Inégalités et pauvreté en France : les voyants au rouge

Pour la première fois de l’Histoire, les inégalités ont augmenté simultanément dans la quasi-totalité des pays du monde en raison de la pandémie de Covid-19 et de ses impacts. La France n’y échappe pas : depuis le début de la crise, des centaines de milliers de personnes tombent dans la pauvreté tandis que la fortune des milliardaires atteint déjà de nouveaux sommets.

Les indicateurs de la pauvreté et des inégalités explosent en France

La crise sanitaire a amplifié les inégalités partout dans le monde

Depuis le début de la crise du Covid-19, les chiffres de la pauvreté s’envolent partout dans le monde. Cette pandémie n’est pas seulement une crise sanitaire, elle est également une crise économique et sociale et ses effets sont destructeurs. Selon Kristina Georgieva, directrice générale du FMI, « l’impact sera profond (…) avec des inégalités croissances provoquant des bouleversements sociaux et économiques. »

En France, 1 million de personnes auraient basculé dans la pauvreté

En France, selon les associations caritatives, ce n’est pas moins d’un million de personnes qui auraient basculé dans la pauvreté à cause de la pandémie. Une tendance sans précédent, illustrée par des chiffres alarmants : en 2020, jusqu’à 7 millions de personnes auraient eu recours à l’aide alimentaire, soit près de 10% de la population française selon les derniers chiffres du Secours Catholique (novembre 2021). En 2008, on comptait moins de 3 millions de bénéficiaires. Autres signaux forts : le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a fortement augmenté depuis le début de la crise sanitaire, tout comme le nombre d’inscrits à Pôle Emploi.

Comme le met en lumière le rapport d’Oxfam « Le virus des inégalités »,  l’évolution de l’épargne des Français-es est également un indicateur important des inégalités qui sont à l’œuvre. Selon une étude du Conseil d’Analyse Economique, les 20% des Français-es les plus pauvres ont vu leur épargne diminuer de près de 2 milliards d’euros pendant le premier confinement, tandis que les 10% les plus riches voyaient leur fortune augmenter de plus de 25 milliards d’euros.

Des chiffres qui témoignent de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités en 2020

Aide alimentaire

En 2020, jusqu’à 7 millions de personnes auraient eu recours à l’aide alimentaire selon le Secours Catholique. On comptait moins de 3 millions de bénéficiaires en 2008.

Revenu de solidarité active

Le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a augmenté de 150 000 entre octobre 2019 et octobre 2020, portant à 2,1 millions de personnes le nombre de bénéficiaires, soit une augmentation de 8,5%.

Epargne

L’épargne des 20% des Français-e-s les plus pauvres a diminué de près de 2 milliards d’euros pendant le premier confinement, alors que les 10% des Français-e-s les plus riches ont vu leur fortune augmenter de plus de 25 milliards d’euros.

Femmes, jeunes, migrant-e-s, travailleur-se-s précaires  : des publics particulièrement vulnérables à la crise

Les femmes, plus touchées par les impacts économiques de la crise

Si la crise sanitaire a touché le monde entier, les inégalités face à ses impacts sont considérables. La crise a un effet démultiplicateur sur les inégalités existantes, et en particulier sur les inégalités de genre.

Les femmes, déjà en première ligne de l’épidémie, sont aussi les premières impactées par les conséquences économiques de la crise. Sur-représentées dans les métiers les plus précaires et les moins bien rémunérés, pourtant dits « essentiels » et qui ont permis à la société de continuer à fonctionner, elles ont été touchées de plein fouet par la pandémie.

Les femmes représentent plus de 95% des assistant-e-s maternelles, les employé-e-s de maisons, aides à domicile et aides ménagères, 91% des aides-soignantes et 87% des infirmières. Elles sont 73% parmi les agent-e-s d’entretien, 76% parmi les caissier-e-s et des vendeur-e-s , et elles sont aussi 71% parmi les enseignant-e-s.

