Dans le monde, les violences basées sur le genre montent en flèche

Les effets de la Covid-19 ont été néfastes à plus d’un égard. Plus de 5 millions de personnes sont mortes à cause de la pandémie à travers le monde. Différents pays font face à une recrudescence du nombre de contaminations et commencent à imposer de nouveau des mesures de plus en plus restrictives pour les libertés des individus.

Derrière la pandémie, un autre fléau a continué à sévir presque toutes les sociétés à l’échelle mondiale : les violences basées sur le genre ont augmenté durant cette crise sanitaire faisant une fois de plus des femmes – y compris celles qui sont mineurs ou transgenres – ainsi que des populations LGBTQIA+ les premières victimes.

Violence basée sur le genre : de quoi parle-t-on ?

Les violences basées sur le genre ou VBG englobent tout acte de violence physique, psychologique, sexuelle envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe ou du choix qu’ils ou elles font de leur genre. Ce type de violences est aujourd’hui ancré dans les normes sociales et dans beaucoup des cas formalisé par les lois, les politiques et les réglementations des institutions sociales.

Outre les impacts psychologiques et physiques qui dans beaucoup des cas peuvent entraîner la mort des victimes, les violences basées sur le genre ont aussi des conséquences sur leur vie sociale et leur situation économique. Les victimes peuvent se trouver coupées de leurs communautés, de leurs familles ou de la société par leurs agresseurs renforçant de cette manière leurs liens de dépendance et de vulnérabilité à son égard.

Quelle est la situation en France ?

  • En France, les violences conjugales ont augmenté de 10% sur l’année 2020, selon le ministère de l’Intérieur. Environ 87% des victimes de violences conjugales sont des femmes.
  • Chaque année, plus de 210 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex conjoint, selon la Fondation des Femmes.
  • En 2019, selon les chiffres Nous Toutes, 152 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en France.

La crise sanitaire a fait exploser les violences basées sur le genre

La crise sanitaire liée au Covid-19 a eu des multiples impacts au niveau sociétal partout dans le monde. Les différentes mesures imposées par les gouvernements pour lutter contre la pandémie, comme les couvre-feux, les fermetures des lieux de socialisation, les confinements, ont fait augmenter les niveaux d’anxiété, de stress, d’isolement et de précarité ainsi que la consommation d’alcool et des drogues provoquant une augmentation considérable dans les cas des violences domestiques dans la plupart des pays au monde.

D’après les résultats de notre dernier rapport “Une autre pandémie” qui analyse la situation de la violence basée sur le genre dans 10 pays, nous avons constaté que les appels aux lignes d’aide disponibles pour les victimes ont grimpé entre 25% et 111% en fonction du lieu examiné. En Colombie par exemple, l’augmentation était de 79%. La France, qui avait déjà l’un des taux les plus élevés de violence domestique en Europe, enregistrait déjà en juin 2020 une augmentation des violences conjugales de 30%.

Pire, ces chiffres pourraient être sous-estimés, les femmes ou les personnes transgenres ou LGBTQIA+ ne voulant pas dénoncer les agressions dont elles sont victimes ou n’ayant à leur disposition les mécanismes effectives pour les signaler.

Dans la plupart des pays en développement, les gouvernements n’ont pas pu mettre en place des mécanismes d’aide économique pour leurs citoyens pendant les différents confinements. Cela a contraint des millions de femmes à braver les couvre-feux ou les confinements pour assurer tout simplement leur subsistance. Plus de 90% des femmes travailleuses dans les pays en développement se trouvent dans le secteur informel. Ainsi, outre les agressions subies par leurs partenaires, beaucoup des femmes ont été victimes des cas de violence et d’harcèlement par les forces de l’ordre et de sécurité qui étaient censées faire respecter les différentes mesures restrictives des libertés mises en place par les gouvernements.

La forte hausse des violences a affecté de manière disproportionnée les personnes qui étaient déjà les plus susceptibles de se retrouver confrontées à ce type de violences, notamment celles qui se trouvent à l’intersection de plusieurs oppressions basées sur le genre, la race, la classe sociale et l’orientation sexuelle, entre autres. C’est par exemple le cas des personnes ne disposant pas d’un logement sûr et stable, qui sont généralement des personnes LGBTQIA+ et issues de groupes raciaux marginalisés, et des femmes résidant dans des contextes fragiles et en zones de conflits.

