La vague de chaleur que nous subissons actuellement en France et en Europe du Nord, et les prévisions d’une nouvelle canicule la semaine prochaine, doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’agir. Car ces phénomènes climatiques extrêmes vont se généraliser et s’accentuer, et ont déjà des impacts majeurs sur la santé et la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes vulnérables dans le monde.

Un constat alarmant

Partout à travers le monde, les climatologues semblent dépassés par l’ampleur des phénomènes climatiques.

D’après l’Institut Goddard (1), bien que la période de janvier à juin 2018 compte parmi l’une des trois plus chaudes enregistrées dans le monde depuis 1880 (2), ces données s’inscrivent dans une tendance de fond où les températures grimpent un peu partout (3), comme le fait remarquer Sarah Green, chimiste de l’environnement à la Michigan Technological University (4).

Des constats qui prouvent à quel point les populations, tout autour du globe, sont impactées par le changement climatique et ont besoin – outre d’une prise de conscience collective – d’actions concrètes.

Lors de la COP 21 en 2015 à Paris, les Etats ont affirmé s’efforcer de vouloir contenir le réchauffement global de la planète à moins de 1,5°C par rapport au niveau de l’ère préindustrielle.

La planète s’est déjà réchauffée de 1°C : l’ambition affichée ne laisse qu’une marge supplémentaire équivalent à 0,5°C de plus que la moyenne actuelle, d’après les évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (5).

Or, si les émissions de gaz à effet de serre continuent au rythme actuel, ce seuil de 1,5°C pourrait être atteint d’ici 2040 avec d’importantes disparités selon les régions du globe. Soit 0,5 degré de plus que la moyenne actuelle, d’après les évaluations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (5).

Cécile Duflot, Directrice Générale d’Oxfam France, souligne qu’outre les canicules, d’autres événements climatiques extrêmes sont de plus en plus fréquents : « l’année 2017 avait aussi été marquée par d’autres événements climatiques extrêmes : les ouragans dans les Caraïbes ont fait plus de 200 morts, de violentes inondations de mousson ont touché plus de 43 millions de personnes en Asie du Sud-Est. »

Le changement climatique impacte avant tout les populations les plus vulnérables à travers le monde

L’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire commence déjà à se faire ressentir : le nombre de personnes sous-alimentées, qui avait baissé sans discontinuer depuis plus de dix ans, est reparti à la hausse en 2016, passant de 777 millions en 2015 à 815 millions.

Cécile Duflot ajoute : « j’étais en déplacement au Tchad il y a quelques semaines, où j’ai pu échanger avec des femmes et des hommes parmi les près de 6 millions de personnes que la sécheresse a plongé dans l’insécurité alimentaire au Sahel, où les vies de 1,6 million d’enfants sont actuellement menacées par la malnutrition aiguë sévère – une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’année dernière. Dans ces situations, il faut apporter une aide humanitaire d’urgence pour sauver des vies ! ».

Cette tendance va probablement aller en s’accentuant : d’ici 2050, le changement climatique pourrait augmenter le nombre de personnes risquant de souffrir de la faim de 10% à 20%, et porter le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition à 25 millions, soit le nombre d’enfants de moins de cinq ans que comptent les États-Unis et le Canada réunis.

Les effets d’une flambée des prix alimentaires se feront sentir à l’échelle mondiale, mais ce sont les populations les plus démunies – qui doivent parfois consacrer jusqu’à 75% de leurs revenus à l’alimentation – qui seront touchées de plein fouet.

En outre, selon Oxfam, les populations vivant dans des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire sont en moyenne cinq fois plus susceptibles d’être déplacées à cause de catastrophes climatiques extrêmes et soudaines (comme les tempêtes ou les inondations) que les habitants de pays à revenu élevé. Ainsi, entre 2008 et 2016, 14 millions de personnes ont été déplacées dans les pays à revenu faible et intermédiaire contre seulement 1 million dans les pays riches.

La responsabilité historique est avant tout celle des pays « riches »

La moitié la plus pauvre de la population mondiale – les 3,7 milliards de personnes les plus menacées par l’intensification catastrophique des tempêtes, des sécheresses et autres phénomènes extrêmes liée au changement climatique – n’est responsable que de 10 % des émissions de CO2. En revanche, les 10 % les plus riches de la planète sont responsables d’environ la moitié des émissions de CO₂ mondiales.

Pour Cécile Duflot « en matière de changement climatique, si les impacts sont surtout vécus parmi les plus vulnérables, les responsabilités sont surtout à chercher du côté des plus riches : une personne faisant partie des 1 % les plus riches au monde génère en moyenne 175 fois plus de CO2 qu’une personne se situant dans les 10 % les plus pauvres ».

Il est donc urgent de faire beaucoup plus pour aider les pays les plus pauvres à s’adapter aux impacts, déjà significatifs, du changement climatique, mais aussi à développer l’accès à l’énergie des plus vulnérables via des technologies et investissements renouvelables adaptées à leurs besoins.

Les pays riches se sont engagés en 2009 lors du sommet de Copenhague à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour soutenir l’action climatique dans les pays en développement. Sur la période 2015–2016, Oxfam estime que l’assistance nette spécifique au climat pourrait avoisiner seulement 16 à 21 milliards de dollars par an.

La France loin du compte

A son niveau, la France est encore loin du compte, que ce soit dans le montant total des financements qu’elle mobilise, ou plus spécifiquement concernant les fonds fléchés sous forme de don à l’adaptation des pays les plus pauvres.

Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France, indique les mesures de justice climatique à adopter d’urgence par la France : « il est urgent de redresser la barre et d’affecter dans le prochain projet de loi de finances 100 % des recettes issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) française à la solidarité internationale et à la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, le Président de la République devra user de son influence pour relancer les négociations sur la TTF européenne et les faire aboutir dès que possible à un accord ambitieux permettant de dégager 22 milliards d’euros par an en faveur de la solidarité internationale et de la lutte contre le changement climatique. »

« Au niveau national, la France doit fermer l’ensemble des centrales à charbon détenues par ENGIE et EDF, dont l’Etat est actionnaire » constate Cécile Duflot, « mais aussi mettre à terme à tout soutien financier de l’Agence Française de Développement à des projets d’énergie fossile ».

« A l’échelle internationale, il faudra investir massivement et plus rapidement, dans les énergies renouvelables, qui constituent une opportunité pour répondre aux besoins fondamentaux des plus pauvres » ajoute Cécile Duflot.

Contacts

Michael Luzé, au + 33 6 63 63 40 08

Notes aux rédactions

(1) https://www.giss.nasa.gov/

(2) http://www.columbia.edu/~mhs119/Temperature/

(3) https://www.giss.nasa.gov/

(4) http://www.mtu.edu/chemistry/people-groups/faculty-staff/faculty/green/

(5) http://www.ipcc.ch/publications_and_data/publications_and_data.shtml