 

Les femmes occupent également davantage d’emplois en temps partiel. Au global, sur les 5 millions d’emplois en temps partiel, 3,8 millions – soit 76 % – sont occupés par des femmes. Parmi elles, une écrasante majorité occupe un poste d’ouvrière ou d’employée.

La situation est particulièrement préoccupante pour les mères célibataires. Elles sont en effet plus nombreuses à travailler en temps partiel subi (deux fois plus que les femmes en couple). Les mères isolées sont le type de ménage le plus fréquemment rencontré dans les accueils du Secours Catholique selon leur dernier rapport.

Selon l’INSEE, plus d’une famille monoparentale sur trois (35 %) vit sous le seuil de pauvreté en France, ce qui représente 2,3 millions de personnes pauvres. 85% de ces familles ont des mères à leur tête. En décembre 2018, nous rappelions dans notre rapport dédié aux « travailleuses pauvres » en France, que plus d’une mère célibataire sur quatre qui travaille est pauvre.

Des jeunes et étudiant-e-s en grande précarité

Les jeunes font partie des personnes qui payent un très lourd tribut de cette crise sanitaire et économique, d’autant que depuis les années 2000 cette catégorie de la population se paupérise. Avant la crise, un jeune sur dix était déjà en situation de précarité.

Dans son dernier rapport (novembre 2020), l’Observatoire des inégalités montre qu’entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des 18 à 29 ans a progressé de plus de 50 % et que parmi les 5 millions de pauvres décomptés en France en 2017, près la moitié a moins de 30 ans.

Travaillant davantage avec des contrats précaires ou sans contrat de travail, les 18-24 ans ont été fortement impactés par les pertes d’emplois liées à la crise et ils passent le plus souvent entre les mailles du filet des mesures de chômage partiel. Une étude de l’Observatoire nationale de la vie étudiante menée après le premier confinement montre que 33% des étudiant-e-s interrogé-e-s ont rencontré des difficultés financières pendant la période et que 23% d’entre eux n’ont pas pu manger à leur faim !

Les migrant-e-s, particulièrement exposé-e-s aux risques économiques et sanitaires

Les migrant-e-s ont été particulièrement exposés au coronavirus. Selon une étude réalisée par Médecins sans frontière en Ile-de-France, une personne sur deux aurait été infectée par le virus en raison, notamment, des conditions de vie favorisant une forte promiscuité. La restriction de l’Aide Médicale d’État décidée par le gouvernement un an avant la crise a également participé à la circulation active du Covid-19.

Par ailleurs, pour les exilés sans statut légal en France, le confinement a été synonyme d’arrêt complet de l’activité économique, renforçant la grande précarité de cette partie de la population.

Parallèlement, la fortune des milliardaires ne connaît pas la crise

En France, les riches se sont enrichis pendant la pandémie

Alors que de nombreux pans de la population française ont vu leur vie et leur quotidien ébranlés, une autre partie de la population survole la crise. Seulement 9 mois ont suffi aux milliardaires français pour retrouver leur niveau de richesse d’avant la pandémie, tandis qu’au niveau mondial, plus de 10 ans seront nécessaires aux plus pauvres pour se relever selon le rapport d’Oxfam « Le virus des inégalités ».

Ces milliardaires ont même bénéficié d’une reprise exceptionnelle : ils ont ainsi gagné 175 milliards d’euros entre mars et décembre 2020 – soit l’équivalent de deux fois le budget de l’hôpital public -, dépassant leur niveau de richesse d’avant la crise. Comparé aux autres milliardaires dans le monde c’est la 3ème plus forte progression, après les États-Unis et la Chine.

Qui sont les 43 milliardaires français-e-s ?

La France compte actuellement 43 milliardaires, soit 4 fois plus qu’après la crise financière de 2008. Leur richesse cumulée s’élève à 510 milliards de dollars, soit 8 fois plus qu’après cette même crise. Plus de la moitié de ces milliardaires ont hérité de leur fortune, et seulement 5 sont des femmes.

