Réduire la pauvreté et les inégalités, c’est possible !

Depuis des années, le fossé entre les plus riches et les plus pauvres ne cesse de se creuser. Dans le monde, les 1 % les plus riches possèdent près de la moitié des richesses mondiales.

Ces inégalités extrêmes ont été encore davantage renforcées par la crise mondiale engendrée par la pandémie de Covid-19. Mais alors que les plus grandes fortunes ont été épargnées et ont même continué de s’enrichir, des centaines de millions de personnes ont dans le même temps basculé dans la pauvreté. Cette hausse constante des inégalités touche l’ensemble de la planète, y compris la France où les indicateurs de la pauvreté et des inégalités explosent.

Mais ces inégalités ne sont pas une fatalité. Des solutions existent pour combattre et lutter contre les inégalités et la pauvreté. Ces solutions, Oxfam les défend depuis des années.

Pour lutter contre les inégalités, l’indispensable financement des services publics

Les services publics universels constituent le socle des sociétés libres et justes. L’accès de toutes et tous à l’éducation, à la santé, à l’eau, à une alimentation suffisante, à un revenu, à une protection sociale… Ces éléments, essentiels, sont définis par Kate Raworth dans sa Théorie du Donut comme constituant le « plancher social ». Autrement dit, il s’agit de tous les besoins et droits qui doivent être comblés pour une vie digne, tout en gardant pour objectif plus d’équité sociale et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les services publics, non seulement assurent l’accès de toutes et tous aux soins et services de base mais ils peuvent également être de véritables vecteurs d’égalité. Ils sont indispensables pour combler le fossé entre les plus riches et les plus pauvres.

En France, depuis plusieurs années, ce modèle social ne cesse d’être mis sous tension. Victime de nombreuses coupes budgétaires, le modèle social français apparaît aujourd’hui en danger et le secteur de la santé en est la triste illustration. Déjà avant la crise du Covid-19, le système de santé français connaissait une crise profonde. Fermeture de lits dans les hôpitaux, faible rémunération des soignantes et soignants, surmenage… La sonnette d’alarme est tirée depuis déjà plusieurs années par les professionnel.le.s du secteur, tou.te.s dénonçant l’austérité frappant les hôpitaux français, au détriment de la qualité des soins et de la sécurité des patients. Défendre les services publics de santé, c’est pourtant lutter contre les fortes inégalités face à la santé qui touchent la France. Une étude de l’OCDE sur les inégalités sociales et la santé démontrait que 40% des personnes les moins éduquées en France, correspondant aux classe sociales les moins favorisées, estimaient avoir une mauvaise santé, moitié moins que pour les populations avec un niveau supérieur d’études.

La crise du Covid-19 a plus que jamais mis au grand jour les faiblesses d’un modèle dans lequel les services publics sont sous-financés et a montré l’urgence d’investir, notamment, dans nos systèmes de santé.

Entre plancher social et plancher environnemental, la Théorie du Donut pour allier justice sociale et climatique

La Théorie du Donut imaginée par Kate Raworth dessine un monde plus durable et juste, qui allie les enjeux de justice sociale avec ceux de justice climatique. Si le « plancher social » est le but à atteindre pour assurer l’épanouissement de chacune et chacun, cet épanouissement ne peut se faire au-delà d’un cercle extérieur : le plancher environnemental. Collectivement, nous ne pouvons pas aller au-delà de ce plancher en ayant massivement recours aux ressources que la planète nous offre. Autrement, l’équilibre de la planète serait soumis à une trop grande pression.

Cette lutte climatique, c’est aussi celle contre les inégalités et la pauvreté. Aujourd’hui, les personnes les moins responsables des changements climatiques en sont le plus victimes. Les 10 % les plus riches de la planète sont à l’origine de 50 % des émissions mondiales de CO2 alors qu’à l’inverse, les 50 % les plus pauvres n’émettent que 10 % des émissions mondiales. Partout, l’urgence climatique fragilise encore davantage les populations les plus vulnérables. Les populations vivant dans des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire sont en moyenne cinq fois plus susceptibles d’être déplacées à cause de catastrophes climatiques extrêmes que les habitants de pays à revenu élevé. Alors que les événements climatiques extrêmes, comme les inondations, les canicules ou les feux de forêt, font tristement l’actualité régulièrement, les impacts sur les plus pauvres sont colossaux.

En Afrique, les prix alimentaires pourraient flamber de 70 % d’ici 2080 et, en Afrique et Asie du Sud-Est, 100 millions de personnes pourraient tomber sous le seuil de pauvreté dès 2030 à cause du changement climatique, selon la Banque mondiale.

