Gaza : Le premier des droits est la liberté de mouvement

Gaza, petite bande de territoire de 360 km2, 1,6 millions d'habitants. En sortir ou y entrer relève du parcours du combattant. Gisha, organisation israélienne dont le nom signifie à la fois "accès" et "approche", lutte pour la liberté de mouvement des Palestiniens et la circulation des biens. Tania Hary, direction des relations internationales de Gisha, était à Paris en juin, l'occasion d'en savoir plus, en trois questions, sur ce partenaire du réseau Oxfam.

 

Quelle est l'action de Gisha sur les territoires palestiniens occupés ?

Pour nous, la liberté de mouvement est un préalable essentiel à l'accès aux autres droits humains, comme l'éducation, la santé, le développement.
Gisha mène essentiellement deux types d'action :

  • Nous fournissons une assistance juridique aux personnes qui veulent voyager ou transporter des biens : si leurs permis leur sont refusés par les autorités militaires, nous les aidons à faire appel, en allant s'il le faut jusqu'à la Cour suprême.
  • Nous menons des actions de plaidoyer, vis-à-vis des décideurs et des médias pour essayer de faire bouger les lignes.

Comme les citoyens israéliens n'ont pas le droit d'aller à Gaza, nous sommes basés à Tel-Aviv, mais nous avons un salarié sur le terrain, ce qui nous permet d'avoir un lien direct avec la population de Gaza. Certains nous connaissent grâce au bouche-à-oreille ou par les médias, d'autres nous sont adressés par des associations palestiniennes qui travaillent sur le terrain, ou d'autres ONG, comme Oxfam, avec qui nous collaborons depuis le début du blocus de Gaza, en 2007. Au départ, la coopération avec Oxfam s'est faite de façon informelle, puis nous avons tenu des conférences de presse communes, sur l'impact économique du blocus. Depuis, nous menons de front des projets de plaidoyer et de campagne, et travailler avec Oxfam nous permet de porter nos messages à l'international, auprès d'un public plus large et d'un nombre plus important de décideurs.

La collaboration et la solidarité entre ONG qui travaillent dans les territoires palestiniens sont très fortes, et c'est un aspect important pour bien faire passer notre message, notamment dans l'opinion publique israélienne, qui, globalement, est très attachée aux droits humains et à la démocratie, mais qui a parfois du mal à comprendre et à admettre nos actions et nos positions.

Fin avril, le Hamas et le Fatah ont annoncé leurs réconciliation, peut-on espérer que la situation des Gazaouïs s'améliore suite à cet accord ?

Depuis la création de Gisha, en 2005, nous étudions les restrictions de circulation. Les conditions de circulation se sont durcies avec le blocus, mais les restrictions existaient déjà.

Quand Israël a décidé d'instaurer le blocus en 2007, l'Etat a donné plusieurs arguments : la prise de pouvoir du Hamas et les luttes entre les deux pouvoirs palestiniens, l'enlèvement du soldat Gilad Shalit, les attaques de roquettes sur Israël… Si maintenant, Hamas et Fatah se reconnaissent mutuellement et travaillent ensemble, c'est un argument qui tombe, un obstacle de moins, mais le blocus n'est pas levé pour autant et nous restons très préoccupés par la situation.

Malgré tout, si je n'étais pas optimiste, je ne ferais pas ce travail, et pour moi, les choses bougeront à force d'attention portée à cette question du blocus, à force de démontrer que c'est un échec sur le plan moral bien sûr mais aussi en termes d'efficacité au regard des objectifs d'Israël pour justifier ce blocus. Mais en attendant, nous ne devons pas oublier son impact sur le terrain et les besoins des deux peuples.

Et les "printemps arabes" ? Sont-ils porteurs d'espoir ?

Liberté, démocratie, droits de l'Homme… Ce sont de grands concepts, dont il est souvent difficile de parler de façon concrète dans la région. Là ils ont pris une réalité. Les processus politiques se font habituellement à tout petits pas, et avec ces révoltes, le rythme c'est accéléré. J'espère que grâce à ces « printemps arabes », la jeunesse ne sera plus vue comme une menace, mais plutôt comme l'avenir de ces pays et de la région.

Comment agir ici pour avoir un impact ?

Ah… Si j'avais la réponse à cette question, le blocus n'existerait plus !

Beaucoup de choses sont dites et écrites sur les territoires palestiniens occupés et Israël, beaucoup de voix se font entendre sur le sujet. Nous, nous essayons d'interpeller sur le fait que le blocus a des conséquences économiques, qu'il est une atteinte aux droits des populations et qu'à long terme, il n'apportera rien à Israël. Etre bien informé, pouvoir faire passer nos messages intelligemment, de manière claire et précise, c'est déjà une première forme d'action. Israël se perçoit comme un cousin proche de l'Europe, les liens culturels, affectifs mais aussi économiques sont très forts. Les positions des pays européens, ce qu'ils disent et comment ils le disent ont du poids. Par exemple, l'Europe est un bailleur important des Palestiniens, et outre l'aspect financier, ça revêt aussi un caractère symbolique.

Rappelons aussi que le blocus gêne le travail des organisations sur place. Les citoyens européens peuvent faire pression sur leurs gouvernements pour que ceux-ci s'inquiètent de l'efficacité de l'aide qu'ils versent. Les dirigeants européens devraient s'exprimer sur les restrictions imposées. Quelque part, c'est l'argent des contribuables ici !

Vidéo Les bobines de Gaza – Gisha