Levier de lutte contre les inégalités femmes-hommes : La France doit renforcer son congé paternité !

Afin de réduire les discriminations liées à la parentalité dans les entreprises et l’assignation des femmes au travail domestique, Oxfam défend une solution concrète : l’allongement du congé paternité / second parent. Une répartition équitable des congés parentaux est un levier puissant pour une parentalité égalitaire et in fine la réduction des inégalités femmes-hommes.

Une parentalité toujours inégalitaire

Le travail domestique non rémunéré, principal cause des inégalités dans le monde professionnel.

Dans le monde, les femmes assurent plus des 3 quarts du travail domestique non rémunéré, notamment la garde et l’éducation des enfants. Les Françaises font face aux mêmes inégalités : elles consacrent en moyenne 1h26 par jour aux tâches domestiques de plus que les hommes. Malgré des évolutions, les femmes continuent de devoir arrêter de travailler où sacrifier leur carrière à cause de la maternité. En France, toujours 21% des femmes ne travaillent pas à cause des responsabilités familiales.

Cette assignation aux tâches domestiques et à la maternité est l’une des principales causes des inégalités économiques que subissent les femmes. En plus de l’isolement, les femmes font également face à une double discrimination dans le monde du travail :

  • Le “risque maternité” : pour éviter de plus longues absences liées au congé maternité et des horaires impactés par les obligations endossées par les jeunes mères, les employeurs préfèrent embaucher et promouvoir des hommes – moins touchés par les obligations de la parentalité. Pour de nombreuses femmes, la maternité est un frein à l’évolution professionnelle et la cause des inégalités de salaires.
  • L’assignation à des contrats précaires : la faiblesse des congés parentaux associée à un manque d’infrastructures d’accueil des enfants poussent les femmes à privilégier les emplois à temps partiels pour pouvoir articuler vie familiale et vie professionnelle. Ces contrats précaires et une carrière hachée constituent un manque à gagner pour les femmes, qui se fait sentir tout au long de leur vie professionnelle mais aussi au moment de la retraite.

La France doit allonger et renforcer son congé paternité !

Une réforme du congé paternité encore largement insuffisante

Le 01 juillet 2021, le congé paternité / second parent est passé de 11 à 28 jours en France, dont seulement 7 jours obligatoires. S’il s’agit d’une avancée, elle reste largement insuffisante pour rééquilibrer le “risque maternité” qui pèsent sur les femmes et pour diminuer les conséquences négatives sur leurs conditions d’emploi.

En effet, le rapport “Les 1000 premiers jours, là où tout commence”, publié par la commission des 1000 premiers jours en septembre 2020, préconisait 9 semaines de congé paternité / second parent ; un rapport de 2018 de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) recommandait un congé paternité de 6 semaines, obligatoires et entièrement rémunéré et l’UNICEF demande un congé parental payé d’au moins six mois pour les deux parents.

La présence du second parent durant les premiers mois de l’enfant favorise, selon de nombreuses études, une meilleure répartition des tâches domestiques dans le couple par la suite. Les 28 jours accordés par le gouvernement sont donc largement insuffisants pour atteindre l’égalité des droits, de répartition des tâches domestiques et parentales et pour éviter les discriminations dans le cadre du travail.

Si la durée du congé paternité / second parent est problématique, il ne s’agit pas là du seul frein pour le deuxième parent. En effet, depuis la dernière réforme des congés parentaux de 2015, moins de 1% des pères demandaient un congé parental à plein temps. Seuls 48% des pères en CDD et 30% des pères indépendants le prennent, redoutant de ne pas voir leur contrat renouvelé et en raison d’une indemnisation à 56€ par jour seulement.

Pour finir, et selon l’OFCE, le congé parental est encore considéré par la société comme “une affaire de femme”. Aujourd’hui encore, les hommes sont soumis à de nombreux stéréotypes liés à la paternité et subissent parfois des stigmatisations dans le milieu professionnel. Rendre un quart de sa durée obligatoire n’incite que peu les hommes à l’utiliser et renforce le non recours aux congés par les pères du fait d’un biais genré de la parentalité.

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Bruno Le Maire au Forum Elle Active le 8 octobre 2021 en réponse à une question sur le congé paternité obligatoire :

« Je vais reprendre ma casquette de ministre des finances. Moi je suis très pour sur le principe, mais cette obligation de congé parental ça nous coûte une fortune on est dans l’ordre du demi-milliard d’euros. Sur le principe je n’ai aucune absolument aucune difficulté, mais trouvez-moi un demi-milliard d’euros puis on le fera très volontiers. »

La France, à la traîne en Europe

La France, avec son congé paternité / second parent à 28 jours figure parmi les mauvais élèves européens :

  • L’Espagne a un congé paternité d’une durée de 16 semaines – la même durée que la mère biologique, ce qui est 4 fois plus long qu’en France ;
  • La Finlande a adopté un congé paternité de 7 mois, un congé égal aux deux parents et indemnisé ;
  • Le Portugal n’est qu’à 25 jours de congé mais avec 20 jours obligatoires, ce qui reste supérieur à la France ;
  • La Suède et le Danemark possèdent respectivement des congés second parent d’une durée de 12 à 78 semaines et de 2 à 34 semaines.

Par ailleurs, rappelons que la France s’était opposée en 2018 à un projet de directive européenne pour réformer de manière ambitieuse le congé parental.

Oxfam appelle donc à un allongement significatif du congé paternité / second parent, obligatoire, rémunéré et équitablement réparti entre les parents. Cela permettrait de réduire significativement les inégalités entre les femmes et les hommes.