G8/G20 : derrière les chiffres et les annonces, un bilan point par point

Trois dossiers clefs auraient dû, selon Oxfam France, constituer les priorités des sommets du G8 et du G20, du 25 au 27 juin 2010 au Canada : la santé maternelle, la taxe sur les transactions financières et l’évasion fiscale. A l’heure du bilan et au-delà des promesses, le compte n’y est pas, même si plusieurs signes sont encourageants.

Soutien au secteur de la santé maternelle

L’aide au secteur de la santé maternelle et infantile a été présentée comme la priorité de ce G8 canadien. Le Premier ministre du pays hôte, Stephen Harper, a pris soin d’annoncer, vendredi 25 juin 2010, l’Initiative de Muskoka visant à constituer un fonds de 7,3 milliards de dollars sur cinq ans pour l’amélioration de la santé maternelle et infantile, qui fait l’objet de deux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les numéros 4 et 5. Mais derrière ces annonces, la réalité est moins flatteuse : la mobilisation des ressources est très inférieure aux besoins estimés. D’après le secrétaire général des Nations unies, il manque 15 milliards de dollars par an pour progresser vers l’atteinte des OMD 4 et 5 et les pays riches, pour contribuer d’une juste manière à l’initiative du G8, auraient dû mobiliser au moins 4 milliards de dollars par an. Le Canada apportera sur cinq ans 1,1 milliard de dollars de fonds nouveaux par rapport à ses précédents engagements, soit l’équivalent du coût de l’organisation de ces trois jours de sommets. Les Etats du G8 n’assument toujours pas leurs responsabilités : il est symptomatique du désengagement et du manque d’ambition des pays du G8 que la promesse la plus significative émane, non d’un Etat, mais d’un acteur privé, la Fondation Gates, qui contribuera à hauteur de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. La France a promis d’apporter 500 millions d’euros sur cinq ans, et les contours de cette annonce n’ayant pas été dévoilés, aucune garantie n’est donnée sur le fait qu’il s’agit effectivement de financements additionnels. Il faut dès aujourd’hui veiller à ce que l’Initiative de Muskoka ne vienne allonger un peu plus la longue liste des promesses non tenues lors des précédents G8 : 50 milliards de dollars supplémentaires par an pour l’aide publique au développement d’ici à 2010 (promesses de 2005), accès universel aux traitements contre le VIH pour 2010 (2006), 60 milliards pour la santé (2007), 22 milliards de dollars sur l’agriculture et la sécurité alimentaire (2009)… Alors qu’il manque 4 millions de professionnels de santé en poste dans les pays en développement, dont 350 000 sages femmes qualifiées, et que l’aide spécifiquement dédiée à la planification familiale et la contraception, une composante essentielle de la santé maternelle, est passée de 653 millions de dollars en 1997 à 394 millions de dollars en 2006, les membres du G8 ne doivent plus se contenter de passer d’un sujet à l’autre et de faire de belles promesses. Il faut désormais, au moins, qu’ils tiennent leurs engagements, et qu’ils présentent des plans de rattrapages, avec les moyens détaillés et appropriés pour y parvenir. La question de la santé maternelle reste donc, plus que jamais, d’actualité avant le sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement qui se tiendra le 20 septembre 2010. Il est important de continuer à soutenir notre action dans ce domaine, notamment en ajoutant votre signature aux quelque 10 000 autres apposées sur la pétition, en ligne et sur papier, contre la Non-assistance à mère en danger.

Création d’une taxe sur les transactions financières

Malgré la collecte par Oxfam et ses partenaires de quelque 150 000 signatures en faveur de la création d’une taxe sur les transactions financières à travers le monde entier (dont plus de 50 000 sur la plate-forme Make Finance Work), les dirigeants du G8 et du G20 n’ont pris aucune décision sur la mise en place de ce type de financement innovant. Les dirigeants ne se sont mis d’accord que sur une chose : il n’y aura pas de décision collective sur la taxation du secteur bancaire défendue par la France, l’Allemagne et la Grande- Bretagne. Pas un mot clair dans les conclusions sur l’idée de taxer les transactions financières qui représentent chaque jour 6 000 milliards de dollars échangés dans le monde, si ce n’est une mention vague sur « les financements innovants ». A la suite des déclarations favorables d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy à la mise en place d’une taxe internationale, L’Union européenne avait pourtant décidé collectivement|Taxation des transactions financières : réaction d’Oxfam France au sommet des Chefs d’Etat européens de porter le sujet au G20. Si l’absence de décision globale sur le sujet est regrettable, le soutien allemand et français est tout de même bienvenu et a été accueilli favorablement|G20 : réaction d’Oxfam aux déclarations de Nicolas Sarkozy pour une taxe sur les transactions financières par les membres de la confédération internationale Oxfam. Les prochains sommets des dirigeants du G8 et du G20 auront lieu sous l’égide de la France : elle devra donc transformer cette idée en réalité, au pire avec ses partenaires européens, au mieux avec l’ensemble des membres du G20. D’ici là, notre mobilisation doit encore s’intensifier !

Lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale

La seule fraude fiscale des multinationales coûterait chaque année 125 milliards d’euros aux caisses des Etats du sud, soit plus que ce qu’ils reçoivent en aide internationale chaque année. Lutter contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale devrait donc figurer parmi les priorités des dirigeants du G8 et du G20. Or, on l’a une fois de plus constaté à Toronto, le G20 peine à appliquer de manière coordonnée des sanctions contre les paradis fiscaux et ne s’attaque pas réellement aux causes de ce problème. Dans leur déclaration commune du sommet de Toronto, les Etats membres du G20 se disent simplement « disposés à user de contre-mesures visant les paradis fiscaux » alors qu’elles étaient promises pour mars 2010. Aucune autre décision nouvelle n’est prise. Depuis un peu plus d’un an, le G20 se contente de dénoncer les micro-territoires, dont le nombre a d’ailleurs été ramené à 14 sur la liste de l’OCDE, mais ne s’attaque toujours pas à la demande émanant des banques et des multinationales. Le silence constant du G20 sur leur présence dans ces territoires d’opacité mine la crédibilité que le G20 avait gagné en 2009 sur les paradis fiscaux. La solution est pourtant simple : si les entreprises n’ont rien à cacher, qu’elles présentent dans leurs comptes la nature de leurs activités pour tous les pays où elles sont implantées. Là encore, cette question devra être sur le devant de la scène lors du sommet organisé par la France. Oxfam France a déjà engagé le dialogue avec les autorités françaises sur les priorités du G20 français en 2011, lors de réunions préparatoires avec des représentants du ministère des Affaires étrangères, du ministère de l’Economie, de l’Elysée et de la direction du Parti socialiste durant le mois de juin 2010. Les dizaines de milliers de signatures de l’appel « Stop paradis fiscaux » récoltées en amont du G20 (entre le mois de mai et la fin du mois de juin leur nombre est passé d’environ 10 000 à plus de 40 000) nous ont permis d’appuyer nos demandes qui, à défaut d’aboutir au niveau du G20, ont été satisfaites en Ile-de-France et dans plusieurs régions françaises. L’objectif est désormais de dépasser la barre symbolique des 50 000 signatures, afin de maintenir la pression sur nos dirigeants, à tous les niveaux.