Les solutions d’Oxfam pour lutter contre les inégalités

Notre dernier rapport sur les inégalités mondiales, publié à la veille du Forum de Davos 2020, montre que le fossé entre les plus riches et les plus pauvres continue de se creuser de façon abyssale. Les 1% les plus riches de la planète possèdent plus de deux fois les richesses cumulées de 90% de la population mondiale, soit 6,9 milliards de personnes. Des richesses colossales sont concentrées entre les mains d’une minorité de personnes alors que près de la moitié de la population vit avec moins de 5 euros par jour. Au-delà du constat alarmant, Oxfam porte des solutions concrètes et se mobilise pour que celles-ci soient appliquées par les responsables politiques.

 

Car notre conviction est profonde : les inégalités ne sont pas une fatalité. Il est possible de les combattre si les gouvernements décident de changer radicalement leurs politiques en adoptant des mesures fortes et ambitieuses.

L’urgence d’agir contre les inégalités

S’attaquer à ces inégalités est notre raison d’être. Nous les calculons pour mieux les dénoncer. Nous les refusons car elles ont un coût énorme : elles freinent la réduction de la pauvreté et elles fracturent nos sociétés. Une autre économie est possible. Tout est une question de choix politiques.

Alors que partout dans le monde, les citoyennes et les citoyens crient leur colère et se mobilisent contre inégalités, la crise des services publics et le changement climatique, les gouvernements portent une lourde responsabilité dans la situation actuelle et doivent impérativement retrouver le sens d’une économie plus humaine.

En France, Oxfam demande à Emmanuel Macron de réorienter de toute urgence sa politique en faveur d’une réduction des inégalités.

Quelles mesures politiques prioritaires pour inverser la tendance et lutter efficacement contre les inégalités ?

La lutte contre les inégalités nécessite que des mesures fortes et ambitieuses soient prises, dans le sens de la justice sociale, de la justice fiscale et en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Rétablir une plus grande justice fiscale

Taxer de nouveau les grandes fortunes

Partout dans le monde, les grandes fortunes payent de moins en moins d’impôts. Pourquoi ? Parce que la plupart des gouvernements ont adopté des lois qui décident de réduire toujours plus la fiscalité des plus riches.

Dans les pays riches, le taux maximum moyen d’impôt sur le revenu des particuliers a chuté, passant de 62 % en 1970 à 38 % en 2013. La France, qui a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune et mis en place une « flat tax » ne fait pas exception à cette tendance générale. Les pertes fiscales pour la France représentent environ 4 milliards d’euros par an. 

Quand les plus fortunés ne payent pas leur juste part l’impôt, ce sont des ressources considérables qui manquent aux budgets des Etats pour financer les écoles, les hôpitaux, la protection sociale, les transports… Au final, c’est le reste de la population qui doit payer la facture !

Cette injustice, certains milliardaires et millionnaires la dénoncent. Bill Gates et Warren Buffet demandent depuis longtemps au gouvernement américain de les taxer davantage. Et cette année, ils sont 121 à demander à payer plus de taxes pour réduire les inégalités.
Pour retrouver plus de justice fiscale, Oxfam demande au gouvernement français :

  • de rétablir un impôt sur les grandes fortunes.
  • de supprimer le prélèvement forfaitaire unique (PFU).
  • une réforme en profondeur de l’impôt sur le revenu pour le rendre plus juste, progressif et lisible, notamment par l’ajout de nouvelles tranches d’imposition.

Lutter contre l’évasion fiscale des multinationales

Les multinationales payent moins d’impôts qu’avant la crise financière de 2008 et elles continuent de transférer artificiellement jusqu’à 40 % de leurs bénéfices réalisés à l’étranger dans des paradis fiscaux. Selon l’économiste Gabriel Zucman, le manque à gagner pour les Etats se chiffre à 350 milliards d’euros par an, dont 120 milliards pour l’Union européenne et 20 milliards pour la France.

Pourtant, les gouvernements manquent de courage politique pour stopper le fléau de l’évasion fiscales des multinationales. Un exemple ? La liste noire européenne des paradis fiscaux est ridicule car elle ne compte que 13 pays et ne comprend pas les paradis fiscaux les plus notoires, notamment les paradis fiscaux européens : le Luxembourg, l’Irlande, les Pays Bas ou Malte.

Oxfam demande à la France d’adopter une liste noire crédible des paradis fiscaux et de défendre à l’international une réforme ambitieuse de la fiscalité des multinationales : une réforme qui demande aux multinationales de payer leur juste part d’impôt dans les pays où elles exercent une activité réelle, et qui prennent en compte les intérêts des pays en développement.

