La pauvreté dans le monde n’est pas une fatalité

Alors que notre société est globalement plus riche que jamais, près de la moitié de l’humanité peut être considérée comme pauvre. Si l’extrême pauvreté a largement reculé ces trente dernières années, nous sommes encore loin d’atteindre l’Objectif de développement durable visant à éradiquer la pauvreté dans le monde (ODD n°1). D’autant plus qu’en 2022, selon la Banque Mondiale jusqu’à 95 millions de personnes ont sombré dans l’extrême pauvreté, à cause de la crise sanitaire de la COVID-19, de l’accroissement des inégalités mondiales et du choc de la hausse des prix alimentaires, amplifié par la guerre en Ukraine.

Chiffres-clés de la pauvreté dans le monde

1 personne sur 2

vit avec moins 6,85$ par jour.

Plus de 60%

des personnes vivant dans l’extrême pauvreté sont des femmes

80%

des plus pauvres vivent dans des zones rurales

Combien y a-t-il de personnes pauvres dans le monde ?

L’extrême pauvreté a reculé au cours des trente dernières années

Il y a près de 700 millions de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde, c’est-à-dire vivant avec moins de 2,15 dollar par jour (soit environ 64 euros par mois). En se basant sur ce “seuil de pauvreté international”, le taux mondial d’extrême pauvreté est passé de 36% en 1990 à environ 9% aujourd’hui.

Le seuil international d’extrême pauvreté

Pour mesurer l’évolution de la pauvreté dans le monde et pouvoir comparer les pays entre eux, la Banque mondiale a établi en 1990, un seuil de pauvreté mondial, utilisé essentiellement dans les pays en développement. Il est calculé sur la base du seuil de pauvreté moyen des pays les plus pauvres du monde. Pour refléter l’évolution de l’économie mondiale, la Banque mondiale a fait évoluer ce seuil, qui définit l’extrême pauvreté : de 1 dollar par jour en 1990, il a été réévalué à l’automne 2022 à 2,15$/jour. On parle de pauvreté absolue, car la pauvreté est alors mesurée par-rapport à un seuil monétaire, identique à travers le monde.

Mais les chiffres de la pauvreté dans le monde reste très élevés

La Banque mondiale l’affirme elle-même : “Une famille ne sort pas de la pauvreté quand elle dépasse le seuil international de pauvreté de [2,15$/jour]”. C’est pourquoi, depuis 2018, elle a établi deux autres seuils de pauvreté pour prendre en compte le développement des pays pauvres et émergents : 3,65 dollars par jour et 6,85$/jour. Pour ces seuils, les taux de pauvreté dans le monde sont respectivement de 25% et de 47%.

Autrement dit, près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 6,85 dollars par jour.
Et une personne sur quatre, soit près de 2 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants, vivent avec moins 3,65 dollars par jour.

Pas qu’une question d’argent : l’approche multidimensionnelle de la pauvreté

Que veut dire être pauvre ? Au-delà de l’approche monétaire, être pauvre c’est aussi ne pas avoir accès à l’éducation, à l’eau potable, à l’électricité…

L’indice global de pauvreté multidimensionnelle (IPM), utilisé pour mesurer la pauvreté dans les pays en développement, s’appuie sur ces critères et donne une meilleure vision de la pauvreté dans le monde. Dans les 109 pays couverts par cet indice, 1,3 milliard de personnes, soit plus d’une personne sur cinq connaissent une situation de pauvreté multidimensionnelle aiguë. Parmi elles, on compte 644 millions d’enfants.

Où et qui sont les plus pauvres de la planète ?

Plus de 60% des pauvres de la planète vivent en Afrique sub-Saharienne

Les progrès faits dans la lutte globale contre la pauvreté cachent de fortes disparités géographiques :

Les deux-tiers des enfants pauvres vivent en Afrique sub-Saharienne. Le taux d’extrême pauvreté y est proche de 40%. Si la proportion de personnes pauvres a baissé, il y a en réalité plus de pauvres aujourd’hui dans cette région qu’en 1990 (420 millions contre 284 millions). Et si on prend en compte la pauvreté multidimensionnelle, ce sont en réalité 556 millions de personnes pauvres qui vivent en Afrique subsaharienne.

