Santé maternelle au Bénin : « On ne peut pas se défausser »

En 2008, les journalistes Gladys Marivat et Cyrielle Stadler réalisaient un reportage inédit sur les conditions de vie de mères retenues prisonnières dans des hôpitaux au Bénin faute d’être en mesure de rembourser les frais de leur accouchement. Deux ans après cette enquête, Gladys Marivat fait le point sur la situation, pour Oxfam France.

Ce reportage mettait en lumière un paradoxe : dans ce pays politiquement stable et pacifié, des femmes continuent à vivre des situations dramatiques, directement liées aux enjeux de santé et au manque de moyens. Depuis, ce type de pratiques semble avoir disparu. Mais le plan national de gratuité des césariennes, promis en 2006 lors de l’élection du président Boni Yayi et lancé en 2008, peine à voir le jour. Il n’est encore appliqué que très partiellement. Des milliers de femmes continuent donc de s’endetter pour s’acquitter des 180 000 FCFA (275 euros) que coûte une césarienne, soit plus d’un tiers du revenu moyen annuel par habitant. <doc406|left>Oxfam France : Plus de deux ans après le tournage de ce reportage, la situation dans le domaine de la santé maternelle au Bénin a-t-elle évolué ? Gladys Marivat : Des kits de césarienne, dans le cadre du plan de gratuité des césariennes lancé en 2008, commencent à être distribués et des formations sont organisées pour le personnel de santé. Une césarienne sur quatre à l’hôpital de la mère et de l’enfant de L’Homel, à Cotonou, serait désormais effectuée gratuitement. Mais sur l’ensemble du pays, c’est encore très peu le cas. Dans la plupart des hôpitaux, il n’y a pas d’équipement et les patientes doivent donc se rendre à Cotonou pour pouvoir en bénéficier. Le problème est complexe : il ne s’agit pas seulement d’un manque d’argent pour les soins au moment de l’accouchement mais aussi lors du suivi des grossesses. De nombreuses femmes s’adressent à des charlatans et mettent leur vie en danger. Cela provoque de nombreux problèmes au cours des grossesses et nécessite, ensuite, un plus grand nombre de césariennes, pourtant dix fois plus coûteuses qu’un accouchement par voie basse. Sur ce point, la situation a peu évolué. Il y a une vraie volonté de changer la donne. Mais faute d’argent, les problèmes perdurent. OF : Dans votre reportage, le ministre de la Santé de l’époque, qui venait de lancer la campagne sur la gratuité des césariennes, se demande pourquoi cette politique de gratuité des soins n’a pas été initiée plus tôt. En effet, pourquoi ? GM : C’est sans doute parce qu’on trouve toujours d’autres priorités… Ces dernières années, l’Afrique de l’Ouest a été durement frappée par la crise économique, par la hausse du prix du carburant, par des catastrophes naturelles… Comme ailleurs, on a tendance à affecter le budget à d’autres priorités que la santé et l’éducation, des domaines jugés moins urgents. En 2008, le ministre a donc voulu changer cette façon de faire et s’est dit : c’est maintenant ! La volonté est donc là, mais le projet est colossal. OF : Au vu de votre reportage, le Bénin semble pourtant bénéficier d’infrastructures sanitaires, d’un système de santé organisé, de services sociaux. Ce pays a-t-il vraiment besoin d’aide pour faciliter l’accès aux soins gratuits pour tous ? GM : Il existe en effet un système de sécurité sociale mais qui n’est accessible qu’aux fonctionnaires, soit environ 5% de la population du Bénin. A long terme, le gouvernement souhaiterait élargir ce système à l’ensemble de la population, mais il n’en a pas les moyens pour le moment. Il y a aussi des services sociaux, mais leur rôle et leurs moyens sont limités. Les listes d’attente des personnes « démunies » sont impressionnantes et les aides ne sont accordées qu’au compte-gouttes et a posteriori. Les femmes doivent avancer les frais et cela ne change donc rien à leur situation. Quand elles n’ont pas d’argent, elles ne consultent pas ou s’adressent à des officines privées peu scrupuleuses. Une vraie prise en charge devrait donc se faire a priori. Par ailleurs, les services sociaux ont un budget restreint qui sert à la fois à payer les salaires et à verser les aides. OF : La France et les pays européens ont-ils un rôle à jouer ? GM : Avec un pays comme le Bénin qui a déjà initié une politique d’accès gratuit aux soins et manifeste clairement la volonté d’y parvenir, on n’a vraiment aucune excuse ! On ne peut pas se défausser. Au Bénin, comme dans d’autres Etats, il y a un système organisé, du personnel médical, une vraie politique de santé. Il serait donc possible d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Mais ce qui manque, ce sont les moyens. Il y a déjà d’importants partenariats entre la France et le Bénin, notamment dans la formation du personnel de santé, mais une aide conséquente pourrait enfin changer la donne. – signer la pétition en faveur de l’aide pour la santé maternelle|Non-assistance à mère en danger – PétitionVidéo : reportage sur la santé maternelle au Bénin, par Gladys Marivat et Cyrielle Stadler – Plus d’infos sur le site santepourtoutes.org|Non-assistance à mère en danger – Site de la campagne <doc405|center> </doc405|center></doc406|left>