« On a besoin de politiques publiques dès le plus jeune âge : rendre systémique la sensibilisation à la non-violence »

Caroline De Haas est militante féministe et fondatrice du collectif “Nous toutes” qui vise à en finir avec les violences sexistes et sexuelles. Elle en est persuadée : les mobilisations d’aujourd’hui contre les violences sont en train de préparer la société de demain.

Pourriez-vous nous raconter votre parcours, votre histoire en quelques mots ?

Je suis militante féministe. J’ai fondé quelques collectifs, le dernier en date est le collectif “#NousToutes” qui vise à en finir avec les violences sexistes et sexuelles.
J’ai aussi beaucoup milité au sein de syndicats ou dans des mouvements sociaux comme celui contre la Loi Travail en France. En plus de cela, j’ai un parcours professionnel de cheffe d’entreprise, plus spécifiquement dans le domaine de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Vous êtes aussi l’autrice du livre En finir avec les violences sexistes et sexuelles, pourquoi ce manuel ?

L’objectif de ce manuel est de donner des outils à la fois théoriques et très pratico-pratiques pour en finir avec les violences. Mon diagnostic est que nous sommes dans un pays où le niveau de mobilisation est important sur ces questions-là mais les politiques publiques n’ont pas suivi. Le gouvernement fait beaucoup de bruit et communique sur les violences mais cela ne déclenche pas de nouvelles politiques publiques ambitieuses et financées. La stratégie que nous avons à #NousToutes, et ce livre en est un peu l’incarnation, c’est de se dire que : puisque le gouvernement ne met pas les moyens sur la table, on va le faire nous-même. On va se former, on va s’informer, se documenter pour pouvoir agir à notre niveau.

Le terme de féminicide s’est imposé dans le débat public, il y a eu des mobilisations autour de cela, mais comment expliquer que des mesures fortes ne soient pas encore adoptées pour lutter contre cette violence extrême de genre ?

On demande à 60 millions de personnes de changer leur comportement en même temps. C’est un enjeu majeur qui demande des moyens financiers et une mobilisation inédite des pouvoirs publics. Aussi majeure que quand on a voulu changer les comportements sur la sécurité routière, ou encore sur le tabac… Cela ne va pas se faire juste avec des campagnes d’activistes. On a besoin de politiques publiques dès le plus jeune âge mais aussi en matière de formation des professionnels. Les personnes vers lesquelles se dirigent les femmes victimes de violences ne sont pas forcément outillées pour détecter la violence ou pour les orienter vers les bonnes associations.

Est-ce que l’on peut rester optimiste ?

S’il on n’est pas optimiste et que l’on s’engage contre les violences on finit par déprimer totalement. Pour moi l’optimisme, c’est une position politique. J’ai décidé de l’être. J’ai le sentiment que ça bouge, que les choses bougent très rapidement dans la société. Qu’au travers de toutes les actions de mobilisation que l’on mène, à travers les livres, les manifestations, on est en train de préparer la société de demain. Par exemple, en 2017, la vague #Metoo, qui reprenait un slogan de Tarana Burke lancé quelques années auparavant, a été un déclencheur mondial. En France, nous avons mis un petit peu de temps à démarrer. #NousToutes est née de ça. Justement pour que la France ne soit pas un pays où l’on ne fasse rien car cela n’était pas possible.

Quelles sont selon vous les principaux éléments, les principales mesures à mettre en place pour “en finir” avec les violences sexistes et sexuelles ?

Alors, si demain je suis Présidente de la République je demande qu’à la rentrée suivante soit mis en place un dispositif de formation et de sensibilisation contre les violences, dans toutes les écoles et ce dès le plus jeune âge. Ensuite, je voudrais lancer un plan de formation en interne des forces de l’ordre, des magistrats, des professionnels de santé pour que dans les 5 ans qui viennent, une majorité des professionnels aient accès à une formation de ce type. La troisième mesure que je prendrais c’est de faire en sorte que les outils existants soient utilisés. Je prends l’exemple de l’ordonnance de protection qui permet à une femme victime de violence au sein du couple d’être protégé et d’éloigner son mari violent. En Espagne, ils en délivrent plus de 20 000 par an, nous on est à 3 000.

Et en quoi un plan de relance féministe est indispensable selon vous ?

Oui un plan de relance féministe est indispensable. Là où je suis un peu dubitative c’est que je pense que le gouvernement actuel ne le fera pas. Ce gouvernement n’est pas féministe. Depuis qu’il a été élu, il n’a pas mis en place de mesures structurelles sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour un plan de relance féministe

Pour que les femmes et les générations futures ne voient pas leur situation se dégrader mais bien progresser, nous vous demandons à la France, à l’occasion du Forum Génération Égalité et dans les mois qui suivent, d’adopter un plan de relance féministe.

Je signe !