Vers une augmentation croissante du nombre de « réfugiés climatiques »

Les déplacements forcés causés par des catastrophes environnementales ont toujours existé. Que ce soit à cause d’ouragans ou pour s’adapter à des environnements très limités en ressources naturelles, partout dans le monde, les sociétés ont trouvé dans la migration une voie pour s’adapter au dérèglement climat et aux multiples défis qu’il induit. Mais depuis des décennies, les effets de l’activité humaine sur le climat ont entraîné une multiplication des événements climatiques extrêmes, forçant des millions de personnes à tout laisser derrière elles. Aujourd’hui, des centaines de milliers de personnes sont devenues des « réfugiés climatiques », une triste tendance qui ne cesse de prendre de l’ampleur, partout.

Le manque de cadre et de réponse à l’échelle internationale est un grave déni de réalité face à une menace globale.

Réfugié.e.s climatiques : de qui parle-t-on ?

Qu’est-ce qu’un.e réfugié.e climatique ?

Définition
Même s’il n’existe pas une définition aussi claire et précise que pour le cas de « réfugié », on s’accorde à dire qu’un réfugié climatique est une personne qui se retrouve dans une situation dans laquelle sa sécurité ou sa vie sont en danger, se voit forcée de quitter son foyer pour se déplacer vers d’autres régions du pays ou vers d’autres pays, du aux conséquences des changements climatiques causés par l’action humaine.

Réfugié.e.s climatiques : des chiffres en constante augmentation

Les déplacements forcés liés aux changements climatiques ne sont plus ni une hypothèse ni une projection. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés calcule qu’en moyenne, depuis 2008, 21,5 millions de personnes ont été déplacées chaque année de force, à cause de catastrophes telles que des inondations, des tempêtes, des incendies ou des températures extrêmes.

La situation risque d’empirer fortement. Aucune des projections proposées par les institutions compétentes ne diminue ce nombre. Au contraire, il augmente considérablement. Les projections présentent une progression qui va de 260 millions de réfugiés climatiques en 2030, jusqu’à 1,2 milliards en 2050.

Le changement climatique est de plus un multiplicateur de risques. Il est lié à des contextes de conflits ou tensions, qui provoquent de graves crises alimentaires ou humanitaires, elles-mêmes causes de déplacements forcés.

Pourtant, et malgré les évidences et les alertes, le statut de « réfugié climatique » n’existe que dans la réalité, dans les faits, puisqu’aucun accord de profondeur a été convenu internationalement qui permette de protéger ces réfugiés du XXI siècle.

Des « réfugié.e.s climatiques » dans le monde, mais aussi en France 

Toutes les régions côtières du monde seront impactées par la montée du niveau de la mer à un niveau ou un autre. Grâce aux rapports réguliers du GIEC et aux simulations du Surging Seas, nous pouvons évaluer la montée du niveau de la mer en fonction des différents scénarios d’émissions d’ici 2050 et 2100.

La France n’est pas épargnée. Les côtes françaises seront fortement impactées : en 2100, la ville de La Rochelle sera par exemple un cap entouré d’eau.

Les changements climatiques, un danger pour la planète présent et futur

Des impacts divers et inégaux : les pays moins développés sont les plus touchés par les impacts des changements climatiques

Les catastrophes qui provoquent des déplacements forcés se multiplient et sont de natures très variées. Elles sont directement responsables de millions de déplacements immédiats, comme les ouragans ou les tempêtes, mais aussi dans les causes subjacentes de famines, conflits ou violences qui provoquent à leur tour des nouveaux déplacements.

Toutefois, les impacts actuels du dérèglement climatique ne sont pas les mêmes partout. Une nouvelle fois, ce sont les pays plus pauvres ou en développement qui sont les plus touchés par ces impacts et qui doivent donc faire face aux plus forts déplacements de populations. Ce sont aussi les pays qui sont historiquement les moins responsables du changement climatique. Entre 2008 et 2018, 7 des 10 pays les plus exposés à des déplacements internes dus à des phénomènes météorologiques extrêmes sont des petits États insulaires en développement.

