Gaza : Les fermiers en danger dans les « zones d’accès restreint »

Un tiers des terres les plus fertiles de Gaza se situe dans les "zones d’accès restreint", où la liberté de circulation des Palestiniens est limitée par le gouvernement israélien. La multiplication des incidents ces derniers mois dans cette « zone tampon », qui s’étend parfois jusqu’à 1km à l’intérieur de la bande de Gaza, a de graves conséquences pour les fermiers qui dépendent de ces terres, comme Khalil Ibrahim Jendiya.

Cultiver à Gaza reste dangereux

En mai 2013, l’armée israélienne a brûlé une grande partie du champ de blé et de la dernière récolte de Khalil. Ces derniers mois, des coups de feu ont été tirés contre des fermiers, des civils et des manifestants dans les zones d’accès restreint, forçant les fermiers à quitter leur terre. Dans les premiers mois de 2014, on a recensé au moins 81 incidents au cours desquels l’armée israélienne a ouvert le feu. De nombreuses personnes ont été blessées ou tuées.

Même quand Khalil peut se rendre sur sa terre, le manque d’eau pose un énorme problème aux fermiers de Gaza. "La plupart des puits ont été détruits par l’armée israélienne lors d’incursions et d’opérations militaires, nous laissant sans eau pour irriguer nos terres". Khalil n’a d’autre choix que de compter sur l’eau de pluie pour irriguer ses récoltes, ce qui est beaucoup moins rentable.

Khalil possède un puit à faible capacité près de sa maison, à environ 1000 mètres de la barrière de séparation. Mais il ne peut pas se permettre d’acheter un système d’irrigation pour le connecter à sa terre. "J’ai pensé à emprunter l’argent à des amis pour l’installer, mais l’armée israélienne le détruira comme elle l’a fait pour mes champs, et je finirai couvert de dettes impossibles à rembourser." On rapporte que plus de 300 puits ont été démolis par l’armée israélienne dans les zones d’accès restreint depuis l’année dernière. "Il reste dangereux d’investir dans notre propre terre", affirme Khalil.  

Quand il ne peut pas cultiver, Khalil part à la recherche de travail dans Gaza, avec sa charrette attelée à un âne. Mais il parvient difficilement à joindre les deux bouts et à pourvoir aux besoins d’une famille étendue de 13 personnes. « Mes enfants ont grandi et leurs besoins ont augmenté. Je ne suis pas capable de leur assurer une vie digne. »

La situation à Gaza en quelques chiffres

  • Plus de civils palestiniens ont été blessés par des actions militaires israéliennes au cours des trois premiers mois de 2014 que pendant toute l’année 2013 (101 contre 83). 11 Palestiniens ont aussi été tués, comparé au même nombre pour toute l’année 2013. Aucune victime israélienne n’a été recensée sur cette même période. La mi-mars a marqué l’escalade de violence la plus sérieuse depuis le cessez-le-feu de novembre 2012. En mars, le nombre d’attaques aériennes israéliennes sur Gaza (33) et de tirs de roquettes par des groupes armés palestiniens sur Israël (78) a atteint son niveau mensuel le plus élevé depuis plus d’un an.

  • La quantité de marchandises entrant à Gaza par Israël a chuté à son plus bas niveau depuis avril 2013, 4606 camions en mars, soit à peine plus d’un tiers des niveaux d’avant le blocus.

  • En mars, 1182 camions transportant du matériel de construction, pour des projets commerciaux comme pour des projets humanitaires, ont été autorisés à entrer dans Gaza. Avant le blocus, plus de 5400 camions entraient chaque mois dans Gaza, soit 4,5 fois plus qu’aujourd’hui.

  • L’importation des matériaux les plus critiques pour un usage commercial – comme le ciment, les agrégats, les barres en acier – est toujours interdit. Plus de 7500 tonnes de matériaux par jour entraient à Gaza par les tunnels venant d’Egypte. Avec la fermeture de la plupart des tunnels en juillet 2013, les matériaux de construction basiques sont aujourd’hui presque inexistants sur le marché et très onéreux : le coût du ciment est environ quatre fois plus élevé qu’avant la fermeture des tunnels. L’effondrement du secteur de la construction de Gaza a été un facteur majeur de l’augmentation du chômage, aujourd’hui à 41,5%. On recense près de 11 000 emplois perdus dans le secteur depuis le début de l’année 2013.
  • Les pénuries de carburant continuent de paralyser la fourniture des services essentiels. Les unités de désalinisation de l’eau ont réduit leurs niveaux d’opération de 40% depuis le début de l’année 2014, selon le cluster WASH de Gaza. 95% de l’eau potable à Gaza n’est pas conforme aux standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 300 machines médicales dans les hôpitaux de Gaza, dont la seule machine IRM, sont hors service selon l’OMS.