Au Forum Génération Egalité, la France rate son rendez-vous pour l’égalité femmes-hommes

Du 30 juin au 2 juillet 2020, s’est tenu à Paris le Forum Génération Égalité. Organisé par l’Onu et co-présidé par la France et le Mexique, ce sommet était censé être le nouveau grand rendez-vous international, 26 ans après la conférence de Pékin, pour faire avancer concrètement l’égalité entre les femmes et les hommes à travers le monde. Quel bilan en retirer ? La France n’a pas été à l’hauteur des enjeux et son rôle, alors qu’elle présidait le sommet, a été bien décevant. On vous explique tout ce qu’il y a à savoir ici ! 

Au Forum Génération Egalité, des engagements pour les droits des femmes largement insuffisants 

Le Forum génération égalité aurait permis de collecter plus de 40 milliards de dollars en faveur de l’égalité femmes-homme à travers le monde.. Au-delà des effets d’annonce, la réelle contribution des Etats à travers des engagements financiers nouveaux semble incertaine. Avec des engagements en matière d’éducation et d’accès à la santé des femmes, la contribution de la France y représente moins de 1% de l’ensemble de ces financements. Une somme très loin des 2,1 milliards de dollars annoncés par la Fondation Gates, à titre d’exemple. 

En comparaison avec le Canada qui a de nouveau réaffirmé sa volonté de mettre en œuvre un plan de relance féministe, Emmanuel Macron n’a même pas délivré de discours sur sa stratégie pour répondre à l’aggravation des inégalités entre les femmes et les hommes en France et dans le monde. Pourtant, de nombreuses organisations avaient souligné la faible prise en compte de l’aggravation des inégalités femmes-hommes dans les plans de relance français. La Fondation des femmes avait montré que seulement 20% du plan de relance de 2020 bénéficiait à des secteurs considérés comme “féminins”.

Au cours du Sommet, la France n’a abordé aucun des enjeux essentiels permettant de faire avancer concrètement l’égalité femmes-hommes : ni les inégalités économiques liées au monde du travail, que ce soit en termes de salaires ou au regard des types de contrat (les femmes étant sur-représentées dans les postes à temps partiel ou à durée déterminée (CDD) ); ni les inégalités au sein du foyer, concernant l’inégal partage des tâches domestiques non-rémunérées ou une parentalité plus égalitaire, des sujets pourtant au cœur de l’émancipation des femmes.

Un rendez-vous loin d’être historique

Le Forum Génération Égalité se voulait dans la continuité d’une série de grands rendez-vous internationaux pour les droits des femmes. Ainsi, dès 1975, a eu lieu au Mexique la “première conférence mondiale sur les femmes”. Mais c’est la conférence qui se tiendra à Pékin 20 ans plus tard, en 1995, qui fera date par sa déclaration et son plan d’action jugés comme l’un des plus progressistes en faveur des droits des femmes. 

Mais le rendez-vous a été manqué et sera très loin de marquer l’histoire. Nous sommes bien loin de l’impulsion donnée par la conférence de Pékin, il y a de cela 26 ans. L’écho même du Forum, auprès de l’opinion publique française ou dans les médias, est bien loin de l’urgence de la situation et de l’importance des enjeux traités. Seuls 3% des francais·es savaient ce qu’était le Forum Génération Egalité, à quelques jours de celui-ci. Ce silence, cette absence de communication gouvernementale et de sensibilisation du public sur un sommet pourtant essentiel, nous l’avons d’ailleurs dénoncé dans une tribune dans Le Monde, avec 12 organisations et personnalités partenaires. Passer sous silence le rendez-vous international en faveur des droits des femmes n’est pas acceptable, à l’heure où celles-ci paient le plus lourd tribut de la crise. 

Des inégalités femmes-hommes aggravées par la pandémie de Covid-19 

Malgré les engagements ambitieux pris à Pékin par plusieurs pays du monde entier, les progrès en matière d’égalité femmes-hommes se sont fait d’une manière lente et avec de fortes disparités selon les pays. La crise liée au Covid-19 n’a pas seulement mis un frein à cette progression mais elle a entrainé un recul net pour l’égalité de genre.

D’après le Forum économique mondiale, la pandémie de Covid-19 a fait perdre une génération entière à l’atteinte de l’égalité. Il faudra maintenant attendre 135,6 ans avant de parvenir à cette égalité, pourtant essentielle à nos sociétés. Selon les Nations unies, 435 millions de femmes dans le monde vivent aujourd’hui sous le seuil de l’extrême pauvreté, dont 47 millions à cause de la crise du Covid-19. 

En France, la situation n’est guère enviable. D’après une étude que nous avons mené, un tiers des femmes a dû arrêter son activité professionnelle à cause de la pandémie entre 2020 et 2021, aggravant la situation de précarité et d’instabilité dans laquelle vivaient déjà des millions des femmes. Selon l’Observatoire des inégalités, il fallait au moins 50 ans à une femme pour que son salaire soit équivalent à celui d’un homme dans un travail à temps complet, et cela en 2018, avant même la pandémie.

Face à cette aggravation des inégalités économiques et sociales, et à l’explosion des violences conjugales, le Forum Génération Égalité représentait une opportunité politique pour que les dirigeants du monde entier s’engagent résolument pour les droits des femmes. Il pouvait marquer un tournant historique majeur, mais faute de volonté politique et malgré les engagements de certains pays, nous ne pouvons dresser qu’un bilan mitigé,. Cela est d’autant plus vrai pour  la France, dont le président Emmanuel Macron avait fait de l’égalité des sexes une priorité de son quinquennat.

L’égalité femmes-hommes ne peut plus attendre : il faut un vrai plan de relance feministe !

Malgré l’échec du Forum Génération Egalité, Oxfam France poursuivra son combat pour les droits des femmes. Un plan de relance féministe est indispensable au regard de la situation et de la “récession au féminin” que nous observons, et nous poursuivrons notre mobilisation pour l’obtenir. 

Décharger les femmes des tâches domestiques non rémunérées via notamment le développement des services publics, corriger les inégalités criantes au sein des entreprises, en conditionnant par exemple les aides publiques qu’elles perçoivent au respect de l’égalité femmes-hommes, et augmenter les financements dédiés aux droits des femmes dans les pays en développement : telles sont les demandes que nous défendons et que nous continuerons de porter.

Nous continuerons notre mobilisation pour que les femmes ne soient pas les grandes oubliées de cette crise. Il est temps de passer de la parole aux actes et des actes aux financements.

En savoir plus sur notre campagne en faveur des droits des femmes