Les pays les plus riches ne sont pas non épargnés par les catastrophes climatiques. Les inondations qui ont frappé l’Europe cet été ou les feux de forêts qui deviennent, au fil des années, une actualité récurrente de l’été en sont la triste illustration.

L’inaction climatique a un coût considérable et compromet les avancées dans lutte contre la pauvreté et les inégalités. Lutter contre les dérèglements climatiques, c’est aussi lutter contre les inégalités mondiales.

Des riches toujours plus riches, la pauvreté qui augmente : l’urgence d’une fiscalité plus juste

Le fossé entre les plus riches et les plus pauvres, encore davantage creusé par la crise du Covid-19

Alors que les inégalités ont augmenté quasi simultanément dans le monde en raison de la pandémie du Covid-19, la France n’est pas épargnée par cette tendance. Tandis que les milliardaires français n’ont pas connu la crise – seulement 9 mois ont suffi aux milliardaires français pour retrouver leur niveau de richesse d’avant la pandémie -, ce n’est pas moins d’un million de personnes qui auraient basculé dans la pauvreté à cause de la pandémie selon les associations caritatives.

Actuellement, la France compte 42 milliardaires. C’est 4 fois plus qu’avant la crise financière de 2008. Si les plus pauvres voient depuis plusieurs années leur situation se dégrader et que les inégalités et la pauvreté sont reparties à la hausse depuis 2018 – avec la plus forte progression depuis 2010 -, c’est notamment parce que la réforme fiscale de 2017 a creusé les inégalités. Suppression de l’ISF, mise en place de la « flat tax », baisse des prélèvements obligatoires des entreprises… Autant de mesures qui ont profité aux plus riches, tandis qu’aucune véritable politique ambitieuse de lutte contre la pauvreté n’a été menée. Les plus grandes fortunes prospèrent, les plus pauvres en paient le prix.

Taxer les plus riches : une mesure essentielle à court et long terme

La crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19 a mis en évidence l’urgence de taxer les plus grandes fortunes. Plusieurs voix – y compris celles de milliardaires comme Bill Gates – se sont élevées en faveur d’une telle mesure. En France, près de deux tiers de la population s’est déclarée favorable à une taxe exceptionnelle sur les multimillionnaires pour répondre à la crise provoquée par la pandémie, selon un sondage commandé par Millionaires for Humanity (avril 2021). Des pays comme l’Argentine et la Bolivie ont d’ailleurs franchi le pas.

Mais pour lutter contre les inégalités à la racine, des mesures fiscales de long terme doivent également être mises en œuvre. Il est urgent de mieux collecter l’impôt, et de façon plus juste, en taxant davantage les haut-revenus, en rétablissant un impôt sur les grandes fortunes et en taxant les transmissions sur les super héritages des multimillionnaires.

> Pourquoi faut-il taxer les plus riches ?

> Pour luttons contre les inégalités, taxons les plus riches : je signe la pétition !

La lutte contre l’évasion fiscale : la nécessité de passer à la vitesse supérieure

Ces dernières années, les scandales d’évasion fiscale se sont multipliés, mettant à chaque fois un peu plus en lumière les manœuvres des milliardaires et des grandes entreprises pour se soustraire à l’impôt à tout prix. En novembre 2020, les chercheurs du réseau international Tax Justice ont calculé, qu’à l’échelle du monde, les pays perdent au total plus de 427 milliards de dollars d’impôts chaque année en raison de l’évasion fiscale des entreprises et des personnes.

Ces ressources financières qui échappent aux Etats alimentent les inégalités partout dans le monde. Ce sont autant de ressources en moins disponibles pour financer les services de base et lutter contre la pauvreté. L’évasion fiscale a un coût humain et ce sont les pays en développement qui sont proportionnellement les plus impactés. On estime qu’elle prive les pays les plus pauvres de près de 170 milliards de dollars chaque année.

Les règles du jeu doivent urgemment être repensées. Oxfam porte 3 mesures prioritaires :

  • Etablir une liste noire mondiale, fondée sur des critères objectifs et crédibles, des paradis fiscaux dans chaque pays avec des sanctions
  • Mettre en place au niveau international un taux d’imposition mondial sur les sociétés
  • Mettre fin à l’opacité fiscale des entreprises pour faire la transparence sur leur propriétaire et les impôts payés dans chaque pays.

