État des lieux de la pauvreté en France

Selon les estimations, il y a entre 5 et 11 millions de personnes pauvres en France. Mais que veut dire “être pauvre” ? Qui sont les personnes victimes de la pauvreté ? Quelles politiques sociales et fiscales pour lutter contre ces inégalités ?

Chiffres de la pauvreté en France

Près de 11 millions de personnes pauvres en France, plus de la moitié de ces pauvres sont des femmes.

17% de la population vit sous le seuil de pauvreté monétaire.

La moitié des pauvres vivent avec 885 euros mensuels ou moins.

Combien y a-t-il de personnes pauvres en France ?

La pauvreté monétaire

Mesurer la pauvreté est une tâche complexe, qui nécessite de définir ce qu’est la pauvreté. En France, le seuil de pauvreté monétaire est fixé à 60% du revenu médian français (1), qui était de 1 837€/mois pour une personne seule en 2019. On estime donc qu’une personne est pauvre si ses revenus sont inférieurs à 1 102€ par mois.

En 2019, l’Insee comptait 9,2 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, auxquelles il faut ajouter environ 1,6 million de pauvres qui échappent aux statistiques. Sans compter le fait que les statistiques de l’Insee concernent uniquement la France métropolitaine, alors que le taux de pauvreté monétaire des DOM est deux à cinq fois plus élevé qu’en métropole. Ainsi, le taux de pauvreté en France est officiellement de 14,6%, alors que les personnes pauvres représentent en réalité au moins 17% de la population.

Précarités alimentaire, énergétique, numérique : il existe de nombreux autres indicateurs de la pauvreté

La pauvreté ne se caractérise pas seulement par un manque d’argent. En 2017, l’Union européenne a défini un indicateur de privation matérielle et sociale qui recouvre par exemple la précarité énergétique, la précarité alimentaire (ne pas pouvoir se nourrir correctement) ou encore la précarité numérique (ne pas pouvoir se payer un accès à internet). En France métropolitaine, 21% de la population sont en situation de pauvreté monétaire ou de privation matérielle et sociale, soit plus d’une personne sur cinq !

Les multiples facettes de la pauvreté

La pauvreté est multidimensionnelle

Difficile à définir en un seul chiffre, la pauvreté est multidimensionnelle et recouvre des situations de vies diverses.
C’est pourquoi, pour comprendre la pauvreté, il faut regarder également d’autres indicateurs :

  • L’intensité de la pauvreté, c’est-à-dire à quel point le niveau de vie des pauvres est bas par-rapport au seuil de pauvreté. Pour cela, on regarde le revenu médian des pauvres. En France, l’intensité de la pauvreté est proche de 20% : c’est-à-dire que la moitié des pauvres ont des revenus qui sont en réalité 20% plus bas que le seuil de pauvreté. Concrètement, la moitié des personnes pauvres a un niveau de vie inférieur à 885 euros par mois.
  • Le nombre de travailleurs pauvres : 2 millions de personnes qui travaillent sont pauvres en France, soit 8% des travailleurs et travailleuses.
  • La pauvreté impacte plus particulièrement les femmes qui représentent la majorité des pauvres en France – 53% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire en 2019 selon l’INSEE.
  • La persistance de la pauvreté : selon l’Insee, seules 20% des personnes pauvres sortent durablement de la pauvreté.
  • Le taux de chômage de longue durée : 2,3% pour la France, soit 700 000 personnes.

Qu’est-ce que la grande pauvreté ?

Il n’existe pas de critères officiels, mais on définit généralement la grande pauvreté comme une situation de précarité qui touche durablement plusieurs domaines de l’existence (logement, emploi, santé…), à tel point qu’il est difficile d’en sortir par soi-même.

Sur cette base, l’Insee estime qu’il y a 2 millions de personnes en situation de grande pauvreté en France. Parmi elles, on trouve notamment les 300 000 personnes sans domicile fixe (SDF) que compte la France, d’après la Fondation Abbé Pierre.

Qui sont les personnes pauvres en France ?

La pauvreté touche plus fortement les personnes sans emploi et les familles monoparentales : près de 40% des personnes au chômage, et une famille monoparentale sur trois sont pauvres.

Il y a près de 3 millions d’enfants pauvres en France. Le taux de pauvreté des moins de 18 ans atteint 21% : autrement dit, un enfant sur cinq est pauvre dans notre pays !

Les moyennes nationales cachent des disparités géographiques importantes : ainsi le taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis et la Martinique est proche de 28% – le double de la moyenne nationale… À l’inverse, la Haute-Savoie, la Vendée ou encore les Yvelines ont un taux de pauvreté autour de 9%.

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Les femmes sont particulièrement victimes de la pauvreté

Dans plus de 80% des familles monoparentales, le parent est une femme. Leur taux de pauvreté est en moyenne de 40%, soit un taux deux fois plus élevé que pour les pères seuls.

La situation est bien pire pour les mères sans emploi, pour lesquelles le taux de pauvreté grimpe à 70%. La pauvreté touche aussi plus durement les femmes seules, qui sont 2,5 fois plus nombreuses à être pauvres que les hommes seuls.

Enfin, la pauvreté au travail touche plus durement les femmes : notre rapport « Pauvreté au travail : les femmes en première ligne » publié en 2018 révèle par exemple que les femmes occupent 78% des temps partiels et 70% des CDD et intérims.

Causes et conséquences de la pauvreté en France

Pourquoi les pauvres sont-ils pauvres ? Les causes de la pauvreté sont nombreuses – et parmi elles beaucoup sont systémiques : ainsi, les inégalités femmes-hommes aggravent la pauvreté. Elle s’explique en grande partie à cause d’un système économique injuste et sexiste qui concentre les richesses dans les mains d’une poignée d’hommes. Rappelons qu’en France, les femmes touchent en moyenne 22% de moins que les hommes.