Les menaces à court-terme et long-terme du changement climatique sur les populations

On estime qu’il existe deux types de menaces en fonction du temps d’impact :

Les menaces soudaines

Ce sont celles qui aujourd’hui sont plus responsables de déplacements de population : ouragans, cyclones, typhons, tempêtes, inondations…

  • Au Pakistan, en août 2022, des pluies exceptionnelles ont plongé un tiers du territoire sous l’eau et poussé des millions de personnes à abandonner leurs foyers.
  • Aux Philippines en 2021, à cause d’événements comme le Typhon Rai, plus de 5 millions de déplacements forcés ont été enregistrés. Aujourd’hui, plus de 700 000 personnes sont toujours loin de leur foyer, sans la possibilité de rentrer chez eux.

Les menaces d’effet à long terme

Les impacts sont plus graduels, de long terme, mais les conséquences sont tout aussi catastrophiques : sécheresse, désertification, montée du niveau de la mer…

  • Au Niger et dans toute la région du Sahel central, la sécheresse, les périodes de soudure et les pluies exceptionnelles qui suivent, s’installent petit à petit dans la normalité. Les sécheresses s’aggravent, dégradent le sol, empêchant d’alimenter suffisamment le bétail. Les périodes de soudures s’allongent, augmentant la durée des périodes pendant lesquelles la nourriture manque et plongeant les populations locales dans de graves crises alimentaires. Dans ce contexte, les possibilités d’un futur digne pour les jeunes diminuent et les tensions entre communautés augmentent.

Face à l’augmentation des réfugié.e.s climatiques, un manque de cadre juridique à questionner

Les défis et opportunités

Depuis 1951, une convention signée par plus de 140 Etats accorde le droit à la protection internationale aux personnes qui doivent fuir leur pays pour sauver leur vie. Lors de la rédaction de cette Convention de Genève relative au statut des réfugiés, le contexte était autre et les raisons pour lesquelles une personne pouvait et continue de pouvoir demander l’asile sont limitées, même avec les améliorations ultérieures (1). Aujourd’hui, on devient réfugié si notre vie est en danger du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Les catastrophes liées aux changements climatiques ne sont, elles, pas prises en compte. Ceci peut sembler anodin mais c’est pourtant crucial. Le manque de cadre juridique signifie qu’il d’organisation qui dispose de capacités pour faire face au sujet,  comme peut avoir le Haut-Commissariat pour les Réfugiés. Par ailleurs cela signifie également qu’il n’y a pas de suivi de ce type de déplacements à l’échelle internationale.

Autrement dit, cela veut tout simplement dire que nous regardons ailleurs face à une réalité dramatique. Chaque année, des millions de personnes continuent d’être contraintes de tout quitter pour échapper aux conséquences des changements climatiques.

(1) Plusieurs documents ultérieurs ont amplifié ou spécifié les normes relatives à la protection des personnes déplacées forcées (Déclaration de Carthagène de 1984, Convention de Kampala de 2009…)

Des avancées insuffisantes, compte tenu de la multiplication des déplacements liés au climat

Rien n’a été fait pour les « réfugiés climatiques » sur le plan légal ? S’il y a eu quelques très petites avancées, aucune n’est suffisante pour véritablement protéger les personnes forcées de traverser une frontière en quête de sécurité, ni pour différencier les déplacées climatiques d’autres migrants.

En 2018 seulement, le Pacte Mondiale pour des Migrations sûres, ordonnées et régulières, proposait de prendre en compte les « migrations environnementales » dans le cadre générale, et renforçait l’idée de la migration comme voie d’adaptation face aux conséquences des changements climatiques. A un autre niveau, la Convention de Kampala, adopté par l’Union africaine pour la protection des déplacés internes en Afrique, prend en compte le cas spécifique des déplacés internes suite à des catastrophes liées aux changements climatiques.

Mais même en saluant l’effort, il reste insuffisant. Le Pacte Mondiale pour les Migrations se limite à un accord non contraignant pour les Etats et n’instaure aucun droit reconnu, et la Convention de Kampala, qui est un texte certes plus fort, reste limité régionalement et ne prend en compte que les déplacements internes, laissant sans protection les déplacés climatiques internationaux.

Comprendre les termes liés aux migrations

Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, mineurs isolés… Si on entend régulièrement ces termes dans l’actualité, ils sont toutefois souvent mal compris. Ils sont pourtant essentiels pour comprendre les enjeux liés aux sujets des migrations.