Unitaid : 5 ans de financement innovant

A l’occasion des 5 ans d’UNITAID, un tour d’horizon s’impose pour en savoir plus sur cet organisme, son mode financement et son action en matière de santé publique. Décryptage en 5 questions-réponses à Marame Ndour, responsable de plaidoyer Services essentiels-Santé chez Oxfam France.

Quelle est la raison d’être d’UNITAID ? UNITAID a été lancé en septembre 2006, à l’initiative du Brésil, du Chili, de la France, de la Norvège et du Royaume-Uni. La mise en place de cette « facilité internationale d’achat de médicaments » pour les pays en développement avait deux objectifs : _ – réduire les prix, améliorer la qualité et la disponibilité des médicaments contre le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose dans les pays à faible revenu. _ – encourager l’innovation notamment en travaillant sur l’impact négatif des brevets sur l’accès aux médicaments. Car d’une part, le système actuel des brevets pharmaceutiques maintient le prix des nouveaux médicaments à un niveau élevé, ce qui rend ces médicaments pourtant essentiels inaccessibles aux plus pauvres. D’autre part, les laboratoires pharmaceutiques ne sont absolument pas incités à innover pour les populations à faible pouvoir d’achat.

“D’après l’OMS, plus de 4 millions de personnes meurent chaque année du sida,
du paludisme et de la tuberculose. ”

