Oxfam au Liban : répondre aux situations d’urgence et se mobiliser contre les inégalités et la pauvreté

Témoignage de Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, à la suite d’un déplacement au Liban du 14 au 18 avril 2019, avec Vincent Truelle, Président d’Oxfam France, et Bastien Lacolley, chargé du plaidoyer humanitaire.

La guerre en Syrie a débuté en mars 2011, et donne lieu depuis bientôt 8 ans maintenant, à une véritable tragédie humaine pour la population syrienne. On dénombre selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, plus de 350 000 morts en 7 ans dont près d’un tiers de civils ; et plus de 3 millions de blessés.

En sept ans, le conflit a également fait 6,1 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie et 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins de la région dont le Liban, la Jordanie, l’Irak et la Turquie, selon les données du HCR.

« Au Liban, près d’un million et demi de personnes ont trouvé refuge avec d’importantes répercussions humaines, sociales, économiques et politiques. Le Liban est un pays fragile, victime de multiples crises internes et régionales : Oxfam y est implanté depuis 1993, et ses équipes sur le terrain ont pour mission principale de soutenir les populations vulnérables et la société civile libanaise. Oxfam au Liban bénéficie du soutien d’Oxfam France pour relayer ses messages auprès des autorités françaises et de la société civile.

Le Liban est le pays qui affiche la plus forte densité de réfugiés au monde

Source : BCAH ONU
Le Liban, qui compte un peu plus de 4 millions d’habitants, a vu sa population augmenter de 30 % : environ d’1,5 million de réfugiés seraient arrivés de Syrie et viennent s’ajouter aux 175 000 réfugiés de Palestine déjà présents dans le pays. Ce petit Etat pluraliste affiche donc la plus forte densité de réfugiés au monde soit environ un habitant sur quatre. Ces chiffres sont particulièrement flagrants quand on les compare avec le nombre de réfugiés accueillis en France et en Europe au cours des dernières années.

Me rendre au Liban m’a permis de mesurer l’évolution des contraintes auxquelles font face les Libanais et les réfugiés syriens depuis plus de huit ans.

J’y ai été témoin du travail remarquable effectuée par nos équipes en collaboration avec des partenaires nationaux pour apporter une aide humanitaire aux personnes les plus vulnérables dans la vallée de la Bekaa à l’Est tout en menant également des programmes à long terme dans les domaines du développement économique, des services publics et des droits des femmes dans la région de Tripoli au Nord.

En zone rurale, et notamment dans les campements informels de la vallée de la Bekaa, Oxfam apporte une aide dans le domaine de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène ainsi que différents services de protection. En 2019, nous fournissons de l’eau potable en qualité et en quantité suffisantes à près de 15 000 réfugiés syriens mais également des équipements et des services sanitaires appropriés, dont la construction et la vidange de latrines et l’acheminement de conteneurs pour déchets solides. Ces travaux sont mis en œuvre en partenariat avec les communautés hôtes libanaises et les municipalités.

Crédit photo Sahar Elbachir

Des programmes pour la résilience des réfugiés

En parallèle de ce travail d’urgence et afin de répondre dans le long terme à la crise multidimensionnelle à laquelle fait face le Liban, Oxfam mène également des programmes à long terme dans les domaines du développement économique, des services publics et des droits des femmes.

Nous nous attaquons en particulier aux questions de justice économique en soutenant les moyens de subsistance et la résilience des réfugiés de Syrie et de Palestine dont l’accès au marché du travail formel est limité ainsi qu’aux populations libanaises les plus vulnérables. Ces programmes renforcent la cohésion sociale dans ce pays instable.

Les tensions politiques et sociales prégnantes dans la société libanaise attestent de problèmes structurels dont les origines sont souvent antérieures à la crise syrienne. Partie intégrante de l’identité et des actions d’Oxfam, nous avons également à cœur d’influencer les autorités libanaises pour une plus grande redevabilité dans l’accès généralisé aux services publics de base tels que l’eau, l’électricité, l’éducation et la santé.

Un lien fort avec la société civile locale

Le renforcement de la citoyenneté et l’inclusion des femmes dans le débat public fait partie des axes prioritaires d’Oxfam : c’est ainsi que nous soutenons les associations locales engagées dans ce travail de renforcement de la gouvernance. C’est le cas de l’organisation UTOPIA, que j’ai rencontrée à Tripoli et qui développe une approche de la citoyenneté active fondée sur les droits en mettant l’accent sur le rôle des femmes et des jeunes.

UTOPIA intervient depuis 7 ans auprès des communautés vulnérables dans la région nord de Tripoli et travaille en partenariat avec Oxfam depuis 2013. J’ai eu la chance d’assister à une rencontre entre une vingtaine de femmes syriennes et libanaises échangeant sur les méthodes à mettre en œuvre pour répondre  aux besoins prioritaires de leurs communautés. Une organisation comme UTOPIA joue un rôle essentiel car elle est proche des populations les plus affectées par ces inégalités croissantes. En donnant une voix à ces femmes, UTOPIA et Oxfam contribue à améliorer la mise en œuvre des services de base dans un contexte de saturation des services publics.

Collectivement, les groupes de femmes peuvent également soulever plus facilement les problèmes de protection auxquelles elles font face et notamment l’absence de statut juridique pour bon nombre de réfugiés, la question sensible du retour en Syrie alors que le pays ne réunit pas encore les conditions de sécurité nécessaires, les violences domestiques et basées sur le genre ou encore la  problématique cruciale de la scolarisation d’une génération entière de jeunes syriens.

Notre action au Liban illustre parfaitement le triple mandat d’Oxfam: répondre aux besoins des populations vulnérables par le biais de programmes d’aide humanitaire et de développement fondés sur les droits, tout en mobilisant la société civile pour conduire les décideurs à combattre les causes structurelles des inégalités et de la pauvreté. »