Traité sur le commerce des armes : les bases sont posées !

Du 28 février au 4 mars, des délégations du monde entier se sont réunies pour le 2ème Comité préparatoire du Traité sur le commerce des armes. {{[Rima Chemirik->En-direct-de-New-York-du-12-au-23,776]}} et Nicolas Vercken, assistante et responsable de plaidoyer "Prévention des conflits et protection des populations" d'Oxfam France étaient sur place. _ Retour sur les importants progrès réalisés au cours de cette semaine et {{[les enjeux des négociations à venir->Traite-international-sur-le,1034]}}.

 

Ce fut une semaine intense : les gouvernements des quatre coins du globe ont exposé leur vision de ce à quoi devrait ressembler le traité final sur le commerce des armes. La participation d’un grand nombre d’Etats, de délégations nationales de plus en plus étoffées et avec des experts venant des capitales, ainsi que la présence de près de 70 représentants d’ONG en tant qu’observateurs sont des signaux qui ne trompent pas : le processus de négociation du traité est clairement sur les rails et tout le monde a conscience des enjeux majeurs autour de celui-ci, alors que dans à peine plus d’un an le texte du traité devra être finalisé. Malgré les postures précautionneuses de certains, il est clair qu’on est entrés dans le vif du sujet et que les négociations sur les termes même du traité ont bel et bien commencé ! _ L'Ambassadeur argentin Roberto Moritan, qui préside les négociations, va devoir compiler un large éventail de commentaires et équilibrer de façon subtile les différentes positions des Etats d’ici à la prochaine réunion de négociation, en juillet prochain. Si la majorité des Etats semble se diriger vers un accord global, les négociations ont été ponctuées de points de désaccords non négligeables qui ont, pour la plupart, été soulevés par un groupe d’Etats sceptiques, certes peu nombreux mais qui se sont fortement manifestés.

Qu'est-ce qui a changé ?

Parmi les éléments les plus importants, Roberto Moritan a élaboré en fin de semaine un nouveau ocument intermédiair qui établit un cadre préliminaire du futur traité, dans son ensemble, et propose des premiers éléments pour les chapitres suivants du traité : – Principes – Buts et objectifs – Champ d'application (les types d'équipements et les types de transferts concernés) – Critères d'évaluation d'un transfert d'armes – Mécanismes d'assistance et de coopération internationale, afin d'aider les Etats à remplir leurs obligations dans le cadre du nouveau traité

Qu'en pensons-nous ?

Ces documents constituent globalement de bonnes bases et contiennent e nombreux éléments soutenus par la coalition "Control Arms et considérés comme indispensables à la mise en œuvre d'un traité sur le commerce des armes efficace et solide. _ Le texte distribué par le président inclut notamment la prise en compte des Droits de l'Homme, du Droit international humanitaire et des conséquences sur le développement socio-économique, pour toute autorisation de transfert d'armes. L’Ambassadeur français Eric Danon a d’ailleurs bien défendu cette inclusion en précisant que "pour la France, par exemple, il est clair que l’impact possible en termes de violations du Droit international humanitaire, des Droits de l’homme ou d’atteinte grave au développement socio-économique doit rester une préoccupation centrale, en toute première priorité." _ De plus, les munitions, que plusieurs Etats, dont les Etats-Unis, refusaient de voir inclues, entrent – pour l’instant – dans le champ d'application. _ Parmi les inquiétudes, subsistent les questions autour de l'inclusion des transferts de technologie et des technologies de fabrication d'armes dans le traité. Exclure cela créerait une faille majeure dans le traité, en raison du nombre sans cesse croissant de nouveaux producteurs de différents types d'armes et de munitions dans le monde. Pour l’instant, de nombreux Etats – dont l’Union Européenne – se sont également opposés à la prise en compte dans le traité des activités de financement des transferts d’armes : il s’agit pourtant à notre sens d’un maillon essentiel de la chaîne de responsabilité. De même, l'absence de toute mention de la nécessité d'inclure les armes non militaires, et les armements utilisés par les forces de sécurité interne est inquiétante, comme l'ont rappelé les dernières répressions brutales en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Sur ce point en particulier, nous attendons encore un positionnement public clair de la France.