La fortune de Bernard Arnault a bondi de 41% en 2020

Parmi eux ces milliardaires, Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH est un des grands gagnants de la crise. Il fait partie des quatre milliardaires de la planète ayant enregistré les plus fortes augmentations de leur fortune depuis le début de la pandémie (+76 milliards de dollars), derrière Elon Musk (+129 milliards de dollars), Jeff Bezos (+78,2 milliards de dollars) et Zhong Shanshan (+76,6 milliards de dollars).

Sur l’ensemble de l’année 2020, malgré la crise, la fortune de Bernard Arnault augmente de 44 milliards d’euros soit un bond de 41%. Après le pic de la crise, sa fortune a doublé entre mars et décembre.

 

Les inégalités, fruits de choix politiques et économiques

Des choix politiques qui ont profité aux plus riches

Cette situation favorable pour les milliardaires malgré un contexte de crise s’explique par des choix politiques faits par le gouvernement et la Banque centrale européenne (BCE) pendant la crise. Au-delà d’un plan d’urgence de soutien à l’économie voté par le gouvernement français, la politique massive de rachats d’actifs de la BCE a ainsi eu pour effet de faire flamber les cours de bourses des entreprises malgré une économie en berne. Comme le décrit la banque UBS, « la fortune des milliardaires est largement corrélée à la performance boursière des entreprises dans lesquelles ils possèdent des participations. Depuis le mois de mars, les plans fiscaux d’urgence et les politiques monétaires ont permis une forte remontée des marchés financiers permettant à la fortune des milliardaires de retrouver, dès 2020,des niveaux supérieurs à 2019 ».

Des dividendes versés malgré la crise

Pendant ce temps, plusieurs grands groupes ont décidé de verser coûte que coûte des dividendes à leurs actionnaires malgré la crise. C’est le cas de 23 entreprises du CAC 40. Malgré les appels à la modération du gouvernement, le CAC 40 aura versé 36 milliards de dividendes pendant la crise.

Ce choix s’inscrit dans une dynamique de long terme qu’Oxfam France a décrit dans un rapport sur le CAC40 en juin 2020 : depuis 10 ans, un quart du CAC40 a versé plus de dividendes qu’il n’a fait de bénéfices, puisant dans les réserves pour payer ses actionnaires.

L’absence de contreparties sociales et écologiques dans le plan de relance

Malgré une demande largement portée par la société civile (syndicats et ONG) et l’opinion publique, le gouvernement et la majorité ont refusé tous les amendements au projet de loi finances 2021 qui demandaient des contreparties écologiques, sociales et fiscales aux aides publiques et à la baisse inédite des impôts de production.

Cette décision s’apparente à un chèque en blanc offert aux entreprises pour leur permettre de revenir au « business as usual », un modèle économique qui crée des inégalités phénoménales au prix d’émissions carbone hors de contrôle. La majorité a finalement voté un amendement «gadget», qui fixe des contreparties écologiques non contraignantes pour les petites entreprises, tout en épargnant les grandes entreprises.

Les inégalités ne sont pas une fatalité

Dès septembre 2017, Oxfam avait sonné l’alerte en dénonçant des choix politiques, et notamment fiscaux, qui allaient faire augmenter les inégalités. Nous y sommes, et la crise économique engendrée par la pandémie va encore aggraver la situation, tant sur le plan des inégalités que de la pauvreté.

Les inégalités sont le résultat de choix politiques, en France et dans le monde entier. Nous avons besoin de mesures d’urgence pour ne laisser personne sur le bord de la route mais aussi besoin de penser un nouveau modèle de long terme, plus juste et plus durable.

Libertés, inégalités, fraternité ? Pour faire bouger les lignes, mobilisez-vous à nos côtés pour dénoncer cette France des inégalités et interpeller le gouvernement.

 

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