“La maternité est un sujet éminemment politique”

Claire Tran est actrice, cofondatrice et porte-parole de l’association Parents & Féministes. Elle milite pour  une parentalité égalitaire et pour une éducation non-sexiste.

Pourriez-vous nous raconter votre parcours et votre histoire en quelques mots et la genèse de l’association Parents & Féministes ?

L’association Parents & Féministes, je l’ai cofondée avec d’autres mères après l’arrivée de mon fils. C’est justement en devenant mère que j’ai eu une prise de conscience féministe très forte, une envie de m’engager irrépressible. On s’est rendues compte que la maternité, c’était un peu l’angle mort du féminisme. On était toutes motivées par les mêmes choses, à savoir : la déception et la colère de ne pas avoir été bien préparées ni soutenues à l’arrivée de nos enfants. 

Mon engagement féministe est venue en devenant mère.  Je me suis rendue compte que l’égalité que je croyais acquise a volé en éclat à l’arrivée de mon premier enfant.

Comme de nombreuses femmes, vous jonglez entre vie professionnelle et vie de maman : quels sont les principaux obstacles et difficultés que cela engendre selon vous ?

Ma colère et ma déception sont nées du fait que je ne m’attendais pas du tout à être confrontée à des obstacles. On nous vend la maternité comme quelque chose de merveilleux, d’heureux, de naturel, une expérience intime. Mais ce n’est pas que ça. Ca a été beaucoup d’obstacles, de souffrance, de solitude. Et justement la maternité pour moi est éminemment politique et pas forcément de l’ordre de l’intime. En disant cela, c’est dépolitiser le sujet et donc éviter la prise de responsabilités des pouvoirs publics à l’égard des femmes et des familles. C’est parce que j’ai été confrontée à ces obstacles et que j’ai vu mes amies en difficulté que j’ai eu envie de m’engager. Et c’est en réfléchissant à ce que c’était que d’être une mère et une femme en France que j’ai identifié les problèmes de conciliation vie personnelle / vie professionnelle, de la charge mentale qui incombe énormément aux femmes, mais aussi la charge affective, émotionnelle, sexuelle. 

Avez-vous trouvé des moyens de surmonter ces inégalités dans votre quotidien ? Et quelles sont, à vos yeux,  les mesures essentielles qui pourraient permettre de lutter efficacement et durablement contre ces inégalités ?

Personnellement, j’ai trouvé le moyen de surmonter ces difficultés en créant une association. Mais tout le monde n’a pas envie de faire ça. Les moyens de les surmonter au quotidien pour moi, c’est militer, libérer la parole et c’est l’action de l’association. Mais il faut une responsabilisation de l’Etat. Puisque la France mène une politique nataliste, elle devrait soutenir véritablement la parentalité. Les responsables politiques doivent faire en sorte que les parents puissent accueillir leurs enfants dans de bonnes conditions, surtout auprès des populations défavorisées. Ça passe par une politique de santé publique : de la prévention, de l’action, et des moyens. Et une réforme ambitieuse des congés parentaux, qui aille plus loin que ce qui est prévu actuellement.

En tant que mère mais aussi en tant que femme, qu’est-ce qui vous révolte aujourd’hui et quels sont les combats à mener autour de la parentalité ?

Tout d’abord le sexisme dès le plus jeune âge. J’ai du mal à accepter le fait que la société pressurise les garçons avec les normes de masculinité toxique et une certaine idée  de la virilité. Aujourd’hui je pense vraiment qu’une déconstruction est nécessaire pour que les petits garçons puissent grandir libres et heureux. Ils s’auto-censurent parce qu’ils sentent que ce n’est pas ce qu’on attend d’eux d’être sensible, calme, gentil, d’être attentionné. Ils pensent que le “soin”, le “care”, c’est le domaine du féminin. Et on leur fait comprendre que tout ce qui est soi-disant féminin a moins de valeur. Cette hiérarchisation est ensuite intériorisé, tout au long de la vie.

Ce qui me révolte aussi, c’est le nombre très élevé de dépression post-partum en France qui est de 15 à 20%. Il faut une meilleure prévention et prise en charge des dépressions post partum et une meilleure formation des gynécologues et sage-femmes pour plus de bienveillance et de connaissance de la physiologie des femmes. 

Enfin, je suis révoltée par le retard qu’a la France en termes de congé paternité et congé parental. Nous voulons un congé paternité / co-parent aligné sur le congé maternité. Si les deux parents ont la même durée de congés, ils apprennent à s’occuper de l’enfant de la même façon. L’allongement et la protection du congé paternité / co-parent est un véritable levier pour l’égalité femmes-hommes dans les entreprises et dans le foyer.

 Selon vous, en quoi un plan de relance féministe est indispensable ?

C’est impensable de ne pas penser une politique publique sans regarder la société par le prisme du genre et prendre en compte les besoins des femmes qui constituent plus de la moitié de la population. Le sexisme est tellement ancré, il faut rebâtir une société et une économie non sexiste et incluant véritablement les femmes à des postes à responsabilité et de pouvoir. 

Qu’attendez-vous d’un sommet tel que le Forum Génération Égalité, dont l’objectif principal est de lancer un ensemble d’actions concrètes afin de réaliser des objectifs en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Concrètement, l’association Parents & Féministes aimerait qu’il y ait des propositions pour améliorer le congé paternité actuel. Mais aussi de mettre en place des formations obligatoires au sein de l’Education Nationale pour faire appliquer systématiquement une éducation non sexiste à l’école. On veut que ce sommet aille au-delà des effets d’annonces, de la communication dont on a l’habitude. Il faut que  ce soit un vrai moment de réflexion, que propositions concrètes soient mises en place et puissent être vraiment applicables.

Pour un plan de relance féministe

Pour que les femmes et les générations futures ne voient pas leur situation se dégrader mais bien progresser, nous demandons à la France, à l’occasion du Forum Génération Égalité et dans les mois qui suivent, d’adopter un plan de relance féministe.

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