Comment le Covid-19 a rendu le travail des humanitaires plus difficile

Par Nigel Timmins – Humanitarian Director, Oxfam International

 

« Ce qui rend l’humanitaire si spécial, ce n’est pas le travail. C’est le choix, le choix d’aider les autres, même  si cela signifie un sacrifice personnel. »

 

La Journée mondiale de l’aide humanitaire est l’occasion de rappeler et d’honorer la vie du personnel et des partenaires qui sont quotidiennement confrontés aux périls qui existent dans le contexte d’une réponse humanitaire. La perte de collègues à cause de la violence qui parfois les vise directement est tristement familière.

L’année dernière, la base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires (AWSD) de l’organisation Humanitarian Outcomes a enregistré 277 incidents contre des travailleurs humanitaires, le nombre le plus élevé en 10 ans. Ce mois-ci, nous avons toutes et tous été profondément dévasté-e-s d’apprendre l’attaque contre des collègues d’ACTED au Niger, et Oxfam pleure toujours la perte de deux de nos collègues en Syrie au début de cette année.

À la violence peut s’ajouter à la maladie. Ce qui rend cette année 2020 encore plus difficile pour les humanitaires, c’est la façon dont le COVID-19 a aggravé les menaces. Les professionnels de la santé et d’autres champs s’exposent sciemment à un plus grand risque dû à la maladie, afin d’aider les autres. Pour Insecurity Insight, organisation basée à Genève qui examine et collecte des données sur la sécurité dans des contextes dangereux, plus de 265 incidents violents liés au coronavirus ont été signalés, dont certaines attaques contre des professionnels de la santé, guidées par la crainte que ces derniers propagent le virus

Nous avons également vu du personnel sanitaire et des militants de droits humains devenir la cible d’attaques de la part des gouvernements, pour avoir contesté ou remis en cause   les chiffres officiels de l’infection ou la gestion de pandémie par ces gouvernements. À une époque où la transparence et le partage des données sont le meilleur moyen pour l’humanité de « vaincre » les maladies transmissibles, nous avons assisté à la politisation de la vérité, à tel point que de nombreux citoyens ne savent plus à qui faire confiance.

Lire les dernières statistiques des travailleurs humanitaires tués, kidnappés ou attaqués, lire les histoires personnelles de perte peut être désespérant. Mais ces collègues et membres de la communauté humanitaire sont notre inspiration. Ce qui rend l’humanitaire si spécial, ce n’est pas le travail. Ce n’est pas l’organisation. C’est le choix. Le choix de faire quelque chose, d’aider les autres, même si cela signifie un sacrifice personnel.

L’acte de s’engager en tant que travailleur humanitaire est coûteux. C’est ce qui rend ces personnes spéciales, parce que nous reconnaissons en eux la volonté de payer le prix, de se donner aux autres, sans rien attendre en retour. La grande majorité de l’aide humanitaire et des soins est fournie par les populations locales, plus particulièrement par les femmes.

Ainsi, en ce jour, nous honorons les collègues d’Oxfam, le personnel des organisations locales et nationales et les innombrables inconnu-e-s, qui sont en première ligne de l’action humanitaire et de la réponse COVID, leur engagement et leur courage face à ces défis énormes.

Chaque jour, partout dans le monde, des femmes et hommes issues des communautés locales assument des tâches extraordinaires pour aider les personnes dans le besoin. Que ce soit ceux qui se sont précipités vers les bâtiments effondrés et dangereusement fragiles le 5 août à Beyrouth pour aider à extraire les autres des décombres ; les femmes qui lavent et nourrissent, inaperçues, les malades de leur communauté ; les médecins et les infirmières qui marchent dans les zones de forte infection pour traiter les patients ; les militants des organisations de défense de droits humains qui se lèvent en public, conscients des représailles qui peuvent survenir, pour pousser au changement là où un changement est nécessaire. Ce sont ces actes qui nous inspirent et nous incitent à agir.

À l’occasion de la Journée mondiale de l’aide humanitaire, prenons un moment pour faire une pause et reconnaître la douleur et la perte de tant de personnes au service des autres. Continuons de travailler pour que les choses soient différentes, avançons avec humilité et détermination, inspirées par le prix que nos collègues ont payé.