“Le modèle de la famille nucléaire, c’est bien pratique : c’est un modèle de famille avec une femme disponible pour tout.”

Amandine Hancewicz est, autrice, consultante-formatrice à l’égalité femmes-hommes, co-fondatrice et présidente de l’association Parents & Féministes. Elle milite pour une parentalité féministe.

Pourriez-vous nous raconter votre parcours et votre histoire en quelques mots ? 

Quand je suis devenue mère, je me suis dit que ça n’allait pas du tout, qu’il fallait que j’agisse. L’origine de l’association Parents & Féministes, c’est notre vécu de la maternité. C’est beaucoup de colère sur la façon dont le post-partum est organisé. Cette mauvaise organisation sociale génère beaucoup de souffrance, d’isolement et engendre une augmentation des inégalités.

Comment votre association Parents & Féministes œuvre-t-elle pour une parentalité plus féministe et plus égalitaire ?

Notre premier gros travail a été d’agir sur le congé paternité et co-parent en disant que ce n’est pas normal que les mères soient seules après une grossesse et un accouchement. La personne qui l’accompagne doit être un soutien pour la mère qui vient de vivre des mois d’épreuves physiques. 

Il y a aussi tout un travail de circulation de la réflexion. Pour cela, on utilise beaucoup les réseaux sociaux, qui permettent de faire circuler des contenus, des références, des noms d’autrices, des ouvrages etc.
Et enfin il y a les actions de terrain avec des groupes de paroles, pour lutter contre l’isolement qui est très fort en post-partum. La solidarité et le soutien ne peuvent pas s’établir et exister si rien n’est dit. 

En quoi une meilleure répartition du travail domestique est essentielle pour lutter contre les inégalités femmes-hommes, notamment dans le monde du travail ? 

Tout est lié. Le travail domestique permet à la force de travail de se reproduire et donc aux travailleurs d’aller produire. Sans enfants nourris et éduqués, il n’y a pas de force de travail, il n’y a plus de citoyen·ne·s, il n’y a plus de consommateurs·rices. Le modèle de famille nucléaire c’est bien pratique. C’est un modèle de famille avec une femme qui est disponible pour tout, qui s’occupe de tout le monde et d’elle en dernier. C’est une organisation  qui permet aux autres d’être au service du capitalisme. En cela, on peut dire que l’intime est politique.

À vos yeux, quelles sont les mesures essentielles qui pourraient permettre de lutter efficacement et durablement contre ces inégalités ?

L’éducation des garçons sans aucun doute. C’est beaucoup plus dur de redresser un arbre tordu que de le faire pousser droit. Les professionnel.les de l’éducation ne sont pas tou.te.s  formé.es. Il faut aussi accompagner les hommes dans ces changements. Des changements qui peuvent être difficiles quand on a été éduqué dans la normalité des normes sexistes. 

Quels sont, selon vous, les combats essentiels liés à la parentalité aujourd’hui ?

Selon moi, le combat essentiel, c’est de politiser le sujet, de dire qu’il n’y a pas de normalité de la paternité et de la maternité. Les normes qui existent ont été construites donc elles peuvent être reconstruites autrement. Le sujet de la valorisation du “care”, qui est un aspect très fort de la parentalité, est complètement sous-estimé. Il est pourtant essentiel pour les êtres de demain. Ne pas avoir été une personne dont on a pris soin, c’est devenir une personne incapable de prendre soin d’elle et des autres. 

Selon vous, en quoi un plan de relance féministe est indispensable ?

Il faut rétablir quelque chose de correct pour tout le monde, et pour cela, on a besoin de politiques publiques féministes. On vient de vivre un moment de crise sanitaire qui a augmenté fortement et durablement les inégalités, donc sans plan de relance elles vont encore augmenter. Les femmes, qui représentent la moitié de la population, vont rester sur le bord de la route et le train va partir sans elles.

Qu’attendez-vous d’un sommet tel que le Forum Génération Égalité, dont l’objectif principal est de lancer un ensemble d’actions concrètes afin de réaliser des objectifs en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Ce que j’en attends, c’est qu’il puisse permettre au plus grand nombre d’en apprendre davantage sur ces sujets. De nous donner plus de billes, de transmettre aux militants et aux militantes  – qui sont certainement les politiques de demain – , et de faire pression sur la classe politique actuelle. Leur faire comprendre que si elle veut continuer à diriger, elle doit le faire  sans sexisme. À un certain niveau de responsabilités, ne pas être capable d’intégrer les enjeux de genre, c’est être incompétent·e·s.

Pour un plan de relance féministe

Pour que les femmes et les générations futures ne voient pas leur situation se dégrader mais bien progresser, nous demandons à la France, à l’occasion du Forum Génération Égalité et dans les mois qui suivent, d’adopter un plan de relance féministe.

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