Figure incontournable du militantisme LGBTQIA+, Marsha P. Johnson (1945–1992) est aujourd’hui reconnue comme l’une des fondatrices du mouvement pour les droits des personnes trans et queer. Militante et drag queen, elle a consacré sa vie à lutter contre les violences systémiques.
Une jeunesse marquée par l’exclusion

De l’enfance au départ pour New York
Marsha P. Johnson naît en 1945, dans le New Jersey. Très tôt, elle est confrontée au rejet : en tant que personne noire, assignée homme à la naissance, elle explore le travestissement dès l’enfance mais est moquée et marginalisée.
À 18 ans, elle quitte ainsi son foyer familial et s’installe à New York, dans le quartier de Greenwich Village. Privée d’accès à l’emploi et d’un logement stable, Marsha survit en se prostituant. C’est à ce moment qu’elle adopte le nom de Johnson figurant sur la devanture d’un restaurant populaire et ajoute le P pour Pay it no mind – « N’y fais pas attention », en réponse aux questions intrusives sur son genre. Elle rencontre alors Sylvia Rivera, une militante hispanique américaine pour les droits des personnes trans aujourd’hui honorée comme une des « mères de toutes les personnes gays ». Les deux deviendront inséparables et formeront un duo militant emblématique.
Stonewall : de l’indignation à la révolte
Le 28 juin 1969, le bar Stonewall Inn, fréquenté par des personnes queer, est la cible d’une énième descente de police. La force des violences policières et arrestations arbitraires suscitent l’indignation et dégénèrent en affrontements. À cette époque, la persécution et criminalisation des personnes trans est quotidienne. Ces dernières sont ouvertement, librement et régulièrement harcelées par les forces de l’ordre. Malgré la répression policière, les émeutes de Stonewall dureront plusieurs jours et Marsha P. Johnson est en première ligne. Cet événement devient un tournant dans la lutte LGBTQIA+ et donnera naissance aux premières marches des fiertés. Mais rapidement, Marsha et d’autres figures trans, drag et racisées sont évincées des récits et des commémorations officielles.

Créer des foyers et des lieux de résistance
La STAR : un collectif révolutionnaire pour les jeunes trans et queer sans-abri
Pour prolonger la lutte, Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera fondent en 1970 la Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR). Ce collectif vise à offrir protection et hébergement aux jeunes trans et queers sans-abris. Le squat qu’elles occupent, surnommé STAR House, devient un refuge et un lieu de solidarité. Cette initiative communautaire est visionnaire. Bien avant les pouvoirs publics, Marsha comprend que la transphobie est structurelle : elle isole, précarise, et tue. Elle milite aussi pour les personnes vivant avec le VIH/sida, rejoignant l’organisation ACT UP dans les années 1980.
Une militante invisible aux yeux du grand public
Loin de la reconnaissance médiatique qu’elle connaît aujourd’hui, Marsha performe sur scène avec la troupe de théâtre drag Hot Peaches. Elle vit dans la rue et devient une figure culte de l’underground new-yorkais. En 1974, Andy Warhol la photographie pour sa série consacrée aux drags queens. Mais en dehors des cercles militants, elle reste largement invisible.
L’héritage de Marsha P. Johnson
Une mort encore entourée de zones d’ombre
Le 6 juillet 1992, peu après la marche des fiertés de New York, le corps de Marsha est retrouvé flottant dans l’Hudson River. La police classe rapidement l’affaire comme un suicide, sans enquête sérieuse. Grâce à la mobilisation militante, l’affaire est rouverte dix ans plus tard, en 2012. Mais à ce jour, les circonstances exactes de sa mort restent floues et la cause qualifiée d’indéterminée. Les crimes transphobes sont à l’époque tragiquement courants et ignorés des médias, des personnalités politiques voire des services de police.
Des personnes trans encore largement discriminées aujourd’hui
En France et dans le monde, les personnes trans continuent de subir des discriminations systémiques. Elles sont plus souvent victimes de violences physiques et verbales, de harcèlement, de refus de soins, de discriminations à l’emploi, et souffrent d’un fort isolement social. Beaucoup vivent dans la précarité ou sont sans-abri. Les femmes trans, en particulier racisées, sont exposées à des risques accrus.
Malgré certaines avancées, l’accès aux droits reste fragile et inégalement appliqué. Les personnes trans doivent souvent se battre pour exister, se faire reconnaître, se faire soigner et s‘intégrer. Les discriminations croisées – transphobie, racisme, classisme – dont a été victime Marsha P. Johnson rendent ce combat encore plus périlleux.
Marsha P. Johnson, une figure lumineuse de résistance
« Je n’étais personne, jusqu’à ce que je devienne une drag queen », disait Marsha. Par son existence et son courage, elle a défié les normes de genre, les rapports de pouvoir et les silences politiques. Elle n’a jamais cessé d‘être solidaire envers les plus vulnérables, de réclamer justice et de célébrer les luttes. Aujourd’hui, Marsha P. Johnson incarne une icône historique des combats queer et trans.