Le racisme dont sont victimes les personnes racisées freine leur accès au logement, à l’éducation de qualité, à l’emploi… Par exemple, à postes et parcours similaires, les personnes portant un nom d’origine maghrébine ont 30% de probabilité en moins d’être rappelées que des personnes ayant un nom à consonance française.

Or l’accès à des services publics de qualité, comme l’éducation, est un levier majeur pour ne pas tomber dans la précarité  : le taux de pauvreté des personnes sans diplôme est 3 fois supérieur à celui des Bac+3 ou plus.

Plus généralement, le système capitaliste nourrit les inégalités et le cycle de la pauvreté. La dérégulation du marché du travail et l’uberisation de l’emploi conduisent à une plus forte précarité, ainsi qu’un report de l’effort fiscal sur celles et ceux qui travaillent. En parallèle, les politiques fiscales décidées au cours des 40 dernières années, ont construit une économie au service des 1% les plus riches. Ainsi, en France, la suppression de l’ISF coûte 3,2 milliards d’euros chaque année à l’État, c’est plus de 8 fois le montant de la baisse des APL.

Comment la crise sanitaire liée au Covid a aggravé la pauvreté et les inégalités

  • Un million de personnes seraient tombées dans la pauvreté, selon les associations caritatives.
  • Pendant le premier confinement, les 20% des Français-es les plus pauvres ont vu leur épargne diminuer de près de 2 milliards d’euros, tandis que les 10% les plus riches voyaient leur fortune augmenter de plus de 25 milliards d’euros
  • Durant la crise du Covid, un-e étudiant-e sur deux estimait ne pas avoir mangé à sa faim de façon répétée.
  • En 2020, jusqu’à 7 millions de personnes auraient eu recours à l’aide alimentaire, soit près de 10% de la population française.
  • Fin avril 2020, 83% des emplois intérimaires avaient été détruits (par-rapport à décembre 2019). Seuls 64% d’entre eux avaient été recréés en juillet 2020.

=> En savoir plus sur l’impact de la crise sanitaire en France

Lutter contre la pauvreté et les inégalités

Après avoir baissé entre 1996 et 2004, la pauvreté est en augmentation quasi constante depuis près de 20 ans. 94% des personnes en situation de grande pauvreté en France bénéficient d’une forme ou d’une autre de prestations sociales. Il est donc urgent de revoir nos politiques fiscales et notre système de redistribution des richesses.

Oxfam a identifié 15 mesures clés, qui permettraient de dégager au moins 65 milliards d’euros supplémentaires par an, sans augmenter la contribution des classes populaires ni des classes moyennes basses. Les réformes présentées dans ce Manifeste permettraient de :

  • Financer les services publics comme la santé et l’éducation, notamment en revalorisant les salaires du personnel de soin et le corps enseignant. La crise sanitaire a montré à la fois la fragilité de l’hôpital public et son caractère essentiel. Mais également la création d’un véritable service public de la petite enfance et construire massivement des places de crèches, essentiels pour réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
  • Renforcer les prestations sociales : revalorisation du RSA et des aides pour le logement, allongement du congé paternité.

Les aides sociales coûtent-elles “un pognon de dingue” à la France ?

Les aides françaises visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion représentaient, en 2018, 32 milliards d’euros.

Cela peut paraître beaucoup, mais à titre de comparaison :

  • La France perd chaque année au moins 80 milliards d’euros à cause de l’évasion fiscale des entreprises et des particuliers
  • En 2020, la fraude fiscale récupérée grâce aux contrôles fiscaux ne s’élevait qu’à 10,7 milliards d’euros
  • Pour le seul RSA (revenu de solidarité active), en 2018, ce sont 750 millions d’euros qui n’ont pas été versés parce que les bénéficiaires potentiels n’en ont pas fait la demande. C’est ce qu’on appelle le “non-recours” aux prestations sociales.

Des mesures à prendre au plus vite pour lutter contre les inégalités et la pauvreté

Taxer les plus riches, pour rendre plus juste la répartition de l’effort fiscal : aujourd’hui, les 0,1% les plus riches de la population payent proportionnellement moins d’impôt que 70% de la population active française.

Lutter contre la fraude et l’évasion fiscales en ciblant les paradis fiscaux y compris au niveau européen.

Mettre en place un ISF climatique : alors que le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50% de la population française, ce sont les plus pauvres qui souffrent le plus du changement climatique.

Faire payer leur juste part aux multinationales, notamment en taxant les super-profits  et en mettant fin aux niches fiscales bénéficiant uniquement aux grandes entreprises

Quand les collectivités locales prennent le relais

Au-delà de l’État, on oublie souvent la capacité d’action des collectivités locales en matière de réduction des inégalités et de lutte contre la pauvreté. Que ce soit à l’échelon des régions, des départements, des métropoles ou même des villes, les collectivités peuvent proposer des initiatives en fonction des thématiques et des périmètres d’intervention.

Ainsi par exemple, la ville de Grigny propose aux jeunes de la municipalité de faire du sport par le biais de “tickets loisirs sport”. Ces tickets ont permis notamment aux jeunes filles de s’ouvrir à la pratique d’un sport ce qui a permis à la municipalité notamment de renforcer l’égalité de genre. Soucieuse de lutter contre la précarité qui touche les jeunes, la métropole de Lyon a mis en place un RSA pour les jeunes qui complète le dispositif national en l’étendant aux jeunes de 18 à 24 ans.

(1) Le revenu médian se situe au milieu de l’échelle des revenus. La moitié de la population gagne moins et l’autre moitié gagne plus.