La pauvreté est sexiste

Plus de 60% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté sont des femmes. Les femmes sont surreprésentées au bas de l’échelle économique, dans des emplois moins valorisés financièrement et socialement, et avec des conditions de travail précaires.
Selon ONU Femmes, alors que le taux d’extrême pauvreté devait baisser d’ici 2030, il va finalement augmenter à cause de la crise du Covid, impactant plus fortement les femmes. 47 millions de femmes ont déjà basculé sous le seuil d’extrême pauvreté à cause de la pandémie de Covid19.
Les projections montrent que l’écart de pauvreté entre les femmes et les hommes va se creuser dans les dix prochaines années, en particulier pour la tranche d’âge 25-34 ans. Autrement dit, sans actions urgentes, il y aura plus de pauvres en 2030 qu’en 2020, à cause de la pandémie du Covid19. La majorité de ces pauvres seront toujours des femmes.

Les enfants sont particulièrement victimes de la pauvreté

Un enfant sur trois souffre de pauvreté multidimensionnelle, contre un adulte sur six. 20% des enfants de moins de 5 ans dans les pays en développement vivent dans une famille souffrant de l’extrême pauvreté (moins de 2,15$/jour).

Avant la crise du Covid, il y avait 356 millions d’enfants vivant sous le seuil d’extrême pauvreté dans le monde. Entre 2019 et 2021, 100 millions d’enfants supplémentaires sont tombés dans la pauvreté. Au total, plus d’un milliard d’enfants souffrent d’au moins une privation grave en matière d’éducation, de santé, de logement, de nutrition, d’assainissement ou d’eau.

Causes et conséquences de la pauvreté dans le monde

Les causes de la pauvreté sont multiples et sont souvent intimement liées.

Le capitalisme nourrit la pauvreté et les inégalités

L’exploitation des richesses et des populations à travers le monde par les pays riches a créé d’immenses inégalités, sur lesquelles le capitalisme a prospéré. Le système économique actuel profite en très grande partie à une infime minorité de riches hommes blancs, au détriment de la majorité de la population, et en particulier des femmes.

Les hommes détiennent 50 % de richesses en plus que les femmes. A travers le monde, les femmes sont payées 23% de moins que les hommes. Alors qu’elles représentent 50% de la main d’œuvre agricole, les femmes sont moins de 13% à être propriétaires de leurs terres.

Plus généralement, les 10 hommes les plus riches du monde détiennent plus que les 3,1 milliards de personnes les plus pauvres. Cette concentration des richesses tue chaque jour plus de 20 000 personnes, c’est-à-dire une personne toutes les quatre secondes, essentiellement par manque d’accès aux soins et la nourriture suffisante.

La crise sanitaire touche plus durement les plus pauvres

  • Deux ans et demi après le début de la pandémie, seuls 22% des populations des pays les plus pauvres ont eu accès aux vaccins.
  • Pour la première fois en 20 ans, le taux de travailleurs pauvres a augmenté.
  • Il faudra au moins 8 ans pour retrouver les niveaux de pauvreté infantile d’avant la Covid.

200 millions de déplacés climatiques dans les 30 prochaines années

En 2019, un rapport de l’ONU alertait sur le “risque “d’apartheid climatique” où les riches payent pour échapper à la chaleur, à la faim et aux conflits, pendant que le reste du monde souffre.” Les changements climatiques menacent de détruire cinquante ans de progrès de lutte contre la pauvreté.

Au cours de la dernière décennie, il y a eu en moyenne 21,5 millions déplacé-e-s climatiques chaque année en raison d’événements climatiques extrêmes  – plus de deux fois plus que les conflits et la violence. Avec un réchauffement planétaire de 2°C, entre 100 et 400 millions de personnes supplémentaires pourraient courir un risque de famine et entre 1 et 2 milliards de personnes supplémentaires pourraient ne plus disposer de suffisamment d’eau.

Les conflits armés, causes et conséquences de la pauvreté

La moitié des pauvres dans le monde vivent dans des pays dits “fragiles ou en conflit”. Les conflits sont actuellement à l’origine de 80% des besoins d’aide humanitaire.

