Témoignage : Vers une aide humanitaire plus locale

Quand on parle de programmes d’action humanitaire, on a tendance à penser à la réponse humanitaire d’urgence apportée à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit. Si cette réponse est vitale et un élément essentiel des programmes humanitaires menés par Oxfam, on ignore le plus souvent qu’elle s’accompagne d’un travail de long terme, généralement moins visible, mais essentiel pour anticiper les crises et y apporter des réponses efficaces.

Rencontre avec Maria Chalaux, Responsable humanitaire pour l’Afrique de l’Ouest à Oxfam.

Quel type de travail Oxfam mène-t- elle en amont des catastrophes humanitaires ?

Dans les pays où le risque de voir une crise se produire est le plus important, nous réalisons ce qu’on appelle un plan de contingence : nous commençons par identifier les risques auxquels les communautés peuvent être exposées, les zones à risques et les crises qui ont le plus de probabilités de se déclencher, puis nous préparons la stratégie de réponse adaptée pour chacun des scenarios identifiés. Ce travail se fait en impliquant les différents acteurs locaux. Il est fondamental pour pouvoir répondre de manière rapide et efficace à une crise. Dans le cas de crises soudaines notamment, comme une inondation, il faut être préparé pour apporter les réponses les plus appropriées sans perdre de temps. Au-delà de ces activités de préparation, nous travaillons également avec les populations les plus exposées pour les aider à réduire les risques et renforcer leurs capacités.

Avez-vous déjà pu observer des résultats ?

Au Burkina Faso, la gestion des trois crises majeures actuellement en cours (crise alimentaire, inondations et conflit intercommunautaire) a été beaucoup plus fluide et rapide après la définition et la mise en oeuvre des plans de contingence et de réponse, et l’implication des acteurs locaux a été majeure.

Quels sont le rôle et l’implication des acteurs locaux dans ces programmes humanitaires ?

Le rôle des acteurs locaux (institutions publiques, gouvernements) est au centre d’une profonde réflexion menée par les ONG internationales sur l’évolution de l’aide humanitaire. Le modèle actuel comporte en effet un rôle prédominant des ONG internationales dans la gestion des crises, avec une place marginale des acteurs locaux.L’objectif est d’aider les gouvernements locaux à être acteurs de la réponse humanitaire et à ne plus dépendre des pays riches. Finalement, ce sont les gouvernements de ces pays en crise qui ont le mandat pour apporter assistance et protection aux populations affectées.

Lors du Sommet humanitaire mondial de 2016, de nombreuses ONG, dont Oxfam, ont décidé de s’engager pour un changement de paradigme en adoptant la « Charte pour le changement ». L’objectif est de parvenir à rendre les gouvernements ainsi que les acteurs locaux humanitaires non étatiques (les ONG locales par exemple) plus autonomes, afin de leur permettre de prendre eux-mêmes en charge la gestion de ces crises, avec l’appui des ONG internationales si nécessaire. Cela passe nécessairement par un renforcement des capacités et du leadership des acteurs locaux.

Au Burkina Faso, en Mauritanie et en République centrafricaine par exemple, notre approche vise principalement le niveau local (communes rurales), considéré comme un vecteur de changement en mesure d’enclencher par la suite un changement de paradigme au niveau national. L’hypothèse est qu’en renforçant le leadership et les capacités des acteurs locaux, ceux-ci permettent une évolution au niveau national pour finalement en arriver au changement de paradigme.