Oxfam France, 25 ans d’engagements : le témoignage de Reynald Blion, ancien président d’Oxfam France

Cette année, Oxfam France fête ses 25 ans. 25 ans d’engagements, 25 ans de mobilisations pour un monde plus juste sans pauvreté. Pour remercier tous nos donateurs, bénévoles, adhérents, militant-e-s qui nous ont accompagné toutes ces années et continuent à nous soutenir aujourd’hui, nous leur donnons la parole tout au long de l’année 2013.

Chaque mois, découvrez les personnes qui partagent avec nous les valeurs du réseau Oxfam : citoyenneté active, conviction que la pauvreté n’est pas une fatalité et qu’elle peut être combattue par la volonté politique des décideurs et la mobilisation de citoyens éclairés et indignés contre les inégalités.

Reynald Blion, ancien président d’Oxfam France

Reynald Blion a été membre du conseil d’administration d’Agir ici puis d’Oxfam France – Agir ici pendant 10 ans, trésorier pendant quatre ans et, enfin, président de 2004 à 2008. Parallèlement de mai 2007 à juillet 2009, il a été vice-président d’Oxfam International. Il travaille aujourd’hui comme responsable Media & Diversité au sein du Conseil de l’Europe.

Comment avez-vous connu Agir Ici ?

Je travaillais à l’époque pour la CIMADE étant en charge, notamment des questions d’éducation au développement et de migration/ développement. De ce fait, j’ai été très rapidement en contact avec Agir Ici. Le concept de l’association a tout de suite retenu mon attention car à l’époque, il était assez facile d’agir à l’extérieur, mais encore très peu de personnes (et moi en premier) se posaient la question que ce que nous pouvions faire ici, en tant qu’acteur-trices pour rééquilibrer les relations économiques, sociales, politiques et culturelles internationales.
Pour la première fois, en France, Agir Ici proposait de faire du plaidoyer, d’impliquer les citoyens et de les interpeller sur leur mode d’être et non d’avoir. Lorsqu’on m’a proposé d’intégrer le conseil d’administration d’Agir Ici, je n’ai pas hésité, et ce d’autant plus que j’avais postulé à un poste au sein de l’association sans que cela n’aboutisse.

Comment s’est passé le rapprochement avec la confédération Oxfam ?

Tout le mérite revient surtout et avant tout à la directrice de l’époque, Françoise Vanni, sans qui, de par la vision mais aussi de par la force de conviction, Agir Ici ne serait pas devenue ce qu’elle est aujourd’hui.
Pour faire court, 15 ans après sa création, Agir Ici traversait une période de questionnement : son approche, le plaidoyer sur les décideur-se-s, mais aussi son mode de fonctionnement, notamment d’interpellation avec les cartes postales, novateurs à la fin des années 1980, avaient été repris par de nombreuses associations. Comment l’association pouvait-elle rester pertinente dans son projet et efficace tout en élargissant son réseau ?
Au même moment, Oxfam International souhaitait développer son activité et ses campagnes en France, un pays clé car membre du G7 et du Conseil de sécurité des Nations unies. Rejoindre la confédération Oxfam a représenté une opportunité réelle d’un nouveau développement et positionnement tout en essayent de ne pas renier ce qui avait été le moteur d’Agir ici ; à savoir agir surtout ici… Cela nous permettait de sortir d’un espace trop restreint franco-français et de se confronter à d’autres approches, d’autres modes d’actions, de réflexions qui, à mon sens, ne pouvaient être que bénéfiques si nous savions être exigeants dans ce que nous étions et voulions devenir.

Une campagne ou une rencontre vous a-t-elle marqué ?

J’ai un souvenir précis concernant la campagne « Exportations de poulets : L’Europe plume l’Afrique ! », une membre du groupe local de Dijon m’avait expliqué comment cette campagne avait eu impact sur la façon dont ils, avec son mari, consommait le poulet. Histoire classique, adultes, leurs enfants quittent le domicile et un poulet entier pour deux personnes devient alors énorme… d’où son changement de consommation en privilégiant les cuisses et autres découpes de poulet plutôt que le poulet entier… Or avec la campagne d’Agir Ici, elle réalise l’impact négatif de ses choix (l’exportation de découpes de poulets européens congelés en Afrique de l’Ouest) et décide de revenir à une consommation de poulets entiers ; « eut-il fallu que mon mari et moi en ayons pour la semaine » a-t-elle ajouté à la fin de son histoire. Et c’est ce type d’histoires que j’ai aimé rencontrer au sein d’Agir Ici ; c’est l’idée simple que de petits gestes peuvent produire de grands changements. J’ai aussi fait de très belles rencontres lors de réunions d’Oxfam international dont j’ai été vice-président pendant deux ans. Je pense notamment à la directrice d’Oxfam Novib. D’origine iranienne, Farah Karimi a été réfugiée politique en Allemagne avant de devenir députée aux Pays-Bas. Ce parcours, malheureusement trop atypique au sein des membres dirigeant-e-s de la confédération, était à remarquer. Car, bien souvent, les interventions et commentaires de Farah Karimi nous renvoyaient ce miroir, parfois opaque pour nombre d’entre nous, de la diversité alors qu’il aurait été naturel, au sein d’un monde, celui des organisations non gouvernementales internationales de développement, d’en user, voire d’en abuser ne serait-ce que pour questionner les fondements de nos « croyances » et « orientations ». Je regrette de ne pas avoir pu, pour des contraintes professionnelles, poursuivre cette expérience vécue au sein de la Confédération car il eut été important de pouvoir continuer à défendre une approche diverse et non homogène de notre compréhension du monde, de réflexion et donc d’actions, au contraire de ce qui semble se faire aujourd’hui.

Quel regard portez-vous sur ces 25 ans de l’association ?

Il y a 25 ans, les personnes qui ont fondé Agir Ici ont eu une intuition, celle d’une nouvelle manière d’agir, de s’engager. Aujourd’hui, le fait que l’association ait bien « grandi » est important mais par-dessus tout, je souhaite qu’Oxfam France continue une forme d’être qui lui permette encore et toujours d’être la « mouche du coche » que cela soit en France ou au niveau international, en particulier au sein de la confédération Oxfam International. Il ne s’agit pas d’un positionnement nostalgique, bien au contraire. Mais de faire valoir l’ « héritage » d’Agir Ici dans toutes ses formes au sein de la confédération Oxfam International, voire du monde, et ce d’autant plus que les périodes actuelles invitent plus à la facilité qu’à la hardiesse, à la reproduction plutôt qu’à la production…
Ses 25 ans pour Oxfam France doivent être le moment de porter haut et fort, et sans aucun complexe, un message novateur et non convenu…