Forum Social Mondial : quand la jeunesse ne fait pas genre

Les participants au FSM à la recherche de leur salle d’atelier dans le dédale de l’université de Tunis n’ont pu manquer de tomber sur une vingtaine de jeunes, qui attirent les perdus dans leur salle, à force de sourires et de slogans imparables. Il s’agit d’une équipe de jeunes du monde entier emmenée par le Oxfam International Youth Partnership, qui accompagne des jeunes de 18 à 25 ans pendant 3 ans, pour les aider à créer un changement positif dans leurs communautés. S’il fallait se convaincre que le FSM est bien un espace jeune et dynamique, leur atelier remplace tous les discours.

Jeudi 28 mars, pour « La re-civilisation des hommes par les femmes », un des nombreux ateliers qu’ils ont animés tout au long de la semaine, ils proposaient une mise en scène inspirée du théâtre forum : les participants naviguent entre de jeunes hommes et femmes, aux positions bien affirmées sur les relations entre les deux sexes. « Je ne veux pas que ma femme travaille, elle doit rester à la maison » : un condensé de ce que l’on entend au quotidien sur les rôles sociaux de genre.

Questionner la socialisation de genre

Le défi, immense, relevé par ces jeunes est d’amener le public à questionner l’éducation et la socialisation qui font de nous des membres de deux groupes aux rôles bien distincts : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Remettre en question ces normes pour échanger ensuite sur les stratégies de partage du pouvoir économique entre les femmes et les hommes, voilà l’objet de l’atelier.

Le défi est brillamment relevé. L’éducation qui mène les garçons vers les matières scientifiques et les filles vers le social, le rose qui est mal vu lorsque porté par un garçon, mais tellement approprié pour les filles, l’assignation des femmes au travail domestique et à l’éducation des enfants, le traditionnel « homme chef de foyer »… Toute notre éducation est passée au crible du genre.

Quelles stratégies pour la justice de genre ?

Pour une égalité d’accès aux ressources économiques, financières, à la terre et à la représentation politique, les réponses sont nombreuses. A commencer par l’arme du droit comme le suggère une participante sénégalaise. La convention internationale pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW en anglais, CEDEF en français) doit être ratifiée par tous les pays sans réserves et, surtout, appliquée au niveau national. Questionner les rôles sociaux dévolus aux femmes et aux hommes, c’est ce que la plupart des participants ont proposé, lors d’interventions allant de l’anecdotique au structurel. Un participant tunisien avoue vouloir retrouver le droit de pleurer pour les hommes sans être stigmatisé pour « défaut de masculinité », une participante égyptienne nous dit qu’elle veut travailler mais que son mari lui interdit.

Les inégalités, clé de lecture globale

Un des participants venu du Niger exige une redistribution du pouvoir économique, dont l’inégale répartition dans les sociétés se conjugue au pluriel : les inégalités de genre se croisent avec les inégalités économiques. « Il ne vaut mieux pas être une femme agricultrice dans une zone éloignée de la capitale du Niger si l’on souhaite un jour accéder au parlement« , nous dit-il. La représentation communautaire et politique est fortement déterminée par le pouvoir économique, lequel est empreint de l’inégalité de genre. Alors, puisque tout est lié, par quoi commencer ? Chacun et chacune, à son niveau, peut agir sur les inégalités.

Pour Oxfam, la réponse est dans toutes nos campagnes, de CULTIVONS à Santé et Education pour tous, en passant par chacun de nos programmes sur le terrain.
Dans les mois à venir, nous ferons entendre notre voix dans les réflexions en cours sur les objectifs de développement après 2015, car les inégalités sont au cœur des débats.

Article rédigé depuis Tunis, par Charlotte Soulary, et Lucille Thiebot, respectivement chargée de plaidoyer santé et chargée de mobilisation d’Oxfam France/tags/forum-social-mondial-fsm