Taxation des super profits : une mesure pragmatique pour lutter contre la hausse des prix

Un petit nombre d’entreprises réalisent des bénéfices exceptionnels sur le dos de la crise. Pendant ce temps, le prix de nombreux produits du quotidien, notamment dans l’énergie et l’alimentation, explose. Pour y faire face, de nombreux pays européens mettent en place une taxe sur les super profits pour financer des mesures d’aides aux plus précaires. Une mesure pragmatique soutenue par le FMI et l’OCDE, et recommandée par la Commission européenne pour face à la crise. La France se refuse pour le moment à l’idée, et s’entête dans une position anti-impôt qui apparaît plus comme une position dogmatique que réfléchie.

Une inflation qui frappe de plein fouet les plus précaires

Une hausse des prix qui touche tous les secteurs

Depuis plusieurs mois, la plupart des pays du monde sont frappés de plein fouet par une inflation dont personne ne sait combien de temps elle durera ni où jusqu’où les prix vont monter. De nombreux secteurs sont touchés. La France n’y échappe pas. En juillet 2022, selon Que Choisir, les prix de l’alimentation ont augmenté de 7%, l’électricité de 8% et les dépenses en grande surface de 7%. Face à cette flambée, 11% des Français.es sautent parfois des repas et 13% d’entre eux préfèrent repousser certains soins médicaux tandis que 6/10 pensent qu’ils vont devoir baisser leur chauffage cet hiver selon une étude de Destin Commun. Le revenu réel des Français s’est réduit de 1,9% au 1er trimestre 2022. La plus forte baisse des pays de l’OCDE.

Situations de monopoles et flambée des prix

Cette hausse des prix n’est pas le seul résultat de la guerre en Ukraine comme on l’entend souvent. Ainsi les prix des denrées alimentaires comme le blé grimpaient déjà en 2021. C’est dans ce contexte, que certaines grandes entreprises profitant de situation de quasi monopoles dans certains secteurs ont profité de la crise pour gonfler leurs marges. Durant la crise sanitaire, des entreprises en situation de quasi monopole comme Moderna ou Pfizer pour les vaccins contre le Covid-19 ont pu spéculer sur les prix et faire des bénéfices considérables. Même chose dans les secteurs de l’énergie où le prix du baril s’est envolé sur les marchés sans que le coût d’extraction change, ou agro alimentaire dans lequel 4 entreprises détiennent 70% du marché. Cette situation a permis depuis deux ans l’émergence de 573 nouveaux milliardaires qui ont fait fortune grâce aux parts détenus dans ces entreprises et au rachat et à la vente d’actions. Dans le secteur agro alimentaire, la société américaine Cargil compte par exemple 62 milliardaires.

Des bénéfices qui restent néanmoins considérables pour les grandes entreprises

En France, selon l’INSEE, les taux de marge des grandes entreprises n’ont jamais été aussi élevés depuis 70 ans tandis que les dividendes versés par les grandes entreprises battent des records année après année. Au second trimestre de 2022, elles ont atteint un niveau record de 44 milliards de dollars. Ce chiffre pointe l’absence de redistribution des profits au sein même de ces grandes entreprises qui, dans une logique court-termiste, privilégient leurs actionnaires plutôt que leurs salariés dont les salaires augmentent dans des proportions beaucoup moindres que les PDG.

Des superprofits en abondance

Dans ce contexte, les profiteurs de crises sont nombreux. Les profits exceptionnels de ces entreprises ne sont pas issus d’une innovation technologique ou d’un gain de productivité. Ils sont réalisés sur le dos de la crise.. Entre 2020 et 2021, les bénéfices des entreprises du secteur agro alimentaire ont par exemple augmenté de 25 milliards de dollars par rapport à la période 2016 – 2019. Total de son côté a réalisé un bénéfice record de 16 milliards de dollars l’an dernier. Cette année, au bout d’un semestre, l’entreprise a accumulé un bénéfice de 18,8 milliards de dollars. L’entreprise de fret maritime CMA-CGM a réalisé 14 milliards de dollars de profits au 1er semestre 2022, soit autant que sur toute l’année 2021. Ces superprofits ne sont donc pas limités au secteur de l’énergie.

La taxe sur les superprofits, une mesure tout sauf idéologique

Taxer les superprofits, une mesure de solidarité

Taxer les superprofits c’est taxer l’excédent de profit réalisé de façon exceptionnelle par les grandes entreprises dans différents secteurs depuis plusieurs mois.

Il ne s’agit en rien d’une mesure nouvelle. Durant les deux guerres mondiales, une taxe a été prélevée sur les grandes entreprises dans un souci de solidarité pour participer à la reconstruction du pays. Plus récemment, Margaret Thatcher, symbole du libéralisme de la fin du 20ème siècle a elle aussi appliqué une taxe sur les super profits pour financer le budget du pays.

La France isolée par rapport à ses voisins européens

Dans le contexte actuel, la France paraît de plus en plus isolée. Après l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni qui proposent une taxe sur les entreprises du secteur énergétique ou encore la Grèce et la Roumanie, l’Allemagne s’est elle aussi prononcée en faveur d’un prélèvement sur les super profits des grandes entreprises pour soutenir l’effort en temps de crise.

La taxation des superprofits est une mesure avant tout pragmatique. D’une part, ce serait une des solutions pour financer des mesures soutenant les ménages. Que les grandes entreprises paient leur juste part d’impôt et qu’on fasse payer les entreprises plutôt que l’Etat pour éviter de creuser les déficits publics paraît être du bon sens. Elles devraient concerner tous les secteurs où il existe des superprofits, pas uniquement le secteur de l’énergie.

Une taxe sur les superprofits pourrait ainsi limiter la spéculation et  réduire le pouvoir de fixation des prix des multinationales souvent en situation de monopole et contribuer à réduire ainsi l’inflation.

Alors que les salaires réels des français baissent et que les bénéfices exceptionnels alimentent des dividendes records, une taxation des superprofits pourrait aussi relancer un débat autour du partage des richesses et de l’augmentation des salaires.

> Taxation les superprofits : les recommandations d’Oxfam

Réformons la fiscalité en profondeur

Cette mesure tout sauf symbolique ne sera pour autant pas suffisante. Elle doit s’inscrire dans une réforme plus globale de la fiscalité sur le plan national et international. Pour la France, Oxfam a dévoilé il y a quelques mois quinze mesures pour une fiscalité plus juste, verte et féministe. Sur le plan international, deux leviers doivent permettre de réduire les inégalités : l’adoption d’une loi européenne ambitieuse sur l’impôt minimum sur les multinationales et la lutte continue contre l’évasion et la fraude fiscale.