> Evasion fiscale : définition, conséquences et solutions

La lutte contre les inégalités passe nécessairement par une transformation des grandes entreprises

Climat : le modèle destructeur des grandes entreprises françaises

En mars 2021, Oxfam France calculait pour la première fois l’empreinte carbone globale des plus grandes entreprises françaises et leur trajectoire climatique. Et le constat est plus qu’alarmant : si rien ne change, ces entreprises nous conduisent vers un réchauffement climatique de 3,5°C, une température bien au-delà de l’objectif de +1,5°C inscrit dans l’Accord de Paris. Parmi toutes les entreprises étudiées, quatre – BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Total – ont même, chacune prise séparément, une empreinte carbone supérieure à celle du territoire français !

Ce modèle climaticide et destructeur n’est pas nouveau. Depuis des dizaines d’années, les grandes entreprises françaises privilégient un modèle court-termiste, dans lequel la transition écologique est loin d’être une priorité. L’une des explications à ce court-termisme tient au modèle même de rémunération des patrons de ces entreprises. Dans une note inédite publiée en avril 2021, nous révélions en effet que deux-tiers de la rémunération des PDG du CAC40 sont aujourd’hui indexés sur des critères financiers de court-terme. Et au sein de la part financière, plus d’1 euro sur 4 de cette rémunération dépend directement de la satisfaction des actionnaires ! Les objectifs non-financiers comme les objectifs climatiques, représentent quant à eux une part minime, quand ils ne sont pas inexistants.

S’attaquer aux inégalités femmes-hommes au sein de l’entreprise

Dans le monde professionnel, les inégalités entre les femmes et les hommes sont encore nombreuses. Les femmes sont tout d’abord largement majoritaires dans les métiers les moins valorisés et les moins bien rémunérés. C’est le cas par exemple du secteur du soin – qui regroupe les métiers de la santé, de l’éducation, de l’aide à la personne, du travail social ou encore de la propreté -, particulièrement mobilisé durant la pandémie de Covid-19. Ces métiers, alors qualifiés « d’essentiels » pendant la crise sanitaire, souffrent pourtant d’horaires atypiques et de rythmes de travail soutenus. Ce sont également des métiers particulièrement mal rémunérés. Le salaire moyen d’un.e aide-soignante français.e est par exemple parmi les plus bas d’Europe selon l’OCDE.

Ces inégalités de rémunération sont ancrées dans la société. Encore aujourd’hui en France, les hommes sont rémunérés en moyenne 28,5 % de plus que les femmes. Les femmes subissent également en entreprise le « plafond de verre », autrement dit, elles accèdent beaucoup plus difficilement ou tout simplement pas aux emplois à responsabilité. La crise du Covid-19 s’est révélée comme accélératrice des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Au niveau mondial, on estime que les femmes ont perdu plus de 64 millions d’emplois en 2020 du fait de la crise.

Pourquoi la régulation publique est vitale pour changer le modèle des grandes entreprises

Si les grandes entreprises multiplient depuis quelques années les belles paroles et les annonces d’engagements, dans la réalité, les paroles sont très peu souvent suivies d’effets. Pourtant, il est plus que jamais nécessaire de changer ce modèle mortifère qui nous mène toutes et tous droit dans le mur. Si cette transformation est urgente, il apparaît clair que les grandes entreprises ne changeront pas d’elles-mêmes. Le rôle de l’Etat est crucial. Seule une régulation publique peut contraindre les grandes entreprises à notamment engager une véritable transition écologique.

Mais là encore, le manque d’ambition est flagrant. Alors que le projet de loi Climat et résilience, issu de la Convention citoyenne pour le Climat, représentait une occasion unique de prendre des mesures ambitieuses en ce qui concerne la responsabilité écologique des entreprises, le bilan est plus qu’insuffisant. Alors que les 150 citoyennes et citoyens proposaient de conditionner les aides publiques aux entreprises à une réduction de leur empreinte carbone, le débat n’a même pas eu lieu et le problème de la responsabilité climatique des grandes entreprises a été totalement occulté.

Pour une transformation profonde et des entreprises qui s’engagent pour la justice climatique mais aussi sociale, les dirigeant.e.s politiques devront impérativement se saisir de ce sujet.

Les inégalités sont le résultat de choix politiques. Cette crise des inégalités est en réalité le choix d’une économie injuste et sexiste, qui ne profite qu’à une infime minorité. Lutter contre les inégalités et la pauvreté, c’est agir pour transformer ce modèle défaillant qui favorise les plus riches au détriment de nos services publics essentiels, qui enferme des millions de personnes dans la pauvreté, qui discrimine les femmes et qui détruit la planète et ses ressources.

Ces inégalités peuvent être combattues grâce à des mesures et des actions ambitieuses, qui définiront un modèle de long terme, plus juste et plus durable.