Les militantes des droits des femmes : une cible privilégiée

Plusieurs gouvernements ont profité de la pandémie pour adopter des mesures restreignant ou interdisant l’utilisation de l’espace public pour l’organisation ou la tenue des manifestations à caractère revendicatif. Cette gestion sécuritaire et disproportionnée de la pandémie dans certains contextes s’est vue aggravée par la présence des groupes armées non-étatiques qui ont assumé, souvent dans les zones rurales, un rôle de contrôle et de répression des activistes et des militantes. En Colombie, par exemple, un des lieux les plus dangereux au monde pour les défenseures des droits humains, beaucoup de femmes luttant pour leurs terres et contre les industries extractives ont été victimes des violations des droits humains commises par ces groupes.

Face à la limitation de l’espace public, les gouvernements ont cherché aussi à réprimer les nouvelles formes d’activisme et de mobilisation qui ont surgi sur Internet. Ils ont coupé l’accès à Internet, bloqué certains sites web, harcelé, menacé et  surveillé des activistes, des militantes et des journalistes. Cette répression ne s’est pas réduite à la seule sphère numérique, mais plusieurs femmes ont été détenues, incarcérées, et pour certaines d’entre elles, portées comme disparues à cause de leur engagement.

Aller plus loin : 

> Lire notre interview de Caroline de Haas, militante féministe Nous Toutes

Quel rôle pour les gouvernements dans la lutte contre les violences basées sur le genre ?

Des engagements dangereusement insuffisants des pouvoirs politiques

Plusieurs gouvernements ont annoncé à plusieurs reprises leur engagement résolu pour lutter contre les violences dont sont victimes les femmes, les personnes transgenre et ceux et celles qui appartiennent à la communauté LGTBQTIA+. Malheureusement, il n’y a pas une traduction concrète de ces engagements. Loin de là, les chiffres montrent une négligence inacceptable de la part des Etats pour mieux protéger leurs populations de ce type de violences.

A l’échelle globale, le budget alloué à la lutte contre les violences basées sur le genre n’a représenté que 0,0002 % des 26 700 milliards de dollars de fonds consacrés à la réponse au coronavirus. Une somme dérisoire vu l’ampleur du problème.

Les organisations de défense des droits des femmes ont subi en outre des coupes budgétaires imposées par les gouvernements et ont été écartées des processus de prise de décision au sein des groupes de travaux mis en place pour faire face à la pandémie dans la plupart des pays examinés.  D’après une étude mené par le PNUD et ONU Femmes sur 225 groupes de travail sur le coronavirus répartis dans 137 pays et territoires, seuls 4,4 % étaient paritaires, 84 % étaient composés d’une majorité d’hommes, et dans 24 pays, ces groupes ne comptaient aucune femme, ce qui a eu pour conséquence l’effacement des thématiques essentielles touchant les femmes, comme les violences basées sur le genre et le travail de soin non rémunéré.

Alors même que les cas de violence basée sur le genre explosaient, les organisations de défense des droits des femmes se sont trouvées dans la situation paradoxale de devoir faire plus, au sein d’un contexte de plus en plus dur, avec toujours moins de moyens et sans la capacité réelle et effective de pouvoir peser sur la prise des décisions.

D’après une enquête d’Oxfam, 222 organisations de défense des droits des femmes ont évoqué un accès de plus en plus réduit aux espaces de prise de décisions, un amenuisement des financements et des ressources, des problèmes opérationnels et logistiques, comme un faible accès à Internet compliquant le télétravail, ou encore un impact sur la santé mentale et la vie sociale de leur personnel. Sur ces organisations, 33 % avaient dû licencier du personnel et 9 % avaient dû fermer.

Mais tout n’est pas perdu !

Pendant la pandémie, quelques pays ont pris des mesures destinées à lutter contre les violences basées sur le genre. Ainsi, la Nouvelle-Zelande a instauré des protocoles nationaux pour mieux protéger les victimes et a déclaré l’activité des personnes leur venant en aide comme une activité essentielle, ce qui leur permettait d’avoir accès à des fonds d’urgence ou à pouvoir se déplacer plus librement lors des confinements. De son côté, l’Afrique du Sud a mis en place des mécanismes pour renforcer la capacité des victimes à signaler et dénoncer les agressions qu’elles subissent.

Pour lutter efficacement contre les violences basées sur le genre et protéger les personnes principalement concernées, les gouvernements doivent notamment impérativement adopter des plans de relance entièrement féministes qui prévoient les moyens suffisants pour lutter efficacement contre les violence à l’égard des femmes – y compris les filles et les femmes transgenre – ainsi que de ceux et celles appartenant à la communauté LGBTQIA+.