Nouveaux pays, nouveaux enjeux

Nous avons vu l'émergence de nouveaux enjeux intéressants et de nouveaux acteurs clefs dans la salle des négociations. Bahreïn, s'exprimant au nom du groupe des pays arabes, a reconnu l'importance des Droits de l'Homme et affirmé la volonté du groupe à participer de façon constructive et efficace aux travaux. Les négociations devraient, selon lui, prendre en considération le contexte régional qui voit des armes classiques utilisées pour réprimer les populations civiles sous occupation, détruire des maisons, ainsi que pour commettre d’autres actes illégaux à l’encontre de civils innocents. Les Etats arabes ont toutefois fait part de leur inquiétude de voir les critères des Droits de l'Homme, du Droit international humanitaire et du développement socio-économique, qui conditionnerait les décisions relatives aux transferts d'armes, utilisés de façon arbitraire à des fins politiques. _ Les deux principales puissances mondiales émergentes, l'Inde et la Chine, ont expliqué leurs positions, comme elles ne l'avaient encore jamais fait auparavant. Mais, fait inquiétant, elles réclament toutes deux un traité dont la portée serait limitée. L'Inde a soulevé plusieurs questions pertinentes sur la faisabilité et la mise en œuvre du traité. La Chine, quant à elle, a exprimé un soutien prudent à l'inclusion des Droits de l'Homme, à condition que ce critère ne soit pas politisé et qu'il ne s'applique que dans le cadre de conventions spécifiques signées par chaque pays.

Une victoire pour le développement

Il y a eu aussi de belles victoires pour celles et ceux d'entre nous qui souhaitent avoir un TCA qui réduira les conséquences du commerce irresponsable des armes sur le développement et sur le plan humanitaire. _ Nous avons enfin sur la table des éléments de langage forts, notamment dans les documents de l'Ambassadeur Moritan. Outre son engagement fort en faveur du critère du "développement", la France a également défendu l’inclusion d’articles portant sur la lutte contre la corruption dans le traité, ce qui nous rassure étant donné l’omniprésence de cet abcès dans le milieu de l’armement et l’urgente nécessité de le combattre. _ Pour la première fois, nous avons également entendu des interventions fortes et de grande qualité sur le lien entre le TCA et les conséquences des conflits et de la violence armée sur les femmes.

La suite des négociations

La prochaine et dernière session du Comité préparatoire (ou "PrepCom") aura lieu au mois de juillet 2011 et portera plus particulièrement sur la question de la mise en œuvre, c'est à dire sur la définition d'un cadre qui permettra de s'assurer de la mise en pratique par les Etats des obligations imposées par le traité. _ Cette semaine nous aura notamment permis d'avoir un cadre de référence beaucoup plus clair pour le déroulement des 18 mois à venir, cruciaux, jusqu'à la conférence finale en 2012. _ Le constat le plus évident est qu'un éventail bien plus large d'Etats prend désormais au sérieux le TCA et que tous les Etats ont réfléchi, de façon bien plus détaillée, à ce qu'ils souhaiteraient et ce qu'ils ne souhaiteraient pas voir dans ce traité. Si tous les avis ne reflètent pas ce que nous, défenseurs d'un TCA fort, voudrions inclure dans le TCA, le tour qu'ont pris les discussions nous place en bien meilleure position pour identifier les failles et les points sur lesquels il faut encore débattre, apporter notre expertise et des solutions techniques et susciter une volonté politique là où elle fait le plus défaut. _ Pour ce faire, il est indispensable que le processus reste le plus ouvert et le plus transparent possible : l’accès des ONG à l’ensemble des négociations est primordial. En outre, il faut rester vigilant : là comme ailleurs la "realpolitik" continue de dominer. Certains Etats restent encore sur la réserve et n’ont toujours pas pris de position claire sur tout un ensemble d’aspects du traité. D’autres prennent des positions publiques différentes de ce qu’ils sont effectivement en train de négocier en coulisses. Il ne pourra y avoir de "petits arrangements entre amis" ou entre principaux exportateurs : des millions de citoyens et des milliers de parlementaires à travers le monde se sont déjà prononcés en faveur d’un traité robuste et efficace. Cette mobilisation a conduit la majorité des Etats à leur emboîter officiellement le pas. _ Les défis qui nous attendent demeurent gigantesques, mais cette semaine le Comité préparatoire nous a rassurés. Le projet sur la table constitue une très bonne base de travail, qui pourra, s’il est effectivement appliqué, permettre de sauver des vies, empêcher des graves violations des Droits de l’homme ou du Droit humanitaire et préserver le développement socio-économique. Nous savons clairement, en tant que défenseurs d'un traité sur le commerce des armes solide et efficace, où nous en sommes, où nous devons aller, ce que nous devons faire et les enjeux auxquels nous devrons être attentifs lors de la prochaine rencontre, en juillet. Et nous assurer que les Etats, comme la France, qui ont eu des déclarations fortes en faveur du TCA, maintiennent le cap jusqu’au terme des négociations. – Pour en savoir plus, consultez le programme d'Oxfam France sur e contrôle du commerce des arme