Au coeur de la tourmente, le combat des femmes déplacées au Burkina Faso

Dans le nord et l’est du Burkina Faso, des groupes armés ont dévasté des villages faisant fuir
plus de 750000 personnes au cours de la dernière année principalement. La plupart ont fui vers les centres urbains où ils se sentent en sécurité, mais aussi où les ressources étaient
déjà rares. Parmi ces personnes déplacées, il y a des femmes. Beaucoup de femmes. Des femmes en première ligne, qui luttent pour leur survie, celle de leurs enfants et de leurs communautés.

Dans la fuite, elles ont tout perdu : leur maison, leur travail, leurs rêves et souvent même des proches ou leur mari, leur frère, tué ou enlevé. Plusieurs sont victimes de violence, de viol.

Dans deux sites de personnes déplacées dans la province de Sanmatenga, nous avons rencontré deux d’entre elles : Mariam* à Kaya et Fatoumata* à Pissila. Deux mères survivantes qui, tous les jours, la peur au ventre, avec peu de moyens et quasiment sans eau, trouvent le courage d’avancer. Pour leurs enfants surtout.

Et puis il y a Huguette, une ingénieure en eau et assainissement qui est venue les soutenir.  Pour ces trois battantes au cœur de la crise, la Journée internationale des femmes sera une autre journée de combat pour la survie de leurs familles.

Mariam, contrainte de laisser son rêve de faire des études derrière elle

Mariam, 25 ans et mère d’un enfant, a fui son village près de Dablo, au Centre-Nord du Burkina Faso en laissant derrière elle l’ambition d’une vie : terminer ses études.

Mariam a été contrainte de fuir son village pour échapper aux violences. Elle fait désormais partie des 750 000 déplacés internes au Burkina Faso. Crédit : Sylvain Cherkaoui / Oxfam
Mariam a été contrainte de fuir son village pour échapper aux violences. Elle fait désormais partie des 750 000 déplacés internes au Burkina Faso. Crédit : Sylvain Cherkaoui / Oxfam

Mon rêve c’était d’avoir le bac. Je suis devenue mère au lycée mais je me suis accrochée et je suis allée jusqu’en seconde, mais en avril ils ont fermé l’école à cause de l’insécurité et il n’y a plus jamais eu cours. Je n’ai pas voulu être une victime de plus. J’ai préféré fuir.

Sur un des sites de personnes déplacées de Kaya, elle côtoie plus de 2000 compatriotes qui se partagent le peu de ressources que les organisations humanitaires ont pu distribuer. Mais avec une augmentation de 1 200 pour cent de personnes déplacées en une année, les ressources ne suffisent plus.

Avec son bébé à charge, Mariam est confrontée à la réalité du quotidien difficile :

«Je dois rationner le repas du midi si je veux qu’il reste quelque chose à manger le soir. Il n’a y pas de bois de chauffe pour cuisiner et j’ai peur en tant que femme quand je dois aller en chercher dans la brousse, je ne me sens pas en sécurité.»

Pour survivre, Mariam essaie de faire la lessive en ville dans des familles, ou de piler le milou le sorgho pour quelques sous.

«A l’heure où je vous parle, nous avons besoin de tout, d’eau, de nourriture, d’abris.»
Mariam a été contrainte de fuir son village pour échapper aux violences. Elle fait désormais partie des 750 000 déplacés internes au Burkina Faso. Crédit : Sylvain Cherkaoui / Oxfam

Fatoumata, une vie paisible détruite par la violence

Fatoumata a 31 ans et est mère de cinq enfants. Elle a fui la violence des groupes armés qui se sont emparés de son village, à quelques kilomètres seulement du site de Pissila où elle a trouvé refuge avec sa famille. Au village, Fatoumata vivait paisiblement.

Sawadogo Fatoumata sur le site de Pissila près de Kaya.
Sawadogo Fatoumata sur le site de Pissila près de Kaya.
«Je faisais l’agriculture et l’élevage. En saison sèche,je cultivais les feuilles et les tomates.»

Mais Fatoumata a tout perdu en fuyant pour sauver sa vie. Par désespoir, elle a essayé de retourner à la maison chercher son matériel mais elle a été confrontée à la violence des groupes armés qui ont battu sa mère sous ses yeux.

«Depuis l’agression au village, je suis terrorisée, je ne dors plus la nuit, je suis traumatisée, la peur ne me quitte plus. Ma pauvre mère ne sort plus et a dit que jamais plus elle ne retournerait là-bas.»

Sur le site de Pissila, Fatoumata a reçu un peu d’aide alimentaire qui ne suffit pas et un kit d’hygiène. Mais sous le soleil sahélien brûlant, l’accès à l’eau reste le principal défi. 

«Si je pars chercher l’eau à 7h du matin, je dois faire la queue sous le soleil jusqu’à midi minimum et le peu d’eau collectée ne permet même pas de répondre au besoin de ma famille pour la journée. Tous les jours je dois revivre ça.»

Huguette consacre sa vie à apporter une aide humanitaire aux femmes contraintes de fuir

Huguette Yago est ingénieure en eau et assainissement pour l’Association pour la gestion de l’environnement et le développement (AGED), un partenaire d’Oxfam. Elle supervise huit animateurs qui interviennent chaque jour sur le site de Pissila, sensibilise les personnes déplacées sur l’hygiène, et a mis en place des groupes de volontaires parmi les personnes déplacées qui entretiennent les latrines.
Huguette, ingénieure en eau et assainissement, soutient les femmes déplacées du Burkina Faso, sur le site de Pissila. Crédit : Sylvain Cherkaoui / Oxfam
Huguette, ingénieure en eau et assainissement, soutient les femmes déplacées du Burkina Faso, sur le site de Pissila. Crédit : Sylvain Cherkaoui / Oxfam
“Chacun connaît son travail, on a 3 séances de sensibilisation par semaine et le comité d’hygiène composé de volontaires prend le relai”.

Huguette a toujours voulu travailler dans l’humanitaire et elle se sent dans son travail mais les conditions sont difficiles, surtout pour les femmes. 

«Les femmes disent que pendant leurs règles elles n’ont pas de pagnes, de tampon. Même le savon manque.»
Huguette de AGED sur site de Pissila près de Kaya

«Sans eau, on ne peut rien faire et toutes les tentatives de forage jusqu’ici n’ont rien donné. Il n’y a pas de mystère, pour qu’il y a ait de l’hygiène, il faut qu’il y ait de l’eau.»

Dans ce contexte de grande fragilité, le risque d’épidémie est très important et aurait des  conséquences désastreuses dans ces zones où vivent des milliers de personnes vulnérables  et où les services de santé sont débordés et souvent trop chers pour ceux qui ont tout perdu dans leur fuite.

Huguette interpelle aussi sur le manque d’habits, de chaussures, sur le problème d’accès aux soins.

«Ces familles ont besoin d’une aide afin de pouvoir subvenir aux besoins pressants du quotidien, acheter du bois de chauffe pour pouvoir cuisiner, acheter des condiments ; personne ne devrait avoir à survivre comme cela.»

Répondre à l’urgence humanitaire au Burkina Faso

Pour Mariam, Fatoumata et Huguette, comme pour les milliers de femmes déplacées et intervenantes du Burkina Faso, les ressources doivent augmenter drastiquement pour venir au secours de 2,2 millions de personnes avant la fin de l’année.

Et avec les charrettes, motos et tricycles qui déversent quotidiennement de nouvelles vagues de personnes déplacées, bientôt le courage ne suffira plus. Il y a urgence.