Réduire les inégalités dans les grandes entreprises, notamment entre les femmes et les hommes

Des écarts de salaires de plus en plus importants

Les écarts de salaires entre PDG et salarié-e-s au sein des grandes entreprises sont démentiels et sont une des causes profondes des inégalités de richesses. Un patron du CAC 40 a gagné en moyenne 277 SMIC en 2018, selon le rapport annuel du cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, soit 5,77 millions d’euros.

Dans certains secteurs, les inégalités continuent d’empirer : en 2018, le PDG du groupe Sanofi gagnait ainsi plus de 343 fois le salaire moyen d’un-e aide-soignant-e français-e chargée d’administrer les produits de la marque à des patients.

Les inégalités salariales touchent en premier lieu les femmes

Les femmes sont en première ligne des inégalités des salaires. Pourquoi ? Car elles sont concentrées dans les secteurs d’activité les moins bien rémunérés et les plus précaires. C’est le cas en France mais aussi dans tous les pays du monde.

Ménage, cuisine, gestion du budget, soin des proches, collecte de bois et d’eau dans les pays du Sud, la valeur monétaire du travail non-rémunéré assuré par les femmes de 15 ans ou plus représente au moins 10 800 milliards de dollars chaque année, soit trois fois la valeur du secteur du numérique à l’échelle mondiale. Dans le même temps, on estime que 42 % des femmes dans le monde ne peuvent avoir un travail en raison de la charge trop importante du travail domestique et de soin qu’elles doivent porter dans leur cadre familial.

Les femmes restent sur-représentées dans les secteurs les plus précaires et les moins valorisés économiquement, tels que l’éducation, la santé, le travail social, le nettoyage…

En France, les femmes gagnent en moyenne 22% de moins que les hommes. Elles ne sont que 18,4 % à siéger dans les comités exécutifs des entreprises du SBF120 (société en bourse) et elles occupent 78% des emplois à temps partiel et 70% des CDD et des intérims.

Il est possible de reprendre la main sur le système économique injuste et sexiste. En France, Oxfam demande au gouvernement de prendre les mesures suivantes :
  • Fixer une obligation de publication des écarts de rémunérations pour les grands groupes par quartile, par pays et par genre.
  • Améliorer les conditions de travail et valoriser les rémunérations dans les métiers à prédominance féminine notamment dans les métiers du soin.
  • Sanctionner les entreprises ne respectant pas l’égalité professionnelle.
  • Instaurer la parité dans les instances de décisions, y compris les comités exécutifs, et des postes d’encadrement dans les grandes entreprises.
  • Augmenter significativement la durée du congé paternité.
  • Renforcer la transparence sur les écarts de salaires (par quartiles, par pays, par genre).

Protéger nos services publics et nos retraites

L’éducation, la santé, la protection sociale, les transports, les crèches…nos services publics sont des leviers décisifs pour réduire les inégalités. Il est donc nécessaire de les protéger en leur apportant les financements nécessaires pour qu’ils continuent à fournir des soins et des services de qualité et accessibles à toutes et tous.

La protection des services publics passent également par une reconnaissance des salarié-e-s qui y travaillent : prise en compte de la pénibilité, rémunérations décentes, moyens matériels nécessaires.

Oxfam demande également aux responsables politiques de veiller à ce que le financement des services publics ne repose pas en majorité sur les personnes les plus pauvres. Or notre fiscalité repose de manière croissante sur des impôts régressifs comme la TVA et la CSG, des impôts qui pèsent proportionnellement plus sur les citoyen-ne-s les plus pauvres.  Les recettes de la TVA, la première recette fiscale de l’Etat, ont augmenté de 25% depuis 2000 et celles de la CSG… de 370 %.

Le choix du système de protection sociale reflète l’engagement d’un pays à réduire les inégalités.

Un système de retraites qui permettent de lutter contre les inégalités

C’est notamment le cas pour notre système de retraites. La réforme des retraites qui sera bientôt en discussion au Parlement risque d’accentuer encore davantage les inégalités existantes en France, et en particulier celles entre les femmes et les hommes.

Aujourd’hui, les femmes touchent en moyenne des pensions inférieures de 42 % à celles des hommes, 26 % si on prend en compte la pension de réversion.
Oxfam soutient les mobilisations qui demandent :
  • La prise en compte la réalité de l’emploi des femmes, davantage sujettes aux carrières hachées.
  • De renforcer la cotisation de solidarité prélevée sur les hauts revenus afin de tenir compte de leur espérance de vie plus longue.
  • D’instaurer un minimum retraite à hauteur du SMIC.