Les conflits ont des impacts durables sur les populations qui les subissent. Environ trois réfugiés sur quatre le sont depuis au moins cinq ans. Accès à l’éducation, source de revenus, sécurité, logement… Tous les domaines de la vie sont affectés.

Ainsi avant la guerre, le Yémen était déjà l’un des pays les plus pauvres du monde, avec un taux de pauvreté proche de 50%. Aujourd’hui, on estime que ce sont 70% à 80% de la population qui vivraient sous le seuil de pauvreté.

Comment mettre fin à la pauvreté dans le monde ?

La pauvreté n’est pas une fatalité et les solutions existent pour y mettre fin.

Lutter contre les inégalités : pour un partage juste des richesses mondiales

Le système capitaliste néo-libéral est nocif pour la planète et les hommes, femmes et enfants qui l’habitent. Il est urgent de le réformer en profondeur, grâce notamment à une fiscalité juste et des régulations contraignantes.

  • L’impôt est un puissant outil pour faire avancer la justice sociale. Mais les politiques fiscales favorisent les plus aisés, au détriment de la redistribution de la richesse. Dans les pays riches, le taux maximum moyen d’impôt sur le revenu des particuliers a littéralement chuté : il était de 62% en 1970, et il a pratiquement été divisé par deux, pour atteindre 38 % aujourd’hui.
  • Chaque année, l’évasion fiscale des entreprises et des personnes fait perdre au total plus de 427 milliards de dollars aux États. Autrement dit, deux fois et demi de quoi mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde.
  • Taxer les multinationales et la spéculation financière permettrait également de lever chaque année des milliards de dollars pour lutter contre la pauvreté. En 2021, plus de 100 économistes estimaient qu’une taxe sur les transactions financières (TTF) appliquée aux seuls pays du G20 pourrait rapporter 100 milliards de dollars par an. Si une taxe sur les transactions financières existe déjà en France et dans 8 autres pays du G20, elle reste insuffisante.
  • Il y a plus de 50 ans, les pays riches se sont engagés à allouer 0,7% de leur PNB à l’aide publique au développement. Jusqu’ici, cette promesse de solidarité n’a jamais été respectée, et l’APD atteignait en moyenne 0,33% du RNB cumulé en 2021. Or l’aide publique au développement permet de financer des services publics essentiels (santé, éducation, infrastructures). Elle permet aussi de renforcer la démocratie, en soutenant la participation citoyenne aux politiques publiques, de gagner en transparence et de lutter contre la corruption.

Lutter contre les changements climatiques et financer l’adaptation

Le dérèglement climatique touche plus durement les plus pauvres, qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre. Les changements climatiques feront basculer plus de 130 millions de personnes dans la pauvreté au cours des dix prochaines années et généreront plus de 200 millions de migrants climatiques d’ici 2050.

Lutter contre le réchauffement planétaire et investir massivement pour faire face à ses inévitables conséquences est donc essentiel pour lutter contre la pauvreté. Les Nations unies estiment que l’adaptation climatique coûterait entre 140 et 300 milliards de dollars par an d’ici 2030, et jusqu’à 500 milliards par an d’ici à 2050. Aujourd’hui, la communauté internationale ne verse que 3 dollars par personne et par an aux populations les plus vulnérables pour faire face aux impacts du changement climatique.

Réformer l’agriculture pour mettre fin à la faim dans le monde

Nourrir 9 milliards de personnes à l’horizon 2030, sans détruire la planète et en respectant celles et ceux qui produisent notre nourriture, c’est possible.

Pour cela, il est nécessaire d’adopter une approche qui allie “faim zéro” et “zéro émission de gaz à effet de serre”, en soutenant l’agroécologie, qui utilise le savoir paysan. Diversité de cultures, utilisation de semences adaptées, couvert végétal permanent des sols, intégration d’arbres ou de haies dans et autour de surfaces cultivées, présence d’élevage et de cultures agricoles dans un même territoire. L’agroécologie est à la fois une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et d’adaptation : elle stocke du carbone dans les sols et renforce la résilience des paysannes et paysans face aux chocs climatiques.

La guerre en Ukraine et ses conséquences montrent aussi, une fois de plus, qu’il est essentiel de renforcer la consommation locale et la souveraineté alimentaire.