), le PIB moyen par habitant se situait entre 30 000 et 35 000 dollars par an dans les pays riches. En Inde, en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne, il a stagné à 2 000 dollars, tandis qu’en Chine, il s’est établi à environ 5 000 dollars[ii]. Dans le même temps, le changement climatique frappe déjà durement les régions les plus pauvres du monde.

À Addis-Abeba, le grand défi consistera à rééquilibrer les règles fiscales internationales qui, faussées, coûtent chaque année des milliards de dollars aux pays en développement – des fonds qui pourraient servir à vaincre la pauvreté et les inégalités. Elles contribuent à créer une situation dans laquelle les pays en développement perdent davantage d’argent qu’ils n’en reçoivent. Depuis 2008, il est estimé que pour chaque dollar reçu (sous forme d’investissements directs étrangers, d’envois de fonds par les travailleurs émigrés ou d’aide extérieure, par exemple), les pays en développement perdent environ deux dollars (notamment dans le cadre de flux financiers illicites et des remboursements de leur dette)[iii].

Malheureusement, les pays négociant pour leurs propres intérêts politiques et commerciaux dans une optique court-termiste, la conférence d’Addis-Abeba pourrait ne pas apporter les changements qui s’imposent. Elle risque en effet d’être plus bénéfique aux multinationales qu’aux populations les plus pauvres du monde.

Jusqu’à présent, les négociations relatives au « document final » d’Addis-Abeba ont achoppé sur une série de différends entre les pays développés et les pays en développement. Ce clivage Nord-Sud se cristallise autour de l’interprétation des engagements internationaux pris par les pays riches envers les pays en développement.

Les premiers minimisent leurs engagements passés en matière d’aide au développement, tout en exigeant que les économies émergentes, comme l’Inde, contribuent pour une  plus grande part au développement international.

Les seconds tiennent à ce que les pays riches honorent leurs promesses. Ils réclament des mesures concrètes pour mettre un frein à l’évasion fiscale des entreprises qui soustraient aux pays pauvres des milliards de dollars de recettes par an – une revendication à laquelle s’opposent énergiquement les pays riches. Cependant, tous les pays paraissent favorable à l’extension du rôle des financements privés dans le développement, et ce sans les mécanismes de contrôle nécessaires pour garantir que les initiatives privées profitent réellement aux populations pauvres.

Au moment de la rédaction de la présente note, les négociations sur le texte définitif du document final d’Addis-Abeba sont dans l’impasse : elles achoppent sur la question clé de la fiscalité. Dans le titre de la dernière proposition de texte, le terme « Accord » a disparu pour laisser place à « Plan d’action », afin d’éviter tout caractère juridiquement contraignant au document.

Cependant ce texte a finalement été rejeté et les négociations risquent de se poursuivre jusqu’à la dernière minute à Addis-Abeba.

En marge des négociations officielles, les États et les institutions internationales devraient annoncer des engagements de financement pour diverses initiatives de développement. Ces initiatives pourront certes apporter une contribution positive dans certains domaines, mais elles ne sauraient se substituer à la profonde réforme des structures et mécanismes financiers internationaux que ce sommet doit absolument engager.

L’absence de texte définitif permet encore d’espérer que cette conférence aboutira à des avancées. Cela nécessitera une audace et un courage qui semblent faire défaut parmi les pays développés, dont les dirigeants brillent par leur absence. François Hollande a finalement renoncé à s’y rendre : la France devrait notamment y être représentée par Laurent Fabius, qui sera présent lundi 13 Juillet après-midi.


[i]EURODAD http://www.eurodad.org/files/pdf/55379eda24d40.pdf

[ii] PPP 2005, Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde : http://data.worldbank.org/indicator/PA.NUS.PPP.05

[iii]EURODAD : http://www.eurodad.org/Entries/view/1546318/2014/12/17/2-lost-for-every-1-dollar-gained-the-single-fact-that-shows-how-the-global-financial-system-fails-developing-countries

Auteur(s) du rapport

Oxfam International