Depuis 2006, UNITAID a engagé plus d’un 1,5 milliard de dollars pour soutenir 20 projets dans 94 pays. UNITAID fait appel à un mode de financements innovants… Pour financer UNITAID, une taxe sur les billets d’avion a été mise en place dans huit pays (sur les 28 membres d’UNITAID) et représente environ 70% de son budget. _ Dans le contexte actuel, la taxe de solidarité sur les billets d’avion constitue un bon point de départ pour dégager des financements pour la santé. Il s’agit d’un mécanisme de financement durable, prévisible et additionnel. C’est une source supplémentaire de financements pour lutter contre des maladies qui tuent chaque année des millions de personnes, alors que les traitements existent ! _ Cependant une des limites de cette initiative réside dans le fait que la France fournit environ 80% de ce financement et demeure ainsi le principal contributeur aussi bien par le biais des fonds collectés par la taxe que pour les contributions faites en tant que donateur. Quel est le bilan d’UNITAID après 5 ans ? Après 5 ans, le bilan est encourageant surtout dans des domaines importants et relativement peu investis comme la prévention de la transmission mère-enfant et la diffusion des antirétroviraux pour enfants. UNITAID est par exemple l’organisme qui finance le plus les médicaments à usage pédiatrique contre le VIH/sida : dans le monde, sur 10 enfants séropositifs qui bénéficient d’un traitement anti-VIH, 8 le reçoivent d’UNITAID. Pour ce qui est des adultes séropositifs, depuis sa création, UNITAID a contribué à la mise sous traitement d’un million de personnes, sachant qu’environ 10 millions de séropositifs demeurent encore sans traitement. En outre, l’action d’UNITAID a permis de réduire de 53% le prix des traitements de 2nde ligne. Un patient n’ayant pas été traité auparavant pour une maladie donnée recevra un traitement de 1ère ligne. En cas d’échec de ce traitement, il doit être orienté vers un traitement de 2nde ligne plus innovant et beaucoup plus onéreux. contre le VIH/Sida. _ Pour lutter contre le paludisme, 20 millions de moustiquaires imprégnés d’insecticide longue durée ont été distribués dans 8 pays d’Afrique et 32 millions de traitements antipaludiques innovants ont été mis à disposition dans 22 pays d’Afrique et d’Asie. Contre la tuberculose, 1,7 millions de traitements pour adultes et 950 000 traitements pédiatriques ont été fournis via UNITAID dans 22 pays à revenu faible et intermédiaire. Qu’est-ce que le Medicines Patent Pool ? En 2010, afin d’agir sur l’impact négatif des brevets sur l’accès aux médicaments, UNITAID a créé une autre initiative le Medicines Patent Pool (Communauté de brevets pour les médicaments) qui est désormais une entité indépendante. En plus de faire baisser le prix des médicaments récents grâce à une concurrence accrue, le Medicines Patent Pool a pour vocation de stimuler l’innovation et la mise au point de médicaments mieux adaptées aux besoins des patients des pays en développement. _ Les laboratoires pharmaceutiques détenteurs de brevets lui octroient volontairement une licence en échange de redevances, licence qui permet à des fabricants de génériques de produire et de proposer à des prix plus abordables des médicaments récents et plus efficaces. Ainsi, sans attendre l’expiration du brevet, ces médicaments peuvent être mis à la disposition des malades dans les pays en développement. Toutefois, pour l’instant, seuls deux contrats de licence ont été signés et UNITAID doit convaincre d’autres laboratoires disposant des brevets qui l’intéressent de rejoindre le Patent pool. En 2010, les Instituts nationaux de santé des Etats-Unis (NIH) ont été les premiers à octroyer au Medicines Patent Pool leur brevet sur le darunavir, un antirétroviral innovant. En juillet 2011, Le laboratoire pharmaceutique américain Gilead, l’un des principaux fabricants d’antirétroviraux a signé un contrat de licence portant sur 4 antirétroviraux et leur combinaison (Quad). Cet accord de licence reste pourtant insatisfaisant dans la mesure où sa portée géographique est limitée excluant de fait certains pays à moyen revenuLes versions génériques du tenofovir et de l’emtricitabine pourront être commercialisées dans 111 pays, celles du cobicistat dans 102 pays, et celles de l’elvitegravir et du Quad dans 99 pays seulement.]. Quels sont les futurs enjeux pour UNITAID ? Il faut rester vigilant à ce qu’UNITAID reçoive un financement continu, stable et prévisible en élargissant le nombre de pays qui mettent en place la taxe de solidarité ainsi que le nombre de donateurs. _ La fragmentation des initiatives internationales en santé et l’efficacité de l’aide apportée par UNITAID doit aussi être au cœur de nos préoccupations : _ – UNITAID doit davantage renforcer sa collaboration et à agir en cohérence avec d’autres acteurs traditionnels et nouveaux présents dans le champ de la santé globale tels que l’OMS, l’UNICEF et le fonds mondial. _ – UNITAID doit continuer à investir en priorité dans des innovations adaptées aux besoins des patients et utilisées en accord avec les conditions de traitement des pays en développement. _ – Enfin, étant donné que les interventions d’UNITAID sont censées être limitées dans le temps, il faudra penser à assurer pour chaque projet la transition et la durabilité. _ Sur la question de brevets, le défi à venir sera d’obtenir des conditions non restrictives dans les futurs contrats signés par le Medicines Patent Pool et d’inciter d’autres laboratoires à rejoindre le Pool pour que davantage de médicaments soient développés et que plus de pays puissent en bénéficier. _ Enfin, il est temps de songer à élargir ces actions à d’autres pathologies qui affectent les pays en développement. Selon l’OMS, sur les 35 millions de décès causés dans le monde par des maladies non infectieuses (maladies cardiovasculaires, cancer, diabète…) 80% surviennent dans les pays à faible et moyen revenus.

Aller plus loin

– Lire également notre dernier communiqué de presse sur la conférence des donateurs de Gavi, alliance pour la vaccination et l’immunisation. En juin dernier, le travail de plaidoyer d’Oxfam France et de MSF entre autres) a permis d’obtenir de l’UNICEF, premier fournisseur en vaccins de GAVI, la transparence en matière de prix. –  _ Oxfam a siégé au conseil d’administration d’UNITAID, en tant que représentant de la société civile (siège tournant) et mène un travail de plaidoyer auprès d’UNITAID. – Unitaid et la société civile, note d’information disponible sur le site de la